Cours de contentieux administratif : les différents recours contentieux devant les juridictions administratives - Ivoire-Juriste
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Cours de contentieux administratif : les différents recours contentieux devant les juridictions administratives

Franck-Willy Franck-Willy
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Cours de contentieux administratif : les différents recours contentieux devant les juridictions administratives
Cours de contentieux administratif : les différents recours contentieux devant les juridictions administratives


Cours de contentieux administratif - Deuxième partie : les différents recours contentieux devant les juridictions administratives

Voir également :

- Introduction

- Première partie : la justice administrative

DEUXIEME PARTIE : LES DIFFERENTS RECOURS CONTENTIEUX DEVANT LES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES

Plusieurs recours existent devant le juge administratif qui lui permettent d'exercer son contrôle sur l'activité de l'administration. Ce contrôle juridictionnel de l'administration qu'assure la justice administrative s'opère au travers de différents recours qui assurent la protection et la garantie des droits des administrés. 

Les recours devant le juge administratif peuvent être classés en deux catégories suivantes qu'ils sont portés devant les juridictions de droit commun (Chapitre I) ou devant l'instance administratif suprême (Chapitre 2).

CHAPITRE I : LES RECOURS DEVANT LES JURIDICTIONS DE DROIT COMMUN

En matière de contentieux administratif, les juridictions de premier degré et de second degré encore appelés les juridictions ordinaires ou de droit commun sont les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appels. Les premiers sont juges de droit commun du contentieux administratif, en premier ressort, sous réserve des compétences attribuées au Conseil d'Etat, et les juridictions administratives spécialisées. 

Quant aux secondes, elles connaissent des décisions rendues en premier ressort par les tribunaux administratifs et les juridictions administratives spécialisées. 

En attendant la mise en place effective du système de dualité de juridictions que prône la Constitution du 8 novembre 2019, les attributions des juridictions administratives de droit commun sont assumées par les tribunaux de première instance et leurs sections détachées ainsi que par les cours d'appel. 

Hormis le contentieux des contrats administratifs et le contentieux fiscal, ces tribunaux et cours connaissent principalement du contentieux de la responsabilité ou recours de plein contentieux ou encore de pleine juridiction (Section I), qui permet d'obtenir la réparation des dommages causés par l'administration. Ce recours comme tout autre recours obéit à un ensemble de procédure qu'il conviendra d'exposer (Section II).

SECTION I : LE RECOURS DE PLEIN CONTENTIEUX OU DE PLEINE JURIDICTION 

I- DEFINITION ET TRAITS CARACTERISTIQUES DU RECOURS DE PLEIN CONTENTIEUX

Le recours de pleine juridiction, dit aussi de plein contentieux, est celui dans le cadre duquel le juge administratif dispose des pouvoirs les plus étendus. En effet, celui-ci peut annuler un .acte, le réformer c'est-à-dire lui substituer sa propre décision, ou condamner pécuniairement l'Administration. Trois hypothèses doivent, alors, être distinguées. 

En premier lieu, dans certains domaines, le juge ne peut qu'annuler ou réformer un acte irrégulier, la question posée impliquant uniquement de trancher une question de légalité. C'est le cas en matière de contentieux électoral puisque le juge administratif peut non seulement annuler une élection, mais aussi proclamer élu le candidat que la modification des résultats du scrutin désigne comme le vainqueur de l'élection. 

C'est aussi le cas en matière de contentieux fiscal dans la mesure où le juge peut rectifier les impositions à la charge du contribuable. En second lieu, le juge de plein contentieux peut prononcer une condamnation pécuniaire contre Administration en cas de réalisation d'un préjudice : l'on touche là au droit de la responsabilité administrative. 

Enfin, une troisième hypothèse est celle du contentieux contractuel où, là, le juge peut tant annuler le contrat administratif que prononcer une „ condamnation pécuniaire à rencontre de l'une des parties. Au-delà de l'étendue des pouvoirs du juge, le recours de plein contentieux est aussi marqué par sa souplesse de mise en œuvre. 

Ainsi, les moyens, en droit ou en fait, pouvant être invoqués sont illimités. Par ailleurs, les délais de recours sont extrêmement larges : ils vont de 30 ans en principe à 4 ans lorsque sont en cause des dettes de l'Etat et des collectivités publiques. En revanche, le ministère d'avocat est généralement obligatoire, et les effets de la décision sont limités aux parties à l'instance. Autant de caractéristiques qui distinguent ce contentieux de celui de l'annulation. 

Plusieurs traits caractéristiques distinguent l'office du juge de plein contentieux : Il apprécie la légalité d'un acte toujours au moment où il statue. Cela signifie qu'il peut prendre en compte des éléments qui sont apparus postérieurement à l'adoption de l'acte. Cette faculté est très importante dans le contentieux contractuel ou dans le contentieux de l'indemnisation, notamment pour adapter l'évaluation du préjudice. S'agissant d'un contentieux plutôt subjectif (encore que ce trait admette des limites), l'effet du jugement est relatif, c'est-à-dire qu'il ne s'applique qu'aux parties en cause. 

Dans la mesure où le juge peut substituer sa propre appréciation à celle de l'administration, sans pour autant réellement faire œuvre d'administration, le niveau de contrôle n'est pas échelonné. En d'autres termes, il ne varie pas. Si l'on doit comparer avec le REP, on peut dire que le juge de plein contentieux doit toujours exercer un contrôle de type maximal. Toute marge d'appréciation de l'administration peut être contrôlée par le juge. 

La recevabilité des requêtes et l'intervention des tiers sont limitées. Pour être recevables en leurs conclusions, les parties doivent démontrer être touchées particulièrement. On dit que leur intérêt à agir doit être justifié. Par ailleurs, au-delà de la recevabilité de la requête, tous les moyens ne peuvent pas être développés par toutes les catégories de parties. 

Une illustration récente de ce principe en voie d'approfondissement peut être donnée par l'arrêt CE, Ass, 2014, Département du Tarn et Garonne. Le délai de forclusion n'est pas fixe et dépend en réalité du délai de prescription (ou de péremption) du droit invoqué. S'il s'agit d'obtenir la reconnaissance et le paiement d'une créance sur une personne publique, le délai applicable est limité par la prescription quadriennale qui commence à courir, pour 4 ans, au 1er janvier de l'année qui suit la naissance de la créance. 

Cette règle un peu barbare sert à aligner les modalités de calcul de la prescription aux exercices budgétaires. En l'absence d'acte à attaquer, le contentieux doit toujours être préalablement lié. Cela signifie qu'il faut provoquer une décision de l'administration. Si l'on entend obtenir le paiement d'une somme par l'administration, il faut en premier lieu le solliciter auprès d'elle.


II- PARTICULARITES DE CHAQUE PLEIN CONTENTIEUX

Le recours de plein contentieux comprend le contentieux des contrats administratifs (le juge peut accorder une indemnité pour imprévision, et même annuler le contrat), le contentieux fiscal (impôts directs et TVA, le requérant demande sans doute l'application des lois et règlements fiscaux à son acte d'imposition, mais prétend aussi détenir un droit de créance sur le trop-perçu par l'administration). 

Il comprend également le contentieux des élections administratives et des collectivités territoriales. Toutefois, ce contentieux relève de la compétence du Conseil d'Etat. Abstraction faite de ce contentieux, chaque plein contentieux présente une certaine particularité.

A- LE CONTENTIEUX FISCAL

1-Spécificités du contentieux

La matière du contentieux fiscal est objective, le juge confrontant l’imposition individuelle avec les textes applicables. Mais le contentieux fiscal est considéré comme un plein contentieux afin de conférer au juge des pouvoirs plus grands et de contrebalancer, au profit du contribuable, la toute puissance de l'administration des impôts.

Le recours pour excès de pouvoir est irrecevable, pour cause de recours parallèle, lorsqu'existe une voie juridictionnelle fiscale. Il est en revanche recevable en ce qui concerne les litiges relatifs à l'assiette et au recouvrement des rôles, actes réglementaires ou individuels détachables de la procédure d'imposition, ou lorsque le contribuable ne dispose pas de recours fiscal. L'exception de recours parallèle n'est opposée que si le recours de plein contentieux fiscal permet d'obtenir un résultat identique à celui du recours pour excès de pouvoir.

2-Particularité de procédure

- Réclamation préalable

Le contribuable a l'obligation, avant de saisir le juge administratif, de présenter une réclamation à l'administration, en général avant le 31 décembre de la deuxième année suivant celle de la mise en recouvrement du rôle, ou versement de l'impôt d'Etat, s'il n'a pas donné lieu à rôle. Ce délai est d'un an pour les impôts locaux et les taxes annexes. S'agissant de procédures de reprise ou de redressement de la part de l'administration, le contribuable dispose d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter ses réclamations.

Le contribuable doit établir l'existence de la réclamation préalable. La réclamation doit être individuelle, sauf pour les contribuables imposées collectivement, les sociétés de personnes, et mentionner l'imposition contestée, dont doit être produit l'original ou la copie, et contenir l'exposé sommaire des moyens et conclusions. L'administration dispose d'un délai de six mois, pouvant être prolongé de trois mois, à compter de la réception de la réclamation, pour statuer. 

L'éventuelle décision de rejet doit être motivée et dûment notifiée à l'intéressé. Le tribunal administratif doit être saisi dans les deux mois suivant la notification de la décision de rejet ou le silence gardé pendant six mois sur la réclamation. Seules les impositions visées dans sa réclamation préalable peuvent être contestées devant le tribunal.

- Sursis au paiement

À la double condition d'en faire expressément la demande dans le délai de réclamation et d'offrir des garanties suffisantes au comptable public chargé du recouvrement, le contribuable qui conteste le bien-fondé ou le montant de son imposition peut obtenir que le paiement soit différé jusqu'à la prise par le directeur des services fiscaux, qui dispose en la matière d'un pouvoir discrétionnaire, d'une décision sur sa réclamation, voire jusqu'au jugement. Le contribuable a par ailleurs la faculté de former un référé fiscal.

- Pouvoirs du juge

Le juge peut annuler les actes fiscaux et les réformer. Il peut fixer lui-même le montant des impositions dues. En France, le juge contrôle les activités de la commission départementale des impôts directs et de la taxe sur le chiffre d'affaires, qui intervient en cas de désaccord sur le montant des bénéfices professionnels et de la commission de conciliation en matière de droits d'enregistrement et de publicité foncière, qui intervient en cas d'insuffisance des prix ou évaluations.

B- LE CONTENTIEUX CONTRACTUEL

Les contentieux opposant les parties à propos de la formation et de l'exécution des contrats ressortissent en principe à la pleine juridiction. Le recours pour excès de pouvoir est ouvert contre les actes détachables du contrat.

1- Spécificités du contentieux contractuel

La responsabilité contractuelle, pour les dommages liés à l'exécution du contrat, découle des relations établies entre les parties. Elle joue tant que le contrat reste en vigueur, pour disparaître après sa rupture. 

Elle absorbe la responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle. Il faut se placer sur son terrain afin d'apprécier les conséquences de la faute commise dans l'exécution du contrat. La seule action ouverte au cocontractant est celle qui procède de son contrat. Différents types de responsabilités doivent être distingués.

- Responsabilité contractuelle pour faute

Elle est constituée par tout manquement des parties à leurs obligations contractuelles. L'obligation en cause peut n'être pas formulée dans le contrat, mais résulter du Code civil ou des règles de la profession du cocontractant.

- Responsabilité contractuelle sans faute

Cette responsabilité ne peut jouer qu'à la charge de l'administration et consiste uniquement en l'obligation pour elle de réparer le dommage qu'elle a pu causer à son cocontractant en usant, de façon licite, de ses pouvoirs d'intervention lors de l'exécution du contrat (théories de l'imprévision et des sujétions imprévues). 

Les autres titres de responsabilité sans faute ne peuvent être invoqués à l'occasion de l'exécution du contrat. Ces deux types de responsabilités obéissent au même régime juridique quant à leur objet et leur mise en œuvre.

- Responsabilité décennale

Son point de départ est la réception, éventuellement la prise de possession, de l'ouvrage. Avant et après cette date s'applique le régime de la responsabilité contractuelle. 

Responsabilités contractuelle et décennale se combinent éventuellement dans deux hypothèses : dans le cas où le délai de garantie décennale commence à courir avant la réception de l'ouvrage (cas où la prise de possession est antérieure à la réception), jusqu'à celle-ci, la responsabilité contractuelle des constructeurs peut être mise en cause ; dans le cas de fraude ou de dol commis par le constructeur, la responsabilité décennale n'exclut pas la responsabilité contractuelle (CE, 24 mai 1974, Sté Paul Millet et Cie : Rec. 310).

- Les moyens d'ordre public dans le contentieux contractuel

Ce sont l'incompétence des autorités ayant passé le contrat, l'insertion dans le contrat d'une clause illicite, l’expiration du délai de responsabilité décennale de l'architecte, la violation de la législation sur les prix, utilisation d'une procédure de passation non prévue par la loi pour le marché intéressé.

2- Pouvoirs du juge

Dans le cadre du recours en déclaration de nullité, le juge peut soulever d'office certains moyens (incompétence du cocontractant, certains vices de procédure lors de la passation du contrat, parfois violation de la loi) et prononcer la nullité partielle d'un contrat illégal. Le juge ne peut condamner l'administration qu'à des dommages-intérêts, ou à une obligation alternative : soit verser des dommages-intérêts, soit exécuter son obligation en nature, si elle le préfère.

Le juge administratif dispose à l'encontre des personnes privées de pouvoirs identiques à ceux du juge judiciaire : ij leur dresse des injonctions, les condamne sous astreinte et même à des obligations de faire. Le plus souvent, il les condamne à des dommages-intérêts, mais peut leur donner le choix d'exécuter en nature. Il inflige parfois des sanctions au cocontractant.

Le juger peut résilier le contrat à la demande de l'une ou l'autre des parties. Si le contrat prévoit que la résiliation est prononcée par l'administration, il peut annuler celle-ci. Il peut annuler la décision prononçant la déchéance d'un concessionnaire, ainsi que la mise sous séquestre. Seul le juge peut prononcer la résiliation, ou déchéance. Le juge dispose des mêmes pouvoirs quant aux marchés d'entreprises de travaux lorsque la durée d'exploitation des ouvrages ou du matériel est longue. 

S'agissant des autres contrats, le juge n'a en principe pas de compétence pour annuler la résiliation prononcée par l'administration. Les mesures prises ouvrent seulement droit à une indemnité correspondant à la perte subie ou au manque à gagner.

Le juge ne peut modifier les stipulations du contrat, mais si une disposition d'ordre public s'oppose à ce que l'application de certaines clauses entraîne le paiement à l'entrepreneur d'une somme supérieure à celle résultant de l'application de la loi, il peut limiter le montant du paiement à cette somme.

SECTION II : LA PROCEDURE ADMINISTRATIVE CONTENTIEUSE

En Côte d'Ivoire, l'unification de la procédure contentieuse en matière de responsabilité civile et administrative, apparaît comme la conséquence logique de l'unicité juridictionnelle. Dans le système juridique ivoirien, l'unification ou l'unicité de la procédure est un principe général de l'organisation juridictionnelle. Elle a d'ailleurs fait l'objet d'une consécration juridictionnelle par la Chambre administrative de la Cour Suprême plusieurs arrêts. 

L'action en responsabilité administrative est avant tout une action en responsabilité. Sa procédure n'est pas à distinguer de celle de l'action en responsabilité civile. C'est ce que révèle l'article 1er du code de procédure civile, commerciale et administrative. Suivant cet article, « Toute personne, physique ou morale, peut agir devant les juridictions de la République de Côte d'Ivoire, en vue d'obtenir la reconnaissance, la protection ou la sanction de son droit. Toute personne, physique ou morale, peut dans tous les cas, être appelée devant ces juridictions à l'effet de défendre à une action dirigée contre elle ».

I- LES CONDITIONS DE RECEVABILITÉ

Elles tiennent à deux conditions essentielles : les conditions relatives aux requérants et celles qui touchent à l'acte introductif d'instance.

A- LES CONDITIONS RELATIVES AUX REQUERANTS

Dans la mesure où l'action en responsabilité tend à obtenir la réparation des dommages causés par l'administration, elle est logiquement et principalement exercée par la ou les victimes ; c'est-à-dire des personnes privées, des personnes physique ou morale de droit privé. Il n'est pas exclu qu'une personne publique exerce une action en responsabilité contre une autre personne publique. 

Toutefois, l'article 3 du code de procédure civile, commerciale et administrative dispose que : « l'action n'est recevable que si le demandeur :

- Justifie d'un intérêt légitime juridiquement protégé, direct et personnel ;
- À la qualité pour agir en justice ;
- Possède la capacité pour agir en justice ».

B- LES CONDITIONS RELATIVES A L'INTRODUCTION DE L'INSTANCE

Il convient d'analyser ici les conditions de forme et de fond.

1-Les conditions de forme

Elles sont contenues dans les alinéas 1 et 2 de l'article 32 du code de procédure civile, commerciale et administrative qui dispose que « Les instances, en matière civile, commerciale ou administrative, sont introduite par voie d'assignation, sauf comparution volontaire des parties. Toutefois, dans les actions personnelles ou mobilières dont l'intérêt pécuniaire (...) n'excède pas la somme de 500 000 francs, l'instance peut être introduite par voie de requête.

- L'assignation

L'assignation est un exploit d'huissier ; à ce titre, elle doit comporter les mentions relatives à tous les actes des huissiers de justice, telles que prévues à l'article 246 du code de procédure civile, commerciale et administrative. Outre ces mentions, l'article 33 prescrit que « l'assignation introductive d'instance doit contenir : l'objet de la demande et l'exposé sommaire des moyens, l'indication du tribunal qui doit connaître de la demande, la date et l'heure de l'audience ».

La signification est la remise de l'exploit d'huissier de justice. Et conformément aux articles 247 et suivants du code de procédure civile, commerciale et administrative, l'huissier de justice doit, en toute occasion, s'efforcer de délivrer l'exploit au concerné. 

Lorsque l'huissier de justice trouve au domicile indiqué dans l'exploit, la personne concernée, il lui remet une copie (art. 248). En cas d'absence de la personne de son domicile, l'huissier de justice interpelle la personne présente audit domicile sur ses noms, prénoms et qualité, ainsi que sur la durée de l'absence de l'intéressé et sur le lieu où celui-ci peut être trouvé. Si ce lieu est compris dans le ressort pour lequel l'huissier a compétence, il s'y transporte et remet la copie de l'exploit à la personne qu'il concerne (art. 249).

- La requête

Aux termes de l'article 35 du code de procédure « la requête peut être écrite ou orale. Elle est présentée au greffe de la juridiction compétente pour connaître de l'affaire, par le demandeur en personne, ou par son représentant ou mandataire ». Un procès-verbal de dépôt de la requête est dressé par le greffier qui le signe ainsi que la partie requérante. 

Une copie du procès-verbal est notifiée sur-le-champ au demandeur, et aux parties en cause par voie administrative ou postale. La notification précise les jours et heures de l'audience et comporte convocation.

- La comparution volontaire

Outre l'assignation et la requête, l'instance peut être introduite par la comparution volontaire des parties. L'article 39 du code de procédure dispose en effet que « les parties peuvent, sans assignation ni requête se présenter volontairement devant la juridiction compétente, pour y être jugées, sous réserve de satisfaire aux obligations prévues par l'article 43. 

La déclaration des parties qui demanderont jugement, sera inscrite au plumitif, et signée par elle. Si elles ne savent signer, mention en sera faite ». Il convient de noter que ce procédé est difficilement utilisable en matière administrative, dans la mesure où il est peu envisageable que l'autorité administrative se présente conjointement avec l'administré, qui prend l'initiative de l'action en responsabilité, devant la juridiction compétente par une comparution volontaire.

2-Les conditions de fond

Les conditions de fond tiennent à l'objet de l'acte introductif d'instance. En d'autres termes, il s'agit de la demande en justice. L'action en justice doit porter sur la contestation ou la réclamation d'un droit subjectif, c'est-à-dire une prérogative individuelle juridiquement consacrée. L'action en justice doit avoir pour objet la réparation d'un dommage causé par l'administration ou même un particulier dans la conduite d'une activité administrative. 

Il s'agit de l'administration agissant au moyen des prérogatives de puissance publique ou d'un particulier investi d'une mission de service public et, le cas échéant, usant à cet effet de prérogatives de puissance publique. Il en va ainsi des recours en responsabilité exercés contre l'administration, en matière d'opération de police administrative ou de mission de service public, en matière d'exercice de prérogative de puissance publique, de conclusion ou d'exécution de contrat administratif, d'établissement et de recouvrement d'impôt.

II- LE DEROUMLEMENT DE L'INSTANCE

L'acte introductif déclenche l'instance qui se déroule en différentes étapes et se termine par la décision juridictionnelle (administrative). Conformément au code de procédure civile, commerciale et administrative, ces étapes sont constituées par l'instruction de l'affaire, les incidents de procédures susceptibles d'en résulter, enfin l'audience et le prononcé du jugement.

A- L'INSTRUCTION

L'instruction est une opération juridictionnelle par laquelle le juge procède à la mise de l'affaire en état d'être jugé. Elle consiste pour le juge à mener une sorte d'enquête destinée à préparer la solution à donner au litige. Elle débute dès le dépôt de la requête introductive d'instance au greffe du Tribunal.

B- LES INCIDENTS DE PROCEDURE

Il n'est pas rare qu'une procédure introduite par la partie demanderesse se déroule sans incident, c'est-à-dire des obstacles susceptibles d'intervenir en cours d'instance. Le code de procédure civile, commerciale et administrative en ses articles 100 à 132 les regroupe en des moyens de défense, en demande d'intervention, en des interruptions, reprises et péremption d'instance.

1- Les moyens de défense

Les moyens de défense sont des procédés qui permettent au défenseur de réagir contre l'attaque dont il est l'objet par le jeu de la procédure contentieuse. Ils constituent des instruments de concrétisation du principe du contradictoire, qui exige que chacune des parties à l'instance ait la possibilité d'émettre ses propres prétentions et de discuter du bien-fondé des prétentions émises par l'autre. À ce titre on peut retenir :

- Les demandes incidentes qui sont constituées des demandes additionnelles et reconventionnelles.
Jusqu'à la clôture de l'instruction, le demandeur et le défendeur peuvent formuler, respectivement sous forme de demandes additionnelles et demandes reconventionnelles/ toutes prétentions se rapportant à la demande. Elles sont jugées en même temps que la demande principale.

- Exceptions et fin de non-recevoir.

Le code de procédure civile, commerciale et administrative donne une liste des exceptions de procédure aux articles 115 à 127. 

Ce sont :

-l'exception d'incompétence qui a pour but le renvoi de l'affaire devant la juridiction compétente ;

-l'exception de litispendance a pour objet le renvoi de l'affaire devant un autre tribunal déjà saisi d'une demande ayant le même objet ; 

-l'exception de connexité a pour but le renvoi de l'affaire et sa jonction avec une autre instance déjà pendante soit devant la même juridiction, soit devant une autre, lorsque les deux affaires présentent entre elles un rapport tel qu'il paraît nécessaire, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, qu'une seule décision intervienne sur les deux contestations ;

-l'exception de renvoi a pour objet le dessaisissement d'une juridiction en faveur d'une autre, pour cause de parenté, d'alliance, de suspicion légitime ou de sûreté publique ;

-l'exception de règlement de juge a pour but de faire déterminer par une juridiction supérieure laquelle de deux ou plusieurs juridictions inférieures doit connaître d'une procédure dont elles se trouvent simultanément saisies ;

-l'exception de communication de pièces a pour but d'exiger que soient communiquées à la partie qui la soulève, les pièces sur lesquelles la partie adverse entend fonder sa demande ou sa défense ;

-L'exception de garantie a pour but de subordonner la poursuite d'une procédure, à la présentation d'une caution ou au dépôt d'un cautionnement ;

-L'exception de nullité a pour but de faire déclarer nul un acte de procédure lorsque cet acte ne réunit pas les conditions de forme prescrites par la loi. La nullité peut être absolue ou relative.

La fin de non-recevoir est un moyen de défense d'une nature mixte se situant entre la défense au fond et l'exception. Elle se rapproche de la défense au fond par ses effets ; car elle entraîne un échec définitif de la demande. Elle ressemble à une exception par le terrain sur lequel elle place le débat, le défendeur ne contredisant pas la demande sur le fond, mais la paralysant sans engager ouvertement le conflit avec elle. 

L'article 124 du code de procédure civile, commerciale et administrative définit la fin de non-recevoir : « est une fin de non-recevoir, tout moyen ayant pour objet de faire rejeter la demande comme irrecevable, sans discuter le fondement de la prétention du demandeur ».

Les exceptions, dès lors qu'elles ne sont pas d'ordre public, ne sont recevables que si elles sont présentées simultanément avant toutes défenses au fond et aucune ne sera reçue après qu'il aura été statué sur l'une d'elles. Il en est de même des fins de non-recevoir lorsque celles-ci ne constituent pas par elles-mêmes de véritables défenses au fond.

- La récusation des magistrats

Tout juge peut-être récusé dans tous les cas où son impartialité pourrait être contestée par l'une des parties, notamment dans les affaires où son impartialité pourrait être éprouvée. Ainsi, le magistrat qui connaît une cause de récusation existant entre lui et l'une des parties, doit la déclarer selon les cas au président de la Cour d'appel ou à celui de la Cour suprême, qui décide de la nécessité de son abstention ou non.

2-L'intervention

L'intervention est un procédé qui permet à une personne autre que les parties à l'instance de participer à la procédure. On distingue ici l'intervention des tiers et l'intervention du ministère public. À côté de ces interventions, on peut aussi retenir le procédé de l'assignation en déclaration de jugement commun.

- L'intervention des tiers

L'intervention des tiers peut être volontaire : « tout tiers ayant intérêt au procès a le droit d'intervenir en tout état de cause, devant le juge chargé de la mise en état ». L'intervention des tiers peut être forcée : « les parties peuvent aussi assigner en intervention forcée... ». 

La demande en intervention volontaire ou forcée est introduite selon les règles ordinaires applicables devant la juridiction saisie. Au demeurant, le juge peut d'office et en tout état de cause ordonner l'intervention d'un tiers dans une procédure, lorsqu'il estime que la présence de ce dernier est indispensable à l'appréciation du litige.

- L'intervention du ministère public

Son intervention en matière civile ou administrative est soit facultative ou obligatoire.

- La déclaration de jugement commun

Les parties au procès peuvent aussi assigner en déclaration de jugement commun celui qui pourrait user de la voie de la tierce opposition contre le jugement à intervenir.

3- Les interruptions, reprise et péremptions d'instance

- L'interruption d'instance

L'instance est interrompue et le dossier est provisoirement classé au greffe à la suite du décès de l'une des parties ou de la perte de sa capacité d'ester en justice, du décès du représentant légal ou de la perte par celui-ci de cette qualité, à moins que l'affaire ne soit déjà en état, auquel cas le tribunal peut statuer. 

L'interruption d'instance entraîne la suspension de tous les délais en cours et la nullité de tous actes de procédure faits pendant cette interruption.

- La reprise d'instance

Après l'interruption de l'instance, elle est reprise par ceux qui ont qualité pour le faire, notamment l'une des parties ou les héritiers ou représentant légal de l'autre, soit inversement selon les formes visées à l'article 33.

- La péremption

L'instance est périmée de plein droit s'il n'a été fait à son égard aucun acte de procédure pendant trois ans et tout intéressé peut faire constater la péremption. Le délai de péremption d'instance court contre toutes les parties.

C- L'AUDIENCE ET LE PRONONCE DU JUGEMENT

C'est la phase du jugement proprement dite et commence par une audience qui est en principe publique et à l'issue de laquelle une décision est rendue.

1- L'audience

L'audience est établie par un rôle ; il commence par l'appel des causes, s'anime par les débats et s'achève par le prononcé de la décision juridictionnelle.

- Le rôle des audiences

Le rôle de chaque audience est arrêté par le président dans les tribunaux de première instance, il est communiqué au Ministère public. Il est affiché à la porte de la salle d'audience. Il indique généralement la date et l'heure des différentes audiences. Le président de séance assure la police de l'audience. 

Le rôle des audiences est établi sur la base du rôle général, tenu au greffe de chaque juridiction. Sur le rôle général, sont inscrites, par ordre chronologique, toutes les affaires portées devant la juridiction.

- L'appel des causes

Il constitue un préalable au jugement. Au jour fixé pour l'audience, l'affaire est obligatoirement appelée. Si le demandeur ne comparaît pas, ni personne pour lui, l'affaire est rayée d'office, à moins que le défendeur ne sollicite jugement au fond. Si l'affaire n'est pas inscrite au rôle général, faute par le demandeur d'avoir consigné, elle sera renvoyée à cette fin, sur la demande du défendeur et après consignation par ce dernier. 

Dans les deux cas, il sera statué par jugement contradictoire. Dès lors que le tribunal retient et estime qu'elle est en état d'être jugée, il ouvre les débats.

- Les débats

Le président du tribunal de céans ouvre et dirige les débats. Les parties et leurs conseils peuvent dans la limite de leurs conclusions, présenter tous les éclairements utiles. 

Hors les cas prévus par la loi, les débats sont publics à moins que le tribunal ne décide le huis clos, soit d'office, soit à la demande du Ministère public ou de l'une des parties, pour sauvegarder l'ordre public, les bonnes mœurs ou l'inviolabilité des secrets de famille. Lorsque le tribunal s'estime, suffisamment éclairé, le président déclare clos les débats.

2- Le jugement

La décision juridictionnelle est rendue suivant une procédure bien précise :

- Le délibéré

Les débats clos, le tribunal délibère immédiatement en secret.

- La rédaction du jugement

Après le délibéré, intervient le jugement avec les motifs et dispositif entièrement rédigés. Tout jugement doit contenir dix mentions prescrites par l'article 142 du code de procédure civile, commerciale et administrative.

- L'éventualité des jugements avant-dire droit

Le tribunal peut par jugement avant-dire droit ordonner une mesure d'instruction, lorsqu'il estime exceptionnellement devoir y recourir. Dans ce cas, le tribunal remet la lecture du jugement à une audience ultérieure qu'il fixe. Entre temps, il n'est reçu ni pièces, ni conclusions, ni notes.

- La lecture du jugement

Une fois entièrement rédigé, le jugement est lu à, l'audience. Les jugements sont toujours rendus en audience publique, sauf si la loi décide qu'ils seront rendus en chambre du conseil.

III- LES VOIES DE RECOURS

Les décisions rendues par les tribunaux de première instance et leurs sections détachées en matière administrative, c'est-à-dire en matière de responsabilité administrative peuvent faire l'objet de voies de recours. Celles-ci sont des moyens mis à la disposition des plaideurs ou des tiers pour obtenir un examen nouveau de leur affaire. 

Le code de procédure civile, commerciale et administrative distingue entre les voies de recours ordinaires et les voies de recours extraordinaires. En Côte d'Ivoire, le contentieux de pleine juridiction est soumis au principe du double degré de juridiction : première instance, appel et cassation pour la procédure de droit commun.

A- LES VOIES DE RECOURS ORDINAIRES

Elles sont constituées par l'appel et l'opposition.

1- L'appel

C'est la voie de recours ordinaire fréquemment utilisée par les plaideurs en matière de responsabilité administrative. Il est formé par exploit d'huissier et se définit comme la voie de recours par laquelle une partie sollicite de la Cour d'appel, la réformation de la décision rendue par une juridiction de première instance. 

Sont susceptibles d'appel toutes les décisions rendues en premier ressort, contradictoirement ou par défaut. De même, les jugements qualifiés en dernier ressort, sont sujets à appel, lorsqu'ils sont rendus par des juges ne pouvant se prononcer qu'en premier ressort. 

Le délai pour interjeter appel est d'un mois, sauf augmentation tel qu'énoncé à l'article 34 al. 2. De même, sauf disposition contraire prévue par la loi, l'appel interjeté dans le délai légal est suspensif ; à moins que l'exécution provisoire ait été ordonnée.

- L'opposition

L'opposition est la voie de recours par laquelle une partie condamnée par défaut sollicite de la juridiction qui a statué, la rétractation, après débat contradictoire de la décision rendue. Le délai pour faire opposition est de quinze jours, sauf augmentation comme indiqué à l'article 34 al. 2. L'opposition suspend l'exécution, si celle-ci n'a pas été ordonnée nonobstant opposition. En tout état de cause, l'opposition, si elle est recevable, remet la cause et les parties en l'état où elles se trouvaient lors de l'acte introductif d'instance (art. 150).

B- LES VOIES DE RECOURS EXTRAORDINAIRES

Les voies de recours extraordinaires ne sont ouvertes que dans des cas exceptionnels, spécifiés par la loi. Le délai du recours et le recours formé n'ont pas, en principe, d'effet suspensif. De toutes les voies de recours extraordinaire, le pourvoi en cassation demeure le plus fréquemment utilisé. 

Bien plus, à raison du système de l'unité de juridiction, du principe du cumul de compétence juridictionnelle, le pourvoi en cassation apparaît comme la principale voie de recours extraordinaire en matière de contentieux de la responsabilité administrative. En tout état de cause, elle est la principale voie de recours extraordinaire même s'il en existe d'autres réglées par la procédure du pourvoi en cassation.

CHAPITRE II : LES RECOURS CONTENTIEUX DEVANT LE CONSEIL D’ETAT 

SECTION I : LES CONTENTIEUX ORDINAIRES


I- LE POUVOIR EN CASSATION

Le recours ou pouvoir en cassation est un recours en légalité dirigé contre les décisions rendues en dernier ressort par les juridictions administratives. C'est un recours qui s'exerce devant le Conseil d'Etat et qui s'annonce clairement à l'article 41 de la loi n° 2018-978 du 27 décembre 2018 déterminant les attributions, la composition, l'organisation et le fonctionnement du Conseil d'Etat. Selon l'article précité « Le Conseil d'Etat, est seul compétent pour statuer sur les recours en cassation dirigés contre les décisions rendues en dernier ressort par les juridictions administratives.

A- LA PROCEDURE

Elle est indiquée aux articles 42 et suivants de la loi sur le Conseil d'Etat. Et se présente comme suit.
Le pourvoi en cassation est formé par acte d'huissier comportant assignation à comparaître devant le Conseil d'Etat, avec indication de la date et de l'heure de l'audience. 

Le greffier en chef de la juridiction qui a rendu la décision attaquée, est tenu de transmettre le dossier de la procédure au greffe du Conseil d'Etat dans un délai de deux mois à compter de la date du pourvoi en cassation. À la date indiquée, l'affaire est appelée.

Toutefois, lorsque le pourvoi est formé par le Procureur général près la Cour suprême dans l'intérêt de la loi, le Conseil d'Etat est saisie par voie de requête. Cette requête est enrôlée à la diligence du Procureur général près la Cour suprême. 

Le dossier du pourvoi est, dès réception, transmis par le greffier en chef en original au président du Conseil d'Etat et en copie au procureur général près la Cour suprême. Le président du Conseil d'Etat transmet le dossier au président de la section du contentieux, qui en saisie le président de chambre compétente de la désignation d'un rapporteur parmi les conseillers de ladite chambre pour mettre l'affaire en état et déposer son rapport dans le délai de trois mois.

Le président du Conseil d'Etat, le président de la section du contentieux ou le président de la chambre compétente peut se désigner lui-même comme rapporteur.

Les pourvois formés contre les décisions à caractère juridictionnel des organismes administratifs et des ordres professionnels sont introduits par voie de requête déposée au greffe du Conseil d'Etat, dans les deux mois à compter de la notification des décisions. Copie en est transmise au procureur général près la Cour suprême par le greffier en Chef du Conseil d'Etat.

Le rapporteur assure, par la voie qu'il juge appropriée, la notification du pourvoi, de la requête ou du mémoire en cassation aux parties en cause auxquelles il fixe un délai pour déposer leurs observations et mémoires. Il peut, à l'issue de ce délai, enjoindre aux parties de déposer, dans un nouveau délai, des mémoires complémentaires, pièces ou documents qu'il juge utiles.

Après dépôt du rapport au greffe, aucun mémoire ni aucune autre pièce ne peut être produit sauf à la demande expresse du rapporteur.

L'affaire est jugée sur pièces. Toutefois, les parties peuvent être autorisées à présenter des observations orales si elles en font la demande une semaine au moins avant la date d'audience. Les observations orales doivent être accompagnées par le dépôt d'écritures.

B- LA DECISION

Les arrêts sont motivés et visent, s'il y a lieu, les textes dont il est fait application, ils mentionnent les nom et prénoms des présidents, rapporteurs conseillers d'Etat et conseillers référendaires qui les ont rendus, du greffier et ceux du représentant du ministère public qui a requis et des avocats qui ont postulé dans l'instance, les nom et prénoms, qualité, profession et domicile des parties et l'énoncé des moyens produits. 

Les minutes des arrêts sont signées, dans les trente jours du prononcé de la décision, par le président, le rapporteur et le greffier.

Lorsque le pourvoi en cassation est rejeté, la partie qui l'avait formé ne peut plus se pourvoir en cassation dans la même affaire, sous quelque prétexte et par quelque moyen que ce soit.

En cas de cassation, le Conseil d'Etat renvoie l'affaire devant une autre juridiction de même nature que celle qui a rendu la décision objet du pourvoi, expressément désignée, ou devant la même juridiction autrement composée.

Lorsque, après cassation d'un premier arrêt ou jugement rendu dans la même affaire entre les mêmes parties procédant en la même qualité, le second arrêt ou jugement est attaqué, la chambre à laquelle l'affaire a été attribuée rend un arrêt de renvoi de l'affaire devant le président du Conseil d'Etat pour convocation de l'assemblée plénière. 

Un membre du Conseil d'Etat appartenant à une chambre autre que celle qui a rendu l'arrêt de renvoi est chargé, par le président du Conseil d'Etat, du rapport devant l'assemblée plénière.

Si le deuxième arrêt ou jugement est cassé, l'assemblée plénière évoque et statue définitivement. En cas de cassation des décisions à caractère juridictionnel des organismes administratifs ou des ordres professionnels, le Conseil d'Etat évoque la cause et statue à nouveau.

II- LE RECOURS EN ANNULATION POUR EXCES DE POUVOIR

Le recours pour excès de pouvoir est une action en justice par laquelle toute personne y ayant un intérêt peut demander au juge administratif uniquement d'annuler toute décision administrative qu'elle estime illégale. Cette voie de droit répond à deux objectifs : permettre aux administrés de s'assurer d'un fonctionnement correct et non arbitraire de l'administration, assurer le gouvernement d'une bonne administration.

Il permet donc aux administrés d'obtenir du juge de la légalité, l’anéantissement des actes de l’administration contraires au droit. Au travers de ce recours, les administrés demandent au juge de l'administration, en l'occurrence, le Conseil d'Etat, de contrôler la légalité d'une décision administrative et d'en prononcer au besoin son annulation si elle est illégale.

C'est un procès fait à un acte, qui permet non seulement d'assurer le respect du principe de la légalité, mais il est aussi et surtout un moyen de défense des droits des particuliers.

Pour le professeur KOBO, le recours pour excès de pouvoir est, sans aucun doute, l'instrument le plus connu et le fleuron de l'œuvre de la justice administrative. C'est pourquoi il a pu être présente comme « la plus merveilleuse création des juristes, l'arme la plus efficace, la plus économique, la plus pratique qui existe au monde pour défendre les libertés » (Gaston JEZE).

Le recours pour excès de pouvoir a un caractère d'ordre public. Ce qui signifie qu'il est impossible de renoncer en avance à son exercice.

Le recours pour excès de pouvoir est ouvert contre tout acte administratif, même si aucun texte ne le prévoit, et même si un texte exclut tout recours. Toute renonciation par avance à former un recours pour excès de pouvoir est nulle.

Encore faut-il, pour intenter ce recours, que soient remplies des conditions.

A- CONDITIONS DE RECEVABILITE

Pour que l'acte contesté soit recevable afin de permettre au juge administratif d'exercer son office, celle de l'annulation éventuelle de l'acte en raison de son illégalité, certaines conditions sont exigées. Elles sont au nombre de cinq pour l'essentiel.

1- Conditions de recevabilité tenant à l'acte attaqué

Le recours pour excès de pouvoir est ouvert contre toute décision de l'administration. C'est-à-dire contre les décisions émanant des autorités administratives. Ce qui signifie que ce recours est ouvert contre les actes administratifs, à l'exclusion des actes non-administratifs. L'acte attaqué doit être un acte unilatéral d'une autorité administrative constituant une décision faisant grief, pouvant être expresse ou tacite.

La décision faisant grief peut être définie comme un acte ayant un contenu juridique positif, un effet de droit, c'est-à-dire un acte opérant un apport sur le plan du droit et pouvant, par suite, modifier la situation des administrés dans un sens qui leur est dommageable.

Toutefois, il convient de retenir que les actes des autorités administratives n'ayant pas de caractère décisoire et ne faisant pas grief aux administrés, notamment les actes préparatoires, les actes interprétatifs, les actes confirmatifs, les recommandations, les avis, les circulaires non-réglementaires, les directives ne peuvent faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.

Aussi, le recours juridictionnel reste-t-il exclu pour les actes de gouvernement lesquels ne sont pas des actes administratifs. Ces actes de gouvernement peuvent être classés en trois catégories :

- Les actes se rattachant aux rapports de l'Etat avec un Etat étranger ou un organisme international (octroi ou refus de la protection diplomatique, décisions relatives à la défense ou la protection d'un ivoirien ou d'intérêts ivoiriens à l'étranger à l'égard d'autorités étrangères ;

- Les actes concernant les relations entre le pouvoir exécutif et le Parlement (refus de déposer un projet de loi, le retrait d'un projet de loi déposé, le décret de promulgation d'une loi, la soumission d'un projet de loi au référendum ; les actes de guerre (il s'agit de décisions ou d'activités se rattachant à la conduite d'opérations de guerre ou qui découlent directement d'événements de guerre tel que le détournement d'un navire étranger par exemple).

2- Conditions de recevabilité tenant à la qualité de requérant

Le requérant doit, pour être recevable à demander l'annulation d'un acte administratif, exciper d'une qualité et justifier d'un intérêt. L'acte doit atteindre le requérant à un titre particulier, en tant qu'il appartient à une catégorie définie et limitée. 

Le requérant doit justifier d'un intérêt individuel, propre et spécial, ou collectif, propre à toute la catégorie visée par l'acte. Le plaideur doit montrer que l'acte a, ou aura, pour lui des conséquences dommageables, mais aussi qu'elles l'atteignent en tant que membre d'une catégorie donnée.

L'intérêt à agir résulte d'une construction jurisprudentielle. Il est la mesure de la lésion supportée par le requérant du fait d'un acte administratif ; il a pour fait générateur l'acte illégal. Le requérant a un intérêt à l'action et à son résultat : l'annulation de l'acte. Il faut donc que l'application de l'acte de l'acte comporte pour lui des conséquences que supprimerait l'annulation de l'acte.

C'est l'intérêt qui justifie pour le requérant l'action en justice, en référence à la règle « pas d'intérêt, pas d'action ». L'intérêt doit être personnel. Il ne doit pas se confondre avec l'intérêt général qu'à tout administré à ce que l'administration respecte le droit. Il doit être direct, c'est-à-dire qu'il doit émaner directement de l'acte incriminé. 

L'intérêt doit également être légitime et conforme aux principes juridiques (le requérant ne peut agir pour la sauvegarde d'une situation irrégulière ou immorale), il doit être certain, c'est-à-dire né et actuel et enfin être matériel ou moral. Il suffit que l'acte influe sur les intérêts matériels ou moraux du requérant et qu'il y ait un lien direct entre l'acte et la qualité dont le requérant se prévaut pour agir.

3- Les conditions tenant aux formes et délais

Le demandeur doit présenter sa requête sous certaines formes et respecter les délais indiqués. La requête doit être sous forme écrite sur papier libre. Elle doit indiquer les noms, prénoms, profession et domicile du requérant, l'objet de sa demande, l'exposé des moyens qu'il invoque, renonciation des pièces dont il entend se servir, et préciser la décision entreprise. 

Elle doit par ailleurs être accompagnée de la pièce justifiant du dépôt du recours administratif, hiérarchique ou gracieux, de la copie de la décision entreprise, des exemplaires (8) du dossier signé par le requérant ou son avocat, destinés à la notification aux autres parties. Par la signature de l'avocat, le demandeur constitue et élit domicile à son étude ; en l'absence d'avocat, le requérant doit être domicilié à Abidjan.

Le recours devant le Conseil d'Etat est introduit par voie de requête dans le délai de deux mois à compter ; soit de la notification du rejet total ou partiel du recours administratif ; soit deux mois après le recours administratif préalable resté sans suite.

4- L'exigence du recours administratif préalable

Selon les articles 52 et suivants de la loi portant création du Conseil d'Etat, les recours en annulation pour excès de pouvoir formés contre les décisions administratives ne sont recevables que s'ils sont précédés d'un recours administratif préalable.

Le recours administratif préalable comporte deux variantes que sont le recours gracieux et le recours hiérarchique. Les recours gracieux est celui adressé à l'autorité dont émane la décision entreprise. Quant au recours hiérarchique, il est celui porté devant : l'autorité hiérarchiquement supérieure à celle dont émane la décision entreprise.

Dans tous les cas, le recours administratif préalable doit être formé, par écrit, dans le délai de deux mois, à compter de la publication, de la notification ou de la connaissance acquise de la décision entreprise.

5- L'absence de recours parallèle

Le recours pour excès de pouvoir ne peut être utilisé que si le requérant n'a pas d'autres voies de recours. En d'autres termes, le recours en annulation est irrecevable lorsque les intéressés disposent, pour faire valoir leurs droits, du recours ordinaire de pleine juridiction. Ou bien lorsque le requérant dispose d'un recours autre que celui de l'excès de pouvoir pour faire aboutir son action, il doit l'utiliser. 

L'existence d'un autre recours quelconque rend le REP impossible.
Pour tout le contentieux des indemnités, des dommages-intérêts, de la responsabilité, on ne peut pas utiliser le REP, mais le recours de pleine juridiction, c'est-à-dire le contentieux de la responsabilité.

B- CAS D'OUVERTURE

Lorsque les conditions de recevabilité sont remplies, le Conseil d'Etat reçoit et examine la requête au fond. Cet examen consiste, pour le juge, à vérifier si la décision contestée est ou non illégale. Ce contrôle de la légalité comporte des modalités appelées cas d'ouverture ou moyens d'annulation, qui sont donc les irrégularités ou les vices susceptibles d'affecter la légalité des actes administratifs que le requérant doit invoquer pour demander l'annulation de l'acte administratif.

Les ouvertures du recours pour excès de pouvoir s'ordonnent autour du contrôle de la régularité formelle et du contrôle de la régularité matérielle.

Les moyens de l’égalité formelle ou externe, sont l'incompétence et le vice de forme. Le juge ne s'occupe pas du fond, il recherche si l'acte a été pris par l'autorité compétente et dans les formes requises. Quant à la violation de la loi et le détournement de pouvoir, ils relèvent de la régularité matérielle. Ce contrôle du contenu de l'acte, plus poussé que le précédent, s'effectue de deux façons. 

D'un point de vue objectif, le juge recherche si le contenu de l'acte est conforme à la règle de droit, contrôle les motifs de l'acte. Ce moyen, la violation de la loi, s'est considérablement développé. D'un point de vue subjectif, le juge vérifie les intentions de l'auteur de l'acte, recherche si ce dernier a bien poursuivi le but légal qui lui était assigné. Il contrôle les mobiles de l'acte, c'est le moyen de détournement de pouvoir.

De ce qui précède, on distingue des cas d'ouverture du recours pour excès de pouvoir, les moyens de légalité externe de ceux de légalité interne.

1-Les moyens de légalité externe

Pour les détecter, il suffit d'examiner les aspects extérieurs de l'acte : signature, visas, procédure.

a- Incompétence

Il y a incompétence lorsque l'acte a été pris par une autorité qui n'avait pas qualité pour le faire. Ce vice, le plus grave qui puisse entacher un acte administratif, ne peut être couvert. Ce moyen qui constitue le cas d'ouverture le plus ancien, est d'ordre public et revêt plusieurs formes. Il y a lieu de distinguer l'incompétence positive de l'incompétence négative. 

L'incompétence positive correspond aux formes suivantes :

- L'usurpation de pouvoir : un individu s'immisce dans l'administration, ou une autorité administrative empiète sur le domaine législatif ou juridictionnel (CE, 31 mai 1957, Rosan Girard : Rec. 355). La décision est inexistante.

- Incompétence ratione materiae : une autorité administrative empiète sur les compétences d'une autre.

- Incompétence ratione loci : une autorité prend une décision qui s'applique hors de sa circonscription territoriale.

- Incompétence ratione temporis : une autorité prend un acte avant d'être nommée ou après Ja cessation de ses fonctions ou du délai au terme duquel elle n'a plus compétence (CE, sect., 19 déc. 1952, dlle Mattéi : Rec. 594).

L'incompétence négative est celle où une autorité administrative se déclare à tort incompétente pour prendre un acte (arrêt Quéralt) ou se croit, à tort, liée par un avis purement consultatif.

b- Vice de forme

Il porte sur les formalités substantielles dont la méconnaissance entraîne l'annulation de l'acte. Ce sont celles dont l'omission, l'inobservation, a pu avoir quelque influence sur la décision : défaut de consultation d'un organisme prévue par un texte par exemple, signature de l'acte, contreseings, motivation, lorsqu'un texte ou la jurisprudence la requiert, parallélisme des formes (les formalités qui doivent précéder la prise d'un acte s'imposent également en cas d'abrogation de l'acte, sauf si elles n'ont alors aucun sens : CE, sect., 10 avr. 1959, Fourré-Cormeray : Rec. 233).

Certaines formalités sont imposées par la jurisprudence. En vertu du principe général du respect des droits de la défense, constitue une formalité substantielle le droit, pour un individu, d'être mis à même de présenter ses observations avant que l'administration ne prenne à son encontre une sanction quelconque (CE, 5 mai 1944, Dame veuve, Trompier- Gravier : Rec. 133). 

L'accomplissement après coup de la formalité requise ne saurait couvrir l'irrégularité. À l'inverse, constituent des formalités accessoires les visas de l'acte, la date ou la consultation spontanée d'un organisme ou d'une personne.

2- Les moyens de légalité interne

Il existe deux moyens de légalité interne, la violation de la loi et le détournement de pouvoir. Pour les détecter, il faut examiner le contenu de l'acte.

a- Violation de la loi

Peut constituer une violation de la loi la méconnaissance de deux principes : le principe de légalité formelle et le principe de légalité matérielle.

Le principe de légalité formelle implique le respect de la hiérarchie des normes juridiques, suivant un critère organique, tiré de la qualité de leur auteur. Le principe de la légalité matérielle oblige l'administration, lorsqu'elle élabore un acte individuel, à respecter l'acte hiérarchiquement supérieur sur lequel il s'appuie, sans y déroger ni le transgresser (adage, patere legem quam fecisti).

Contenu de la notion

Ainsi encourt l'annulation l'acte qui a violé toute norme qui lui est supérieure (constitution, traité international, loi, principe général du droit, chose jugée...) ou qui méconnaît un acte administratif hiérarchiquement supérieur, notamment un acte réglementaire. La loi est entendue au sens large comme légalité.

Mise en œuvre des moyens ou contrôle des motifs

Les moyens de l'acte administratif sont les éléments de droit ou de fait qui ont conduit l'administration à agir, dans tel ou tel sens, ou s'abstenir.

- Les motifs de fait sont les circonstances de fait qui ont provoqué l'édiction de l'acte (CE, 19 mai 1933, Benjamin : Fiec. 541), constituent le premier élément de contrôle.

- Les motifs de droit sont le défaut de base légale et l'erreur de droit.

Le défaut de base légale résulte de l'inapplicabilité d'un texte : un acte est pris hors du champ d'application d'une loi, une décision est prise sur le fondement d'un texte qui ne peut s'appliquer en l'espèce ou qui n'est plus, ou pas encore, applicable.

L'erreur de droit consiste à appliquer un texte sans rapport avec le problème. Elle se subdivise en plusieurs éléments : l'inexactitude matérielle des faits (ou cause juridique inexistante, consiste à se fonder, pour prendre un acte, sur des faits inexistants ou différents de ceux décrits. 

Là s'arrête le contrôle minimum, s'agissant du moyen de violation de la loi), la qualification juridique des faits (on passe au contrôle normal lorsque le juge contrôle la qualification juridique des faits, autrement dit la relation entre le droit et les faits. 

Le juge recherche si le fait est de nature à justifier la décision), le contrôle de proportionnalité (le contrôle devient maximum avec le contrôle de la proportionnalité, de l'adéquation entre l'acte et les faits qui le justifient. Ainsi, en matière de police, le juge vérifie si l'ampleur du désordre possible et la faiblesse des moyens de police justifient l'atteinte à une liberté publique, arrêt Benjamin).

b- Détournement de pouvoir ou contrôle des mobiles

Il s'agit d'un contrôle de la moralité administrative. Le juge vérifie les intentions de l'auteur de l'acte, qui ne doit pas utiliser ses pouvoirs dans un but autre que celui pour lequel ils lui sont confiés, pour des motifs étrangers à l'intérêt public en vue duquel ils lui ont été octroyés (but personnel, désir de favoriser certaines personnes ou de leur nuire, but d'intérêt général autre que celui voulu par la loi.

La preuve du détournement de pouvoir résulte de l'ensemble du dossier, d'un faisceau de présomptions non contredites par l'administration. Ce moyen reste difficile à établir.
Le détournement de procédure consiste dans l'utilisation d'une procédure à la place d'une autre, la procédure légale étant plus longue ou plus aléatoire (CE, ass., 24 juin 1960, Sté Frampar : Rec. 412).

C- INSTRUCTION DU RECOURS

L'instruction, qui consiste à mettre l'affaire en état d'être jugée, est en principe obligatoire pour chaque requête. Relativement au recours en annulation pour excès de pouvoir, l'instruction est diligentée par les articles 58 à 66 de la loi sur le Conseil d'Etat et se présente comme suit :

Une fois les requêtes en annulation pour excès de pouvoir déposées au greffe du Conseil d'Etat, elles sont inscrites sur le registre d'ordre tenu par le greffier en chef et marquées, ainsi que les pièces jointes, d'un timbre qui indique la date d'arrivée, contre paiement de frais de procédure. Le greffier en chef délivre, sans frais aux parties qui en font la demande, un certificat qui atteste l'arrivée au greffe, de la requête, des mémoires produits et pièces jointes.

Après enregistrement au greffe, la requête est transmise au président du Conseil d'Etat avec copie au procureur général près la Cour suprême.

Lorsqu'il apparaît, au vu de la requête, que la solution est d'ores et déjà certaine, le président du Conseil d'Etat, le président de la section du contentieux ou le président de la chambre saisie peut, par ordonnance :

Donner acte des désistements ;

Rejeter les requêtes ne relevant manifestement pas de la compétence des juridictions administratives ;
Constater qu'il n'y a pas lieu de statuer, notamment sur une requête sans objet ; Rejeter les requêtes manifestement irrecevables.

Dans le cas contraire, le président du Conseil d'Etat, transmet le dossier au président de la section du contentieux, qui l'envoie à la chambre compétente. Le président de chambre saisi, désigne parmi les conseillers de la chambre, un rapporteur auquel le dossier est transmis dans les 24h. Il peut se désigner lui-même rapporteur.

Le rapporteur met l'affaire en état. Il rend une ordonnance par laquelle il prescrit la transmission et la notification, par voie administrative ou par voie d'huissier, de la requête introductive d'instance à toutes les parties intéressées et fixe le délai dans lequel les réquisitions et mémoires en défense, accompagnés de toutes pièces utiles, doivent être déposés au greffe du Conseil d'Etat.

Le rapporteur peut, en tout état de cause, ordonner toutes mesures qui lui paraissent nécessaires à l'instruction de l'affaire, telles que production de pièces, comparution personnelle des parties, enquêtes, expertises, descentes sur les lieux, sans préjudice de celles auxquelles peut ultérieurement recourir le Conseil d'Etat.

Les décisions prises par le rapporteur pour l'instruction de l'affaire sont notifiées à l'auteur et au bénéficiaire de l'acte attaqué et à toutes autres personnes intéressées, par voies administrative ou par voie d'huissier ou par toutes autres voies appropriées.

Dès que le rapporteur estime que l'affaire est en état d'être jugée, il dresse un rapport écrit qui relate les incidents de procédure et l'accomplissement des formalités légales. Il expose les faits de la cause, les moyens et prétentions des parties, sans faire connaître son avis.

Le rapporteur fait des observations tendant à éclairer la formation de jugement sur les questions de droit et de fait du litige. Il procède à l'analyse des arguments des parties et expose sur l'état du droit et de la jurisprudence.

Ce rapport est notifié dans les mêmes formes utilisées par le Conseil d'Etat lorsqu'il veut s'adresse aux parties. Copie en est transmise au procureur général près la Cour suprême.

Les parties ont un délai de 15 jours, à compter de la date de la notification, pour fournir leurs observations écrites et déclarer qu'elles entendent présenter à l'audience des observations orales qui ne peuvent porter sur des moyens nouveaux. Cette notification contient avis de la date de l'audience fixée par le président de la Chambre.

D- DEROULEMENT DE L'AUDIENCE

Le Conseil d'Etat statue en audience publique sur le rapport d'un conseiller après avoir entendu le Ministère public. Le Conseil d'Etat peut ordonner le huis clos si l'ordre public et les bonnes mœurs le commandent. Ceux qui assistent aux audiences doivent se tenir dans le respect et le silence. Ce qui signifie qu'une police est assurée lors du déroulement de celles-ci par le président du Conseil d'Etat et toutes les instructions du président relatives au maintien de l'ordre sont immédiatement exécutées. Si l'un des assistants trouble l'ordre de quelque manière que ce soit, le président ordonne son expulsion. 

S'il résiste ou cause du tumulte, il est saisi et déposé pour 24h à la maison d'arrêt, où il est reçu sur ordre du président.

Les arrêts du Conseil d'Etat sont motivés et visent les textes dont il est fait application. Ils mentionnent les noms des présidents, conseillers et rapporteurs qui les ont rendus et, s'il y a lieu, celui des avocats qui ont postulé dans l'instance, les noms et prénoms, profession, domicile des parties et l'énoncé succinct des moyens produits.

Le Conseil d'Etat rend des arrêts donnant acte de désistement, des arrêts d'incompétence, des arrêts d'irrecevabilité, des arrêts de rejet, des arrêts d'annulation. En tout état de cause, l'arrêt du Conseil d'Etat annulant en tout ou partie un acte administratif a effet à l'égard de tous. Si l'acte administratif avait été précédemment publié au journal officiel, l'arrêt d'annulation doit faire l'objet de la même publication.

Les arrêts du Conseil d'Etat sont signifiés aux parties à leur domicile réel ou élu, par le secrétaire du Conseil d'Etat ou la partie la plus diligente.

III- LE CONTENTIEUX DE L'INTERPRETATION ET DE L'APPRECIATION DE LA LEGALITE

Selon l'article 5 alinéa 4 de la loi n° 2018-978 du 27 décembre 2018 déterminant les attributions, la composition, l'organisation et le fonctionnement du Conseil d'Etat, celui-ci statue souverainement « sur les recours en interprétation et en appréciation de la légalité des actes dont le contentieux relève de sa compétence ». Ce qui signifie que le contentieux de l'interprétation et de l'appréciation de la légalité font partie des attributions contentieuses du Conseil d'Etat.

Il s'agit là d'un contentieux de la déclaration. Dans la première hypothèse, il est demandé au juge administratif de préciser la signification exacte d'un acte administratif : il peut s'agir d'un recours direct, mais c'est, la plupart du temps, un recours incident à l'initiative du juge judiciaire dans le cadre d'un procès civil puisque celui-ci ne peut interpréter une décision administrative individuelle. Dans la seconde hypothèse, le juge administratif doit se prononcer sur la légalité d'un acte dans le cadre d'un recours qui est, ici, toujours incident. 

Si le juge déclare l'acte illégal, celui-ci n'est pas annulé, mais voit son application écartée, ce qui rapproche cette procédure du mécanisme de l'exception d'illégalité. Ce recours existe pour permettre d'éviter les blocages dus à la dualité des ordres de juridiction.

Mais il faut aussi noter que cette interprétation vaut aussi pour les décisions rendes par les juridictions administratives ordinaires que spécialisées. Ainsi, comme le précise l'article 81 de la loi précitée « la décision dont les termes sont obscurs ou ambigus peut être interprétée par le Conseil d'Etat, à condition qu'il ne soit pas porté atteinte à l'autorité de la chose jugée et que l'interprétation demandée présente un intérêt pour la partie qui l'a sollicitée ».

IV- LE CONTENTIEUX ELECTORAL

La loi sur le Conseil d'Etat attribue compétence à la haute juridiction administrative en matière électorale. Il s'agit des élections des conseillers régionaux et municipaux, des présidents de conseil régional et vice-présidents, des maires et adjoints, membres des chambres de commerce, de chambres de métiers, élections professionnelles et universitaires.

Pour ce contentieux, précise l'article 83 de la loi précitée, « lorsque le Conseil d'Etat est saisi d'un recours en matière de contentieux électoral, la requête, datée, signée et accompagnée de toutes pièces justificatives, est déposée et enregistrée au greffe du Conseil d'Etat, conformément aux dispositions régissant les élections concernées. Le rapporteur assure, par tous moyens, la mise en état du dossier. Le Conseil d'Etat statue sur pièces, le rapporteur entendu ».

Dans ce contentieux, le juge annule les élections lorsque, en présence de faits altérant la sincérité du scrutin, il ne peut déterminer avec précision le nombre de sièges revenant à chaque liste. Il procède à la rectification, voire à l'inversion des résultats lorsqu'il peut cerner l'étendue des falsifications et reconstituer le résultat véritable de l'élection. Ce qui signifie que toute irrégularité n'entraîne pas l'annulation des élections. C'est ce qu'indique le prof KOBO quand il écrit que « toute irrégularité ne soit pas de nature à altérer la sincérité ou la moralité de l'élection et de conduire à une annulation juridictionnelle. Il est exceptionnel qu'une irrégularité entraîne, par elle-même et de manière automatique, l'annulation d'une élection.

Normalement, une irrégularité sera absoute si elle n'a pas d'influence sur les résultats du scrutin ». Le juge administratif, statuant comme juge électoral, n'annule une élection que si elle estime que les faits constatés, les irrégularités prouvées ont eu sur le résultat une incidence telle que celui-ci ne traduit plus, avec exactitude la volonté, l'expression du corps électoral. 

Comme tout juge électoral, le juge administratif recherche, dans chaque cas d'espèce, quelles ont été les incidences de l'irrégularité sur les résultats du scrutin et se demande si ceux-ci auraient été différents dans l'hypothèse où une telle irrégularité n'aurait pas été commise. Ne seront donc retenues que les irrégularités de nature à fausser les résultats de l'élection compte tenu, notamment, de l'écart de voix séparant les différentes listes ou de la manœuvre qu'elles révèlent.

SECTION II : LES CONTENTIEUX D'URGENCE

Les procédures d'urgence se présentent comme des palliatifs au retard ou, plus exactement, à la lenteur de la justice. Ce sont divers mécanismes qui permettent, avant l'intervention d'un jugement définitif, de trouver rapidement des solutions d'attente. 

En droit judiciaire privé comme en contentieux administratif, elles répondent au besoin de traiter rapidement une question que la procédure juridictionnelle normale mettrait trop de temps à prendre en considération. 

C'est précisément la lenteur du procès administratif qui donne toute son importance à la question de l'existence et de l'efficacité des procédures d'urgence permettant d'accélérer certains procès ou d'aménager la situation des parties jusqu'à la décision au fond. Il est des situations pour lesquelles la durée des instances au fond ne permet pas de les traiter en temps utile.

Découverte véritablement en Côte d'ivoire seulement à partir de 1991 avec les arrêts n°60 du 30 octobre 1991, OULA1 Telesphore et n°69 du 18 décembre 1991 OURA Kouassi Jules C/ Ministère de la Défense, premières de la lignée, les demandes de sursis à exécution, d'une part, et le référé, d'autre part, qui sont les deux procédures d'urgence prévues par la loi sur la Cour suprême, n'ont cessé d'être réclamées par des justiciables, soit pour faire obstacle à l'exécution d'une décision administrative, soit pour que le juge ordonne des mesures conservatoires, à même de sauvegarder leurs droits et intérêts dans l'attente du jugement au fond d'un litige présent ou à venir.

Il importe de rappeler, avant tout, que l'intérêt des mesures d'urgence procède de la considération que le temps est une composante essentielle de toute procédure juridictionnelle et que, faute d'intervenir dans un délai rapide ou raisonnable, les décisions juridictionnelles, même bien fondées, perdent, totalement ou en partie, leurs effets. 

Les mesures d'urgence visent, précisément, à prévenir cette dérive de l'inutilité de la décision ou de déni de justice.

Le Conseil d'Etat, tout comme aucune juridiction au monde, ne statue sitôt pas sur la requête enregistrée. Sans doute, certains textes ou certains contentieux peuvent imposer au juge un règlement rapide ou des délais fort brefs pour statuer ; c'est le cas, par exemple, du contentieux électoral. 

Hors de ces cas exceptionnels, le refus d'une justice expéditive au profit de la sérénité et de la profondeur qui doivent être les caractéristiques d'une juridiction suprême avec les contraintes de l'instruction, écrite, contradictoire auxquelles s'ajoutent l'engorgement du prétoire, militent en faveur des procédures d'urgences.

Confronté à la lenteur du fonctionnement de la justice, le droit a développé diverses procédures permettant aux juges de prendre des décisions immédiates, rapides, provisoires. Qu'il s'agisse du sursis à exécution ou du référé administratif, l'urgence est au cœur de leur mise en œuvre. 

Ainsi la loi sur le Conseil d'Etat prescrit en son article 68 que le juge peut ordonner « la suspension de l'exécution de la décision entreprise (...) lorsque l'urgence le justifie... » La décision juridictionnelle octroyant le sursis ne trouve d'utilité que dans l'urgence, c'est-à-dire avant l'exécution de la décision administrative contestée. 

Quant au référé, l'article 71 énonce qu'il peut être prononcé « dans tous les cas d'urgence ». Qu'il s'agisse du sursis à exécution ou du référé administratif, le demandeur doit faire état des circonstances propres à établir la réalité de l'urgence de la mesure sollicitée. Il importe donc de différencier le sursis à exécution et le référé administratif, tant au niveau de leur régime que de leur portée.

I- LE SURSIS À EXECUTION

Le sursis à exécution des décisions administratives est prévu et organisé par les articles 67 à 70 de la loi sur la Conseil d'Etat. Il se présente comme une décision par laquelle la haute juridiction administrative, à la demande d'un requérant, suspend provisoirement l'exécution d’un acte administratif dont la légalité est contestée par suite de l'exercice d'un recours d'excès de pouvoir, on notera toutefois que les actes qui concernent l'ordre public échappent au sursis, aux termes de l'article 67. 

Ce dernier donne à lire « Si une décision administrative faisant grief à une personne n'intéresse ni le maintien de l'ordre, ni la sécurité ou la tranquillité publique, elle peut faire l'objet d'une requête expresse aux fin de sursis à exécution devant le Conseil d'Etat, après l'exercice du recours administratif préalable ».

On le voit, l'objet du sursis à exécution est de paralyser provisoirement les effets d'une décision administrative. Il correspond, à quelques variances, au référé suspension de l'article L 521-1 du code de la justice administrative en France.

L'octroi du sursis à exécution qui conduit à neutraliser provisoirement les effets d'une décision administrative n'est pas une mesure anodine. En effet, une décision de sursis prononcée par le juge vient contrarier la force exécutoire dont bénéficie, de plein droit, toute décision administrative dès son entrée en vigueur. En suspendant l'exécution d'une décision administrative, le juge, en l'occurrence le Conseil d'Etat, fait échec au principe du caractère exécutoire des décisions administratives, principe que le Conseil d'Etat français qualifie de « règle fondamentale du droit public ». 

Le prononcé du sursis est, pour le juge administratif, la possibilité d'écarter le principe de l'effet non suspensif des recours contre des actes administratifs. On rappellera que l'absence d'effet suspensif des recours contre les actes administratifs repose sur une volonté de sécuriser l'action administrative. Parce que l'administration agit dans l'intérêt général, ses actes ne doivent pas se retrouver subitement privés d'effets par le seul exercice d'une action contentieuse. 

Le sursis à exécution traite en suspect un acte qui bénéficie pourtant d'une présomption de légalité. Il empêche l'exécution d'un acte pourtant toujours en vigueur. En cela, il est bien une anomalie et l'on comprend que son octroi soit soumis à des conditions de recevabilité et de fond restrictives, lesquelles, ne privent pas le juge de son pouvoir d'appréciation pour l'octroyer ou le refuser.

A- LES CONDITIONS DE RECEVABILITÉS

La demande de sursis n'est plus un recours accessoire, elle constitue une requête principale au même titre que la requête aux fins d'annulation de la décision dont le sursis est demandé. En d'autres termes, la demande de sursis peut être engagée de façon autonome. Elle n'intervient plus en complément d'un recours pour excès de pouvoir.

La demande de sursis, comme l'a rappelé la Chambre Administrative dans son arrêt n°30 du 29 juillet 1998, n'est « recevable que si elle est dirigée contre un acte administratif exécutoire ». Elle ne peut être dirigée ni contre un acte d'ordre intérieur ni une décision juridictionnelle (voir arrêt n°55 du 28 mars 2012-Société IGCI C/ Arrêt n°63 du 21 décembre 2011). Mais avant, il faut que l'acte administratif exécutoire, objet d'une demande de sursis à exécution, fasse l'objet d'un recours administratif préalable. 

Ce qui signifie qu'avant tout recours juridictionnel, l'administré doit avoir porté l'acte contesté devant l'auteur de l'acte (recours gracieux) ou devant le supérieur hiérarchique de celui qui l'a édité (recours hiérarchique). Il est entendu que la demande du sursis à exécution sera jugée irrecevable si elle omet cette procédure administrative que souligne l'article 67 de la loi sur le Conseil d'Etat.

Bien entendu, la demande de sursis doit être dirigée contre la même décision que celle qui fait l'objet du recours en excès de pouvoir, faute de quoi, elle sera déclarée irrecevable. Telle est la portée de l'arrêt n°206 du 24 juillet 2013 DAO TIEKOURA et autres C/ la croix rouge et Ministre de la Construction et de l'Urbanisme dans lequel la Chambre Administrative a jugé que « faute d'identité avec la décision attaquée en recours d'excès de pouvoir, la demande de sursis à exécution doit être déclarée irrecevable ».

Comme rappelé précédemment, le sursis peut être exercé à l'encontre de toutes les décisions administratives à l'exclusion des décisions intéressant le maintien de l'ordre, la sécurité et la tranquillité publique indique l'article 67 de la loi sur la Conseil d'Etat. On comprend que dans l'arrêt n°88 du 23 mai 2012 SOPHIA AIRLINES C/ ANAC, la Cour ait rejeté, pour irrecevabilité, la demande de sursis dirigée contre la décision du Directeur Général de l'ANAC, qui a suspendu le permis d'exploitation aérienne, dès lors que la décision en cause est motivée « par la violation de la résolution 1752 des Nations-Unies relative à l'embargo sur les armes et le transport des mercenaires ». Cette décision touchait indubitablement l'ordre et la sécurité publique.

La demande de sursis doit être présentée par une requête faisant apparaître les raisons qui, dans l'esprit du requérant, justifieraient le sursis. Une fois reçue, la demande de sursis à exécution est instruite et jugée dans un délai de quarante-cinq (45) jours. Cette procédure paraît efficace et rapide pour empêcher la décision administrative faisant grief de déployer ses effets.

B- LES CONDITIONS DE FOND

A l'examen de la jurisprudence, (C.E 12 novembre 1938 Chambre Syndicale des constructeurs d'avions in GAJA n°62 ; C.S.C.A arrêt n°67 du 18 décembre 1991, OURA KOUASSI C/ Ministère de la défense) il se déduit que la possibilité d'obtenir le sursis d'un acte administratif est subordonnée à deux conditions cumulatives. Le demandeur doit, d'abord, justifier l'urgence à obtenir la suspension de l'acte administratif, ensuite, faire valoir à rencontre de celui-ci, un moyen sérieux de nature à faire douter de sa légalité. 

C'est ce qui ressort de l'article 68 de la loi sur le Conseil d'Etat en ces termes : « Le Conseil d'Etat peut ordonner la suspension de l'exécution de la décision entreprise (...) lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer (...) un doute sérieux quant à la légalité de la décision ».

En principe, la suspension ne peut être ordonnée que lorsque les deux conditions ci-dessus énoncées se trouvent cumulativement satisfaites. Ces deux conditions sont en principe autonomes. Ainsi, l'urgence ne peut dériver du doute sérieux sur la légalité de l'acte.

1- L'urgence

Elle est la condition première du sursis. C'est lorsque l'urgence le justifie que le Conseil d'Etat peut envisager comme possible le prononcé de la suspension d'exécution d'une décision administrative. Le sursis ne trouve d'utilité que dans l'urgence, c'est-à-dire avant l'exécution de la mesure contestée. Visant à suspendre l'exécution d'un acte administratif, on comprend que le juge prononce un non-lieu à statuer lorsque la demande de sursis est dirigée contre un acte entièrement exécuté. 

Ainsi, lorsque la saisine du juge intervient trop tardivement par rapport à l'entrée en vigueur de la mesure contestée, le juge peut estimer qu'il y a absence d'urgence et rejeter la requête. 

Dans l'arrêt n° 200 Ayants droit de feu NAMPE Ahouadja du 26 juin 2013, la Chambre Administrative a jugé qu'il n'y avait pas urgence à solliciter, en 2013, le sursis d'un acte entré en vigueur en 2009.

L'urgence, faut-il la préciser, s'apprécie non à la date d'introduction de la requête, mais au jour où le juge de l'urgence est appelé à se prononcer sur celle-ci. L'urgence reste une notion relative, qui dépend étroitement des circonstances de l'espèce et de l'argumentation du requérant. Son appréciation est une question de fait qui est résolue au regard des données propres à chaque affaire. 

Le juge doit faire une appréciation globale, intégrer dans son analyse l'ensemble des intérêts en présence. L'urgence à prononcer une mesure de suspension doit être confrontée avec l'urgence à ne pas prononcer cette mesure. 

Ainsi, l'intérêt général dont le défendeur a la charge ou la prise en compte de l'intérêt des tiers peut faire obstacle à la reconnaissance de l'urgence. Dans l'appréciation de celle-ci, le juge tient le plus grand compte du fait que le sursis est un recours, dont l'objet est d'obtenir une mesure provisoire, la suspension, dans l'attente d'un jugement au fond, par suite du recours d'excès de pouvoir. 

Pour qu'il y ait urgence, il est nécessaire que l'écoulement du temps risque de préjudicier gravement aux intérêts du demandeur avant que le juge du fond puisse se prononcer sur le sort de la contestation de la légalité. A défaut, l'intervention du juge de l'urgence ne se justifierait pas. 

Dans la procédure du sursis, l'urgence naît de la nécessité de sauvegarder des droits et intérêts menacés dans l'attente du jugement au fond. La situation doit être pressante, le demandeur doit faire état d'une urgence justifiant que, sans attendre le jugement du recours d'excès de pouvoir, l'exécution de la décision administrative soit suspendue. 

Le sursis n'est pas justifié lorsqu'il n'est pas établi que la poursuite de l'application de la décision attaquée est de nature à aggraver le sort du requérant ou des intérêts qu'il défend et compromettre son annulation ultérieure. Les arrêts n°31 du 29 juillet 1998 COCOPROVI et n°19 du 30 juin 2004 AKPA Lasme Bolkotch et autres fondent et illustrent la jurisprudence de la Chambre Administrative sur ce point.

Dans un important arrêt, qui se présente comme un arrêt de principe, le Conseil d'Etat français a jugé que la condition d'urgence à laquelle est subordonné le prononcé d'une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision administrative contestée « préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts, qu'il entend défendre » (C E. Sect. 19 janvier 2001 confédération nationale des radios libres. Rec. 29, les Grands Arrêts du contentieux administratif. GAJA N°ll. Dalloz 2007).

Ainsi, il en résulte que l'urgence s'analyse en un préjudice grave et immédiat porté soit à la situation du requérant, aux intérêts qu'il entend défendre, soit à l'intérêt public. La notion de « préjudice grave et immédiat » est préférée par la doctrine et la jurisprudence à la notion trop restrictive de « préjudice difficilement réparable » résultant de l'exécution de la mesure contestée. 

Une telle notion pourrait conduire à n'admettre l'urgence que si la décision attaquée présentait des conséquences irréversibles ou était insusceptibles de compensation monétaire. L'exigence que la mesure litigieuse préjudicie aux intérêts en présence de façon suffisamment immédiate et grave, est beaucoup plus souple. Mais en réalité, la Chambre Administrative devenue Conseil d'Etat a toujours utilisé l'une ou l'autre notion, indifféremment. Pour elle, ces deux notions sont synonymes.

Quoi qu'il en soit, le préjudice que le requérant peut invoquer pour solliciter le sursis peut être d'ordre matériel ou moral. Ainsi, dans l'arrêt n° 37 du 11 août 2004, KANTE Lanciné C/ Université, la Chambre Administrative a caractérisé l'urgence dans le préjudice irréparable que constitue l'entrave apportée par une décision administrative à la poursuite d'une formation professionnelle de haut niveau par un étudiant. 

Dans l'arrêt n° 205 du 24 juillet 2013, KOUAME N'guessan Fulgence C/ Directeur Général des Impôts, le préjudice dont se prévaut le requérant est l'atteinte à sa réputation et à son honorabilité, jugée suffisamment grave et immédiat, pour justifier l'octroi du sursis par la Cour. L'urgence, justifiant l'octroi d'un sursis, peut être aussi reconnue lorsqu'est en cause l'intérêt général. 

A titre d'illustration, on peut citer l'arrêt n° 27 du 27 août 2003 DAHILY Jean C/ Ministre de la Communication dans lequel le sursis a été ordonné « pour empêcher de créer au sein de la RTI une dyarchie juridiquement intolérable ». 

Mais le plus souvent, le préjudice allégué par les requérants et retenu par la Cour pour octroyer le sursis concerne le maintien de leur activité économique (arrêt n°71 du 18 avril 2012 SOGIP Shipping C/ Port Autonome d'Abidjan), la destruction de leur construction ou usine (arrêt n°28 du 21 avril 2010 Société Z.A Plast C/ Ministère de la Construction), le morcellement ou la perte de leurs biens fonciers (voir arrêt n°203 du 24 juillet 2013 les ayants-droit de NANATiga C/ Ministère de la Construction).

Il reste entendu que le préjudice dont se prévaut le requérant doit être en rapport avec l'objet de l'acte attaqué. Ainsi dans l'arrêt n°22 du 30 juillet 2003 N'Goran Yao Mathieu, le sursis a été rejeté au motif que le trouble de jouissance invoqué par le requérant ne trouve pas son fondement dans l'acte administratif querellé, mais de l'exécution de contrat de droit privé. Outre la nécessité de procéder de l'acte attaqué, le préjudice doit être aussi suffisamment grave. 

La décision attaquée, par ses effets, doit excéder les sujétions et inconvénients découlant habituellement de l'activité administrative et qu'un administré doit normalement accepter. Au-delà d'un certain seuil, le dommage peut être qualifié de suffisamment grave. Pour satisfaire à cette exigence, l'acte en cause doit hypothéquer de façon substantielle ou durable la situation du requérant ou les intérêts qu'il entend défendre. Dans ces cas de figure, la Chambre Administrative qualifie volontiers le "préjudice d'irréparable". 

Les arrêts n°37 du 23 juillet 2008 SCI LAMA et n°4 du 19 mars 2008 Cheick Mohamed Barry, dans lesquels le sursis a été accordé pour des préjudices causés par des constructions et des morcellements de terrains sont particulièrement illustratifs. Dans l'espèce Société Z.A Plast C/ Ministère de la Construction et de l'Urbanisme du 21 avril 2010, la Cour a estimé que « la décision administrative mettant un industriel en demeure de déguerpir le terrain litigieux présente des conséquences excessives et du trouble à l'ordre public qu'elle est susceptible d'entraîner par la destruction des installations érigées et la mise en chômage de centaines d'employés ».

Lorsque le préjudice allégué n'est pas estimé grave, le sursis est refusé. Dans l'arrêt n°19 du 23 mars 2005 Hibault Ogou Alexis et autres C/ Présidence de la République, la Chambre Administrative a jugé que la perte de substantiels revenus qui empêchait les requérants d'honorer leurs dettes ne constitue pas un préjudice de nature suffisamment grave pour fonder l'octroi d'un sursis. 

De même, dans l'arrêt n° 26 du 23 mars 2011 Association Rallye Saint Georges C/ Etat de Cl, la requête a été rejetée parce que le préjudice allégué n'a pas été considéré comme grave. Il en va de même, a fortiori, lorsque le requérant n'allègue aucun préjudice (voir arrêt n°43 du 28 mars 2012 N'DIAYE Moussa C/ Ministre de la Construction et de l'Urbanisme).

Il reste entendu que le requérant ne doit pas, par son comportement, avoir contribué à cette situation préjudiciable. L'urgence invoquée par le requérant ne sera pas reconnue lorsque le préjudice dont il se prévaut lui est imputable. Il ressort ainsi de la jurisprudence que l'urgence ne peut être caractérisée si le requérant s'est placé lui-même dans une situation illégale. 

Quant à l'immédiateté du préjudice exigée par la jurisprudence, elle est regardée comme satisfaite lorsque l'acte attaqué produit par lui-même des effets préjudiciables, ou est sur le point d'en produire à brève échéance. Il faut que l'acte attaqué porte, par lui-même, atteinte à l'intérêt invoqué par le requérant. 

Lorsqu'il se limite à rendre possible une situation préjudiciable, mais ne la génère pas lui-même, il n'y aurait pas urgence à en suspendre les effets. Le préjudice ne doit pas être hypothétique et précaire, enseigne l'arrêt n°60 du 30 octobre 1991 OULAI Telesphore Henri C/ Ministre de la Sécurité Intérieure.

2- L'existence d'un moyen propre à créer un doute sérieux sur la légalité de l'acte

Cette deuxième condition répond au souci de refuser le privilège ou l'exception qu'est le sursis aux requérants qui allèguent des moyens fragiles, dilatoires ou fantaisistes. Le prononcé du sursis suppose des moyens sérieux et paraissant, en l'état de l'instruction, de nature à justifier l'annulation de la décision attaquée. Le sursis ne peut être octroyé qu'à l'égard d'actes administratifs dont l'annulation est probable sinon certaine.

On ne voit pas pourquoi il y aurait lieu d'empêcher l'exécution d'une décision dont la légalité ne serait pas sérieusement mise en cause. La jurisprudence de la Chambre Administrative donne à constater que, chaque fois, qu'elle a ordonné le sursis sollicité, elle a mis en relief l'existence du caractère sérieux de moyens allégués. L'arrêt N°71 du 18 avril 2012 SOGIP SHIPPING C/ Port Autonome d'Abidjan est particulièrement symptomatique à cet égard. 

La Chambre Administrative prend le soin de préciser que les moyens invoqués par la société requérante, notamment la mise en valeur des lots et la méconnaissance du préavis de six (6) mois prévu par le cahier des charges par le Port, paraissent sérieux.

L'absence de moyens sérieux conduit inexorablement au rejet de la requête que la Chambre Administrative traduit par une formulation rituelle et laconique « considérant que les moyens invoqués ne présentent pas un caractère de nature à justifier en l'espèce une exception au principe de l'exécution préalable des décisions administratives ». 

Le maniement de la condition de moyen sérieux est délicat, car elle implique, « en l'état de l'instruction », une appréciation au fond des moyens de légalité avancés par la requête. Si, généralement la Chambre Administrative, pour ne pas donner le sentiment d’un préjugement sur le recours pour excès de pouvoir, s'exprime avec réserve, en énonçant que « l'un des moyens invoqués, parait, en l'état du dossier sérieux » (cf. arrêt n°26 du 27 août 2003 ABOKE Wenceslas C/ Ministre de la Communication) ou que « les moyens invoqués, paraissent, en l'état de l'instruction du dossier, sérieux » (cf arrêt n°18 du 23 mars 2005, GADOU Kouakou Henri C/ Université d'Abidjan-Cocody), quelques fois, elle prend clairement position sur la légalité de l'acte contesté. 

Ainsi, dans l'arrêt n°37 SCI LAMA C/ Gouverneur du District d'Abidjan du 23 juillet 2008, on peut lire « considérant qu'il résulte des pièces du dossier notamment de la lettre du 6 mars 2008 du Ministre en charge de la Construction et de l'Urbanisme demandant instamment à KASSAN SAADI d'arrêter les travaux de construction au motif qu'ils ne respectent pas les règles d'urbanisme, que les moyens des requérants sont fondés ». 

Plus explicite encore est l'arrêt n°205 du 24 juillet 2013 KOUAME N'GUESSAN Fulgence C/ Directeur Général des Impôts dans lequel la Chambre Administrative motive l'octroi du sursis, en notant « que le préjudice dont se prévaut le requérant, l'atteinte à sa réputation et à son honorabilité pour des faits qu'il conteste, présente un caractère grave et immédiat de nature à justifier la demande du sursis, d'autant que, l'un des moyens invoqués, le maintien de la suspension au-delà du délai de trois mois fixé par la loi sur la Fonction Publique, est fondé ».

Lorsqu'il ne la caractérise pas comme l'absence d'urgence, la Chambre Administrative dénie tout caractère sérieux aux moyens formulés par les demandeurs de sursis qui se sont placés, eux-mêmes, dans une situation illégale et rejette systématiquement leur demande. Il en va ainsi dans l'arrêt n°59 du 30 novembre 2011 AIDIBI HASSAN C/ Ministre de la Construction et de l'Urbanisme, « considérant d'une part que monsieur AIDIBI a non seulement entrepris des travaux importants de modification de sa maison au mépris de la réglementation du permis de construire, mais aussi a passé outre l'injonction d'arrêt des travaux.... Que dans ces conditions le sursis ne peut qu'être refusé » peut-on y lire.

Au niveau de cette appréciation du moyen sérieux, on peut dire que l'identification d'un moyen sérieux par le juge du sursis anticipe l'annulation de la décision contestée en recours d'excès de pouvoir. Il est rare que, statuant sur le recours pour excès de pouvoir, le juge apprécie autrement les moyens tels qu'il l'avait fait en examinant la demande de sursis. 

On observera, cependant, qu'un refus d'ordonner le sursis ne renseigne pas pour autant sur le sort qui sera fait au recours d'excès de pouvoir dans la mesure où l'octroi du sursis est pour la Chambre Administrative, non une obligation, mais une simple faculté. 

Les requérants, tout comme leurs conseils, doivent avoir en esprit que la réunion des deux conditions de fond exigées par la loi et la jurisprudence, à savoir l'urgence au travers d'un préjudice difficilement réparable ou d'un préjudice grave et immédiat d'une part, et l'existence d'un moyen sérieux de nature à justifier l'annulation de l'acte attaqué d'autre part, ne contraint pas le juge, en l'occurrence la Chambre Administrative, à ordonner le sursis. 

La réunion des conditions de fond ne prive pas le juge de la liberté d'appréciation. 

Le pouvoir de surseoir à l'exécution des décisions administratives est reconnu à la Chambre Administrative pour qu'elle en use parcimonieusement, à titre exceptionnel. L'article 68 de la loi sur la Conseil d'Etat précise à cet égard la Cour « peut ordonner la suspension de l'exécution de la décision entreprise ». Il appartient à la Cour d'apprécier, dans chacun des cas qui lui sont soumis, s'il y a lieu d'ordonner le sursis qui lui est demandé. Jusque-là, la Chambre administrative a su user du pouvoir exorbitant qui lui est donné de prononcer le sursis de décisions administratives, avec tact et mesure.

C- LES EFFETS DU SURSIS

La suspension ainsi prononcée reste en vigueur jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la requête en annulation. Elle a pour effet comme indiqué plus haut, de paralyser provisoirement les effets de la décision administrative. Dès le prononcé de la décision, une copie de l'arrêt est immédiatement notifiée, par voie administrative ou par voie d'huissier, au procureur général près la Cour suprême, à l'auteur de la décision entreprise et à toute personne intéressée. Les effets de la décision administrative sont suspendus à partir de cette notification.

La décision prononçant un sursis est, comme toute décision de justice, exécutoire et obligatoire. Elle est revêtue de la même force qu'un jugement au fond. Les parties doivent s'y conformer. L'administration est tenue de s'y soumettre, de la respecter et de la faire respecter, en prenant les mesures d'exécution qui s'imposent. 

Ainsi, lorsque la Cour suspend une décision ayant pour objet l'éviction du service d'un agent public, il appartient à l'autorité administrative, pour assurer l'exécution de cette mesure, de prononcer la réintégration de l'agent à la date de cette notification et de tirer toutes les conséquences de cette réintégration, en allouant à l'intéressé, une somme calculée en tenant compte de l'ensemble des rémunérations dont il a été privé depuis la date de notification de la décision du sursis...(voir sur ce point l'arrêt du C.E. 13 juin 2003 CHAKIR Rec.253).

Toutefois, le sursis et ses effets deviennent caducs si, quatre mois après son prononcé, le bénéficiaire n'a pas déposé de requête aux fins d'annulation de la décision suspendue. Ce qui signifie que passer ce délai de quatre mois, la décision administrative même attaquée, déploie tous ses effets. Elle redevient exécutoire avec tous ses effets suspendus et ne peut plus faire à nouveau, objet d'une demande de sursis.

II- LE REFERE ADMINISTRATIF

D'une manière générale, les procédures de référé concernent en principe toutes les procédures tendant au prononcé de mesures provisoires. Elles sont soumises à un régime dérogatoire du droit commun et justifié par la prise en compte de l'urgence.

Le terme de référé recouvre à la fois une procédure (rapide) et des pouvoirs (de sauvegarde provisoire). Ses objets peuvent être variés : suspension d'un acte, délivrance de dossier, mesure de vérification et en particulier expertise, interdiction de conclure une procédure et en particulier un contrat...

Le référé, c'est aussi et naturellement un juge statuant seul. Contrairement à la requête de sursis à exécution qui est jugée collégialement par le Conseil d'Etat, les requêtes en référé sont jugées par un juge unique, statuant par voie d'ordonnance. Aux termes de l'article 71, c'est au Président du Conseil d'Etat qu'incombe cette mission. Dans tous les cas, évidemment, un renvoi reste possible aux formations collégiales, ainsi qu'il est pratiqué, si en tout cas, c'est possible au regard de l'urgence, sur les affaires les plus délicates et qui appellent un éclaircissement jurisprudentiel.

À la différence du juge du fond, le juge des référés n'a pas vocation à trancher une contestation juridique. Il n'est habilité qu'à prendre des mesures provisoires qui, au terme de la jurisprudence (C.E. 3 octobre 1958 Société des Autocars Garonnais REC. 458), sont dépourvues de l'autorité de la chose jugée à l'égard tant du magistrat qui les a prononcées que du juge du principal qui pourra se prononcer en sens contraire ou différent.

Sous l'appellation générique de référé administratif, l'article 71 de la loi sur le Conseil d'Etat prévoit et distingue deux procédures : le référé - constat d'urgence et le référé conservatoire ou mesures utiles.

A- LE REFERE-CONSTAT D'URGENCE

C'est une expertise d'urgence. Il s'offre comme une arme, un moyen de préconstituer et de sauvegarder une preuve qui risque de disparaître. Il consiste, aux termes de l'article 71, dans tous les cas d'urgence, pour le Président du Conseil d'Etat, sur simple requête d'un justiciable, de « désigner un expert pour constater, sans délai, des faits susceptibles de donner lieu à un litige devant le Conseil d'Etat... ».

Quel que soit le moment où elle intervient, saisi d'une telle demande, le juge des référés ne fait rien de plus que de désigner un expert à l'effet de constater des faits. La constatation s'entend d'une simple description de la chose constatée, sans vérifications actives de l'expert. Les requêtes, dont l'objet va au-delà du simple constat des faits, doivent être jugées irrecevables. Telle est la position adoptée par la Chambre Administrative qu'illustre l'ordonnance du 29 janvier 2004 Dame DOUEU Bernadette et DJAKO Gustave C/ OUATTARA Bambala Philippe.

Dans cette espèce, le juge des référés a déclaré irrecevable une demande d'expertise, motif pris que « les mesures sollicitées qui conduisent à analyser les conditions dans lesquelles des actes administratifs ont été pris et, en définitive, à apprécier leur conformité à la légalité ne relèvent pas du champ d'application de l'article 7934 qui a pour objet la constatation purement matérielle des faits à l'exclusion de toute appréciation ou solution envisageable ».

La recevabilité de la demande de constat d'urgence n'est subordonnée à aucune condition particulière. La demande est recevable même en l'absence des formalités qui conditionnent la recevabilité de la requête principale correspondante. L'instruction de la demande du constat d'urgence n'est pas nécessairement contradictoire.

Il reste entendu qu'outre l'exigence d'urgence, la désignation d'un expert ne peut être obtenue de la part du juge des référés que pour autant que la constatation des faits en cause est utile pour la solution d'un éventuel litige. La désignation d'un expert ne peut pas être obtenue, si le constat des faits apparaît superflu ou si les faits en cause ne sont pas sujets à modification ou à disparition. L'ordonnance n°1 du 9 octobre 2003 N'GORAN Yao Mathieu C/ NOUJAIM Khalil est particulièrement éclairant sur l'exigence de ces deux conditions, urgence et utilité.

On notera que le constat d'expertise réalisé par suite d'un référé peut être contesté et conduire le juge des référés à ordonner une seconde expertise, lorsque le constat d'expertise a servi de fondement à une décision de l'Administration, objet d'une requête en référé. Tel est du moins l'enseignement qui se dégage de l'ordonnance n° 01 du 30 août 1999 dame DJADJI Djaba Sophie C/ Ministère du Logement et de l'Urbanisme et GNANKOU Goth Philippe. Dans cette espèce relative à un conflit pour la détermination des limites de terrains limitrophes, dame DJADJI, au motif qu'elle n'a pas assisté à l'expertise topographique ordonnée par le juge des référés, saisi à cet effet par son adversaire, monsieur GNANKOU, et qui a servi de fondement à la décision du Ministre du Logement et de l'Urbanisme de détruire son bâtiment qui empiète sur la propriété de son voisin, a saisi et obtenu du juge des référés qu'il ordonne une contre-expertise.

B- LE REFERE CONSERVATOIRE OU MESURES UTILES

Le référé-mesures utiles peut être aussi désigné référé-conservatoire, eu égard au fait que les mesures, que le juge peut ordonner, doivent viser à aménager la situation des parties, de façon provisoire, à préserver certains droits et intérêts.

Son régime est déterminé par l'article 71 qui dispose « dans tous les cas d'urgence, le Président du Conseil d'Etat peut, même en son hôtel, sur simple requête : - Ordonner toutes autres mesures utiles, sans faire préjudice au principal ni obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative. Dans ce cas, la requête est transmise, sans délai, au procureur général près la Cour suprême et immédiatement notifiée aux défendeurs éventuels, avec fixation d'un délai de réponse ».

Si, comme pour le référé-constat d'urgence, le juge compétent pour statuer sur les référés-mesures utiles demeure le Président du Conseil d'Etat, il reste entendu que sa compétence reste limitée aux matières ressortissant de la compétence au fond du Conseil d'Etat. Emanation du Conseil d'Etat, sa compétence matérielle demeure tributaire de celui-ci, conformément à la règle classique du droit processuel qui enseigne que la compétence en matière de référé suit la compétence au fond.

Il résulte de ce qui précède que le Président du Conseil d'Etat, en tant que juge des référés, ne peut valablement être saisi d'une demande de référé que pour autant que le litige principal auquel se rattache la mesure d'urgence qu'il lui est demandé de prescrire n'échappe pas, manifestement, à la compétence de la Conseil d'Etat. Il est de principe, en effet, que l'intervention du juge des référés est subordonnée à la nécessité que le litige au principal, s'il a été ou s'il était formé, puisse se rattacher à la compétence de la juridiction concernée. 

De façon littérale, cela signifie que le Président du Conseil d'Etat, juge des référés, ne peut être saisi que si le litige auquel peut se rattacher l'affaire en cause est un recours d'excès de pouvoir ou s'il relève du plein contentieux, qu'une personne publique au moins soit partie à la procédure, conformément à l'article 5 de la loi sur la Conseil d'Etat qui circonscrit le champ de compétence de l'institution. 

Il s'ensuit qu'une affaire mettant en cause, exclusivement, des personnes privées et sans que soit contesté un acte de l'administration ne saurait donner lieu à une saisine recevable du juge des référés.
Celui-ci pourra édicter les mesures utiles solliciter si les conditions prévues à l'article 71 de la loi sur le Conseil d'Etat sont réunies.

1- Les mesures pouvant être prononcées

L'article 71 alinéa 2 se borne à énoncer que le juge peut ordonner « toutes autres mesures utiles », sans préciser ce que peut être l'objet de ces mesures, même si on peut déduire du texte, qu'elles doivent être différentes de la mesure visée à l'alinéa 1, c'est-à-dire, la désignation d'un expert et du sursis régis par l'article 67.

En France, sur le fondement du même texte, ont été sollicitées et obtenues, soit à l'initiative de l'Administration, outre l'expulsion des occupants sans titre du domaine public, l'autorisation de réaliser des travaux de remise en état de canal d'évacuation des eaux traversant des propriétés privées (C.E. 9 mars 1979 Br une req. n°04894), des injonctions à des cocontractants de l'administration de poursuivre l'exécution de travaux publics (C.E. 13 juillet 1956 OPHLM de la seine Rec. 343), l'injonction sous astreinte à une société de droit privé de restituer à un centre hospitalier les archives dont il lui avait confié la gestion (CE 29 juillet 2002 centre hospitalier d'Armentières Rec. 307), soit à l'initiative de personnes privées, la communication de décisions, documents et dossiers administratifs, (C.E. 6 juin 1980. Ministre du travail C/ Amiel. Rec. 835), d'interdire, d'autoriser ou ordonner des travaux (C.E.18 juillet 2003 Elissombo Labat Rec.369)...

Il ressort ainsi de la jurisprudence française, qu'en réalité, toutes sortes de mesures peuvent être sollicitées sous le fondement de l'article 71 al. 2, pour peu qu'elles remplissent les caractéristiques prévues par ce texte. Que la mesure soit utile, qu'elle ne fasse pas obstacle à l'exécution d'une décision administrative et, tout naturellement, qu'elle ait un caractère provisoire.

Pour diverses qu'elles puissent être, elles doivent avoir en commun d'être des mesures conservatoires, c'est-à-dire qu'elles ont pour objet de prévenir la survenance ou l'aggravation d'une situation dommageable, d'assurer la protection des droits et intérêts d'une partie ou de sauvegarder l'intérêt général. D'une façon générale, il doit s'agir de mesures destinées à préserver l'avenir, comme l'enseigne Chapus (droit du contentieux administratif, 2ème édition. 2004.P1362).

Ces mesures se concrétisent par des injonctions adressées, le plus souvent, aux personnes privées, telles leur imposer l'exécution de travaux ou la cessation de travaux, de fournir des prestations à l'administration, d'évacuer des dépendances du domaine public occupées sans titre. En principe, dans le cadre du référé-mesures utiles, les mêmes injonctions peuvent être aussi adressées à l'administration par suite de demandes des particuliers. 

Cependant, jusqu'à ce jour, aucune requête tendant à faire prononcer des mesures utiles, des injonctions à l'encontre de l'administration, n'a été exercée par les particuliers devant la Chambre Administrative devenue Conseil d'Etat. En France, dans le cadre de la procédure du référé-mesures utiles, le juge des référés adresse des injonctions à l'administration pour lui prescrire de donner communication de documents et décisions, qu'elle détient, à des particuliers pour leur permettre d'exercer des recours contentieux. 

Avec l'arrêt du 18 juillet 2006 madame Elissondo Labat (Rec. 359), le Conseil d'Etat a pu ordonner, dans le cadre du référé-mesures utiles, à l'administration de prendre financièrement en charge des travaux confortatifs d'un particulier par suite des dégâts provoqués par un ouvrage public.

2- Les conditions d'octroi des mesures utiles

L'article 71 al.2 subordonne le prononcé des mesures utiles à quatre (4) conditions, à savoir l'urgence, l'interdiction de faire préjudice au principal, l'utilité de la mesure, l'interdiction de faire obstacle à l'exécution de décision administrative.

a- L'urgence

Le juge des référés ne peut faire droit à une demande sans avoir, au préalable, recherché si la condition d'urgence est remplie. Cette condition est formulée dans le texte de l'article 71, « Dans tous les cas d'urgence... ». Il se prononce au regard des éléments dont il dispose au moment où il statue. 

Il appartient, tout naturellement, à l'auteur de la demande en référé, de justifier de l'urgence de la mesure sollicitée. Tout comme dans la procédure du sursis analysée ci-avant, le juge des référés apprécie l'urgence par référence aux intérêts qui risquent d'être compromis.

Lorsque le juge des référés-mesures utiles ne rejette pas la requête au seul vu de la demande, il est amené à prendre en compte aussi les arguments du défendeur au titre de l'appréciation globale de l'urgence. Pour ne considérer que la demande d'expulsion d'occupants sans titre du domaine public, qui est la terre d'élection du référé conservatoire, il est établi que l'illégalité de l'occupation ne suffit pas. L'urgence ne peut être inférée du seul caractère irrégulier de l'occupation. 

L'urgence sera refusée, faute pour le gestionnaire du domaine public de justifier de la nécessité de disposer immédiatement du terrain ou de l'emplacement occupé, de la lésion que cause l'occupant du domaine public à un intérêt public qu'il entend défendre. 

Mais, lorsque le juge des référés est saisi d'une demande d'expulsion d'un occupant sans titre du domaine public, il doit tenir compte dans l'appréciation de l'urgence de l'intérêt particulier de ce dernier à se maintenir sur le domaine et le mettre en balance avec l'intérêt invoqué par le gestionnaire du domaine public.

On remarquera qu'à la différence du sursis, pour lequel c'est généralement l'administration qui est en défense, en matière de référé-mesures utiles et, singulièrement, en matière d'expulsion d'un occupant sans titre du domaine public, c'est l'administration ou la personne privée chargée de mission de service public ou de la gestion du domaine public, comme le Port Autonome d'Abidjan, qui saisit le juge de référé-mesures utiles. 

Tel a été le cas dans les ordonnances de référé n° 02 du 7 mars 2013 P.A.A C/ DAFCI et n°5 du 18 juillet 2013 Port Autonome d'Abidjan C/ Société Pascal Armement dans lesquelles, le juge des référés a ordonné l'expulsion des sociétés occupantes sans titre du domaine public portuaire, à la demande du Port Autonome d'Abidjan, gestionnaire du domaine portuaire. 

Dans de tels schémas, les termes classiques d'appréciation de la condition d'urgence sont inversés : le demandeur est une personne publique ou dans le cas du Port d'Abidjan, une personne privée chargée d'une mission de service public et bénéficiant de prérogatives de puissance publique, qui invoque l'urgence, fait valoir des éléments d'intérêt général tendant à ce que l'expulsion soit ordonnée et c'est à la société privée, au particulier défendeur, de démontrer que ces éléments ne sont pas pertinents, d'invoquer l'urgence à ce que le juge n'ordonne pas l'expulsion demandée, eu égard à ses investissements, à l'ancienneté de son installation ou qu'il n'a pas un autre lieu pour s'installer.

Il ressort de la jurisprudence française que lorsque le demandeur des mesures utiles et notamment d'une expulsion est une personne publique ou un organisme privé gérant un service public, le juge des référés reconnaît volontiers l'urgence lorsque qu'il fait état de la nécessité de maintenir ou de rétablir le fonctionnement normal ou la continuité d'un service public, la nécessité d'assurer la sécurité des occupants, la nécessité d'effectuer des travaux de sécurité et de mise en conformité des immeubles.

Lorsque le juge du référé mesures utiles est saisi par une personne privée, cette dernière doit démontrer que la mesure sollicitée est nécessaire à la préservation de ses droits ou intérêts.

Ainsi, lorsque Le demandeur saisit le juge afin qu'il soit prescrit à l'administration de lui donner communication de décisions ou documents le concernant, l'urgence doit résulter de la nécessité de défendre ou de sauvegarder ses droits en exerçant un recours juridictionnel dans les délais (C.E. 26 mars 1982 ministre de l'Intérieur C/ ABOUDOU Mzé Rec. 137).

b- L'utilité de la mesure

C'est la seconde condition du prononcé des mesures conservatoires. La mesure sollicitée doit être utile à l'auteur de la demande. Elle doit présenter pour lui un intérêt pratique, faute de quoi, il n'y a pas lieu de s'adresser au juge des référés. La mesure conservatoire doit être nécessaire pour que les bénéficiaires puissent utilement faire valoir leurs droits dans l'avenir. 

L'acte conservatoire ne saurait intervenir à titre gratuit ou de principe, il faut qu'il ait un intérêt pratique. En réalité, la condition d'utilité est souvent liée à la condition d'urgence. L'utilité de la mesure est regardée généralement comme satisfaite, ou non satisfaite, en même temps que la condition d'urgence.
La jurisprudence française donne à voir que lorsqu'il s'agit d'enjoindre à l'administration de communiquer les décisions et dossiers aux particuliers, le juge des référés accorde ou refuse la demande en considération de l'objectif poursuivi. 

L'utilité de la mesure est regardée comme satisfaite si la communication des décisions et documents est nécessaire au requérant pour pouvoir engager une action en justice devant les seules juridictions administratives. Le Conseil d'Etat a pu même juger qu'une demande de communication de dossiers visant seulement à l'engagement d'une action devant une juridiction civile ne peut être utilement poursuivie par le biais du référé-mesures utiles.

Au regard de l'exigence de l'utilité, on pouvait être fondé, lorsque c'est l'administration ou une personne morale de droit privé chargée d'une mission de service public, qui saisit le juge du référé mesures-utiles à s'assurer que celle-ci ne dispose pas, en droit, des moyens de contrainte qui lui permettraient d'obtenir satisfaction sans qu'il soit besoin de saisir le juge par application des principes de la jurisprudence Préfet de l'Eure (C.E. 30 mai 1913 Rec. 583). 

On le sait, cette jurisprudence interdit à l'administration de solliciter du juge administratif le prononcé de mesures qu'elle est, elle-même, en mesure de pouvoir prendre. Mais en dépit de ce principe, en matière d'expulsion du domaine public, le juge des référés, en Côte d'Ivoire, comme en France, accepte de prescrire des mesures conservatoires demandées par l'administration ou une personne morale de droit privé chargée de mission de service public, sans trop s'attacher à considérer s'il est en son pouvoir de les prendre elle-même. 

Il ressort de la jurisprudence, qu'en matière d'expulsion du domaine public, même lorsqu'elle dispose du pouvoir de procéder, elle-même, à l'exécution forcée, l'administration peut saisir le juge des référés qui ne lui oppose pas la jurisprudence Préfet de l'Eure. Comme le fait remarquer le professeur Chapus, « rien n'est moins critiquable. L'administration comme l'administré trouvent dans cette façon de procéder la garantie de régularité inhérente à l'intervention de la juridiction ».

c- L'interdiction de préjudicier au principal

L'article 71 interdit au juge des référés de «faire préjudice au principal ». Dans son sens littéral, une telle condition négative signifie que le juge ne peut faire droit à une demande de mesures provisoires si cet octroi aurait pour effet de faire préjudice au principal. 

En d'autres termes, cette condition interdit au juge des référés de prescrire des mesures d'urgence en les fondant sur des appréciations telles que celles se rapportant à la légalité d'une décision ou à la qualification juridique de document ou de situation ou de comportement, lesquelles relèvent du juge du principal. 

Une application rigoureuse de cette disposition posée par l'article 71 aboutirait à l'impossibilité d'intervention du juge des référés dès lors que les parties étaient en litige, dans la mesure où des mesures provisoires, tendant à aménager la situation des parties, préjudicient nécessairement au principal.

C'est pourquoi, en dépit de cette interdiction expresse du texte de l'article 71, la jurisprudence a admis que le juge des référés peut prononcer des mesures conservatoires, dès lors que celles-ci ne se heurtent à « aucune contestation sérieuse ». 

La Chambre Administrative tout comme le C.E. français (C.E. 3 mars 1978 Lecoq Rec. 116) a interprété « l'interdiction de préjudicier au principal » comme signifiant seulement que les mesures ordonnées ne devraient se heurter à aucune contestation sérieuse. 

Ainsi dans l'ordonnance n° 2/2013/JP/CA du 07 mars 2013 PAA C/ DAFCI, le juge des référés - mesures utiles, avant d'ordonner l'expulsion demandée, justifie sa décision en précisant : « considérant d'autre part, que les prétentions du Port d'Abidjan ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ; que la société DAFCI n'a pas déféré au juge de l'excès de pouvoir la décision de retrait de son autorisation... ». il apparaît ainsi que le juge des référés-mesures utiles apprécie « la contestation sérieuse » au regard de la nature et du bien-fondé des moyens soulevés à l'encontre de la décision du requérant par le défendeur. 

Par exemple, l'occupant sans titre du domaine public peut, pour se maintenir dans les lieux, soutenir que la demande d'expulsion, faite sur le fondement de l'article 71 al. 2 à son encontre, se heurte à une contestation sérieuse. Le juge des référés dans un tel cas de figure doit se prononcer au regard du bien-fondé du moyen soulevé par l'occupant à l'encontre de la décision du gestionnaire du domaine public de retirer ou de refuser de renouveler le titre dont bénéficiait l'occupant pour autant que cette décision ne soit pas devenue définitive.

d- L'interdiction de faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative

Selon l'article 79 le référé ne doit pas faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative. Cette limite ou condition négative est, incontestablement, à la base du fort taux d'échec des référés-mesures utiles.

Sans doute, les requêtes en référé, tendant à demander au juge de prononcer le sursis à l'exécution de décisions, ne pouvaient pas prospérer, eu égard à l'interdiction posée par l'article 79 al.2, mais un examen plus attentif conduit à dire que les requêtes en cause, plutôt que d'être rejetées comme le fait, rituellement, le juge des référés-mesures utiles, doivent être déclarées irrecevables.

Le fait est que, cette condition négative posée par l'article 71 al.2 a trait, non pas au bien- fondé de la demande de référé, mais à sa recevabilité. Il s'ensuit que les conclusions qui auraient pour objet de faire obstacle à l'exécution d'une décision administrative sont irrecevables. Cette irrecevabilité, devrait même, être soulevée d'office par le juge. 

Les demandes visant à obtenir la suspension d'une décision ou à faire obstacle à son exécution doivent être présentée sur le fondement de l'article 67 relatif au sursis à exécution. En raison même du caractère subsidiaire du référé mesures utiles par rapport aux autres procédures d'urgence, telles que le sursis à exécution et le constat d'urgence, une mesure qui pourrait être obtenue par l'une de ces procédures ne peut être prononcée par le juge du référé- mesures utiles.

Ainsi, à la demande à lui faite par le Groupe Ivoire Académie en décembre 2012, de suspendre, sur le fondement de l'article 79, la décision du Ministre de l'Enseignement Supérieur portant fermeture des établissements scolaires du groupe, le juge des référés-mesures utiles oppose une fin de non-recevoir en « considérant que la mesure sollicitée par le requérant s'analyse en une demande de sursis à exécution d'une décision administrative, lequel ne peut être obtenu sur le fondement de l'article 75 qui, au demeurant, ne permet pas au juge de prendre des mesures qui font obstacle à l'exécution d'une décision administrative »40. 

La même motivation pédagogique se retrouve dans l'ordonnance n° 6 du 18 juillet 2013 UNAGICI C/ Ministère de la Construction et de l'Urbanisme relative à une demande de sursis d'une décision de démolition d'un bâtiment dans l'attente de la décision judiciaire suite à un recours d'excès de pouvoir. 

Dans son ordonnance n° 07 du 13 août 2013 SYLLA Aïchatou C/ KONE épouse MARGAOUI, pour rejeter la requête en référé qui lui a été présentée, le juge des référés énonce que « les mesures sollicitées font manifestement obstacle à l'exécution d'une décision administrative notamment, le certificat de propriété délivré à madame KONE épouse MARGAOUI ».

L'analyse des requêtes, présentées au juge des référés sous le fondement de l'article 79b, laisse voir une grande confusion, un amalgame du sursis à exécution et du référé-mesures utiles par les justiciables et leurs conseils. Ainsi que l'illustrent les ordonnances citées plus haut, les requérants, tout en précisant que leurs demandes se fondent sur l'article 79, sollicitent du Président de la Chambre Administrative qu'il ordonne le sursis à exécution de décisions administratives. 

De telles demandes, en ce qu'elles font obstacle à l'exécution de décisions administratives et, donc, méconnaissent l'interdiction posée par l'article 79b, encourent logiquement l'irrecevabilité. De fait, l'interdiction de faire obstacle à l'exécution des décisions administratives marque l'indépendance des procédures du sursis et du référé. Une mesure de sursis ne peut être prononcée en référé.

En guise de conclusion à cette analyse des mesures d'urgence, on voudrait rappeler la pensée du Professeur Chapus pour qui, « le signe extérieur d'une bonne justice, c'est l'excellence de ses procédures d'urgence ».

SECTION III : LES RECOURS CONTRE LES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT

Ces recours s'apparentent en des voies de recours extraordinaires devant la juridiction même qui a rendu la décision. Ce sont des voies de rétractation, portée devant la juridiction même qui a rendu la décision en l'occurrence le Conseil d'Etat, lui demandant de revenir, en tout ou partie, sur celle-ci. Les voies de rétractation sont l'opposition (en cas de défaut d'une partie), la tierce opposition (qui permet à un tiers non appelé à l'instance de défendre ses intérêts), le recours en révision et le recours en rectification d'erreur matérielle. Elles figurent dans les articles 78 et suivants de la loi portant création du Conseil d'Etat.

I-LES VOIES DE RETRACTATION

Complémentaires plus que concurrentes des recours devant un juge supérieur, ces voies de rétractation, et donc de re-jugement, ont pour originalité d'être ouvertes devant le juge même dont émane la décision entreprise. Elles-mêmes de deux sortes, les unes réservées aux parties absentes du procès initiale (la tierce opposition), d'autres plus exceptionnellement ouvertes aux parties qui y avaient pourtant été présentes et donc actives (recours en révision, recours en rectification d'erreur matérielle et le recours en interprétation).

A- VOIE DE RETRACTATION OUVERTE AUX PARTIES ABSENTES DE L'INSTANCE INITIALE : LA TIERCE OPPOSITION

Cette voie de recours est celle qui porte le plus atteinte à la chose jugée. Elle est ouverte aux personnes qui n'ont pas été parties à l'instance initiale et leur permet de sauvegarder leurs droits. Elle est admise, même sans texte, devant les juridictions administratives. C'est même une règle générale de procédure applicable aux juridictions spéciales. L'autorité absolue de la chose jugée ne saurait priver les tiers de la possibilité de défendre leurs droits.

Elle prévue par l'article 78 de la loi sur le Conseil d'Etat. Suivant cet article, elle est une voie de recours par laquelle une personne, autre que les parties engagées dans l'instance, peut attaquer une décision qui lui cause préjudice et demander à la juridiction qui l'a rendue d'en supprimer les effets en ce qui la concerne personnellement. On retrouve également cette idée à l'article 187 du code de procédure civile, repris par la Cour, qui dispose que : « la tierce opposition est une voie de recours par laquelle une personne autre que les parties engagées dans l'instance, peut attaquer une décision qui lui cause préjudice et demander à la juridiction qui l'a rendue d'en supprimer les effets en ce qui la concerne personnellement ».

1- Conditions

La tierce opposition est ouverte aux tiers, c'est-à-dire à ceux qui n'ont pas été parties, appelés ou représentés à l'instance, aux droits desquels la décision préjudicie. Admise depuis longtemps en plein contentieux, la tierce opposition l'est aussi en excès de pouvoir, en faveur de tiers qui peuvent se prévaloir d'un droit auquel la décision de justice a porté atteinte. Le préjudice doit être personnel, direct et non éventuel.

La tierce opposition est refusée chaque fois que la décision ne saurait en rien affecter la situation, les prérogatives ou privilèges de son auteur. Elle est recevable même si le tiers ne formule aucun moyen qui n'ait été développé dans l'instance principale.

En Côte d'Ivoire, la tierce opposition est recevable contre les arrêts rendus par le Conseil d'Etat, dans un délai de deux mois, à compter de leur notification ou leur connaissance acquise. 

Elle est introduite par voie de requête, instruite et jugée suivant la procédure adoptée pour le recours pour excès de pouvoir.

Toutefois, sauf assistance judiciaire, le demandeur à la tierce opposition est tenu, lors de l'enrôlement de son acte introductif d'instance, de consigner au greffe du Conseil d'Etat, la somme fixe de 200 000 francs CFA.

2- Procédure et issue

La tierce opposition doit être formée devant la juridiction même qui a rendu la décision attaquée. Elle n'a pas d'effet suspensif.

Une fois admise la recevabilité de la tierce opposition, un nouvel examen de l'affaire a lieu, au regard des moyens présentés par le tiers auteur, et une nouvelle décision est rendue. Le juge ne statue que sur les moyens de la tierce opposition sans aller au-delà et sans revenir sur les moyens du recours principal.

En cas de rejet, la décision attaquée devient opposable au tiers qui a intenté le recours. En cas d'accueil de la tierce opposition, la décision initiale est déclarée nul et non avenu et remplacée par une nouvelle décision (CE, ass., 29 oct. 1965, Dme Béry : Re. 565).


B- VOIES DE RÉTRACTATION OUVERTES AUX PARTIES PRESENTES A L'INSTANCE INITIALE

Ces voies de recours sont plus extraordinaires et plus exceptionnelles. Ce sont des sortes de recours de recours, destinés à corriger des décisions rendues dans des conditions ou sur des bases gravement anormales. Elles concernent les arrêts du Conseil d'Etat.

1- Le recours en révision

Il vise à obtenir du Conseil d'Etat, une nouvelle instruction et nouveau jugement d'un procès. Il est prévu à l'article 79 de la loi sur le Conseil d'Etat et peut être présentée dans trois cas. Ainsi, il peut être formé, devant le Conseil d'Etat, un recours en révision :

- contre les arrêts rendus sur pièces fausses. La notion de pièce fausse est interprétée sévèrement, elle est assimilée à un véritable faux (CE, sect., 23 juill. 1937, Roque : Rec. 777.

- si la partie a succombée pour n'avoir pas présenté une pièce décisive retenue par son adversaire ou produite mais non prise en compte par la juridiction. La rétention coupable suppose, sinon une manœuvre dolosive, du moins un manquement à une obligation de communiquer. 

Le caractère décisif de la pièce en cause implique qu'à sa présence, le cours du procès aurait dû changer, n'ayant pas aboutir à la décision, objet de la révision. Toutefois, toute révision sera refusée si la pièce retenue était de toute façon étrangère au litige, ou ne contenait rien qui ne fut connu du requérant.

- si l'arrêt du Conseil d'Etat est intervenu sans qu’aient été observées les dispositions des articles 39,40 et 59 à 66 de la loi sur le Conseil d'Etat. Il s'agit en quelque sorte de sanctionner des irrégularités d'ordre procédural.

Si le recours est rejeté, tout nouveau recours en révision est interdit.

2- Le recours en rectification d'erreur matérielle

Il figure à l'article 80 de la loi sur le Conseil d'Etat qui dispose que « Un recours en rectification peut être exercé contre les arrêts entachés d'une erreur matérielle ». C'est une voie de recours créé et en complément du recours en révision afin « de ne pas laisser subsister des décisions juridictionnelles reposant sur des erreurs certaines qui sont le fait du juge et qu'aucune voie de droit ne permet pourtant de corriger ». 

Sa fonction est donc de redresser les inexactitudes, méprises et confusions commises par le juge lui-même. Il n'est pas de juges infaillibles. 

Et il est non moins remarquable que ce recours ainsi institué par le juge ait ensuite été développé aussi par lui, offrant ainsi aux parties de réelles possibilités de re-jugement de procès sur lesquels la juridiction s'est quelque part trompée.

Ce recours est prévu devant le Conseil d'Etat contre ses arrêts et les ordonnances du président de la section du contentieux ou des présidents des chambres.

Ce recours ne peut être présenté que par une partie à l'instance ayant donné lieu à la décision dont la rectification est demandée (CE, 3 juin 2005, Conroy, n° 276957. Mais un requérant ne peut demander la rectification d'une erreur matérielle qui lui est imputable (CE, 26 mars 2003, Lemang, Deebarre : Rec. 965).

Justifient la rectification les erreurs rédactionnelles et toutes les méprises matérielles du juge dans l'instruction ou sur le dossier de l'affaire (CE, sect., 21 nov. 1930, Dme vve Benoit : Rec.969). Est ainsi devenu rectifiable « non seulement l'erreur dans l'expression de la volonté du juge, mais encore l'erreur dans cette volonté même ».

En matière électorale le juge redresse évidemment les arrêts rendus sur la base de chiffres mal notés. Relèveraient aussi d'une rectification la confusion entre deux requérants homonymes, voire le cas où il aurait, par inadvertance, été statué deux fois sur le même procès et...différemment.

Notamment, seront ainsi réexaminés des procès sur lesquels le juge avait, opposé à tort une irrecevabilité pour tardivité, suite à un examen erroné des pièces du dossier, ou pour avoir négligé une cause de prorogation du délai contentieux, ou encore si le juge avait imposé pour un désistement d'office pour n'avoir pas communiqué le mémoire annoncé alors qu'il l'avait été, et aussi dans le cas d'un procès perdu au motif erroné que n'avaient pas été contestées les allégations de l'autre partie (CE, 30 nov. 1983, Benoist, Rec., 463).

L'erreur doit certes n'être que matérielle, indépendante donc de toute appréciation ou interprétation juridiques. Elle doit, d'autre part, être susceptible d'avoir exercé une influence sur le jugement de l'affaire. Reste enfin que l'erreur du juge ne peut être invoquée par celui qui l'avait provoqué.

Si elle est établie, l'erreur sera corrigée et le procès, au besoin, rejugé. Inversement, les plaideurs téméraires peuvent tomber sous le coup d'une amende pour recours abusif.

L'affaire Oulaï Télesphore Henri contre le Ministre de la Sécurité Intérieure offrait l'unique exemple d'application de cette amende. Dans cette espèce, le requérant, exclu de l'Ecole Nationale de la Police pour avoir caché, lors de la constitution de son dossier, son passé pénal, a vainement saisi la Cour aux fins d'obtenir l'annulation de cette décision (arrêt n°63 du 27 novembre 1991). 

Loin de se décourager, il introduira successivement un recours en rectification (arrêt n°04 du 24 février 1993), puis en rétractation (arrêt n°10 du 21 juillet 1993). Dans cette dernière espèce, la Cour jugeant l'instance abusive, « eu égard aux précédentes requêtes formées sur les mêmes arguments rejetés par la Chambre », a condamné le requérant à une amende de 25.000 Fcfa. 

Dans ce même ordre d'idées, la Cour a jugé dans l'affaire Ouattara Yassoungo, par un considérant passé désormais en formule de principe, « qu'il résulte des pièces du dossier que les requérants se sont bornés à contester sans motif légitime l'arrêt susvisé, dans lequel la juridiction administrative a rendu une décision d'irrecevabilité ; que cette requête dirigée avec légèreté contre cet arrêt motivé doit être regardée comme abusive ; qu'il convient dès lors, en application de l'article 48 de la loi sur la Cour suprême, de condamner les requérants au paiement d'une amende de deux cent mille francs (200.000 F CFA) ».

En France on notera que les « exigences qui découlent du principe d'impartialité » ont fait considérer que les juges qui avaient participé à la décision suspecte d'erreur ne devaient pas être associés à sa rectification (CE, 22 juin 2005, M. et Mme Hespel, Rec., 248, RFDA, 2006, 58, concl. E. Glaser, note D. Pouyaud).

3-Le recours en interprétation

L'article 81 de la loi sur le Conseil d'Etat, indique sa fonction spécifique. Ainsi, la décision dont les termes sont obscurs ou ambigus peut être interprétée par le Conseil d'Etat, à condition qu'il ne soit pas porté atteinte à l'autorité de la chose jugée et que l'interprétation demandée présente un intérêt pour la partie qui l'a sollicitée.

SECTION IV : L’EXCECUTION DES DECISIONS DU CONSEIL D’ETAT

Les décisions du conseil d’Etat sont exécutoires. Elles s’imposent aux pouvoirs publics, à toute autorité administrative, juridictionnelle, militaire et à toute personne physique ou morale. Les autorités publiques sont tenues de les exécuter et les faire exécuter. Ce qui signifie que ses décisions ont acquis l’autorité de la chose jugée.

I- LA CHOSE JUGEE

« Res judicatapro veritate habetur’’, la chose jugée doit être tenue pour la vérité. L’autorité de la chose jugée exclut ce qui a été jugé être reconnue ou contesté. La décision du juge a valeur de loi. Elle s’impose à tous, l’administration y comprise.

L’autorité de la chose jugée implique que les parties, et notamment l’administration, doivent exécuter la décision juridictionnelle, c’est-à-dire, prendre les décisions nécessaires pour tirer toutes les conséquences qu’elle emporte. L’annulation d’un acte administratif illégal par le juge l’excès de pouvoir emporte un effet radical et immédiat : l’acte disparaît rétroactivement de l’ordonnancement juridique. 

L’acte annulé est réputé n’avoir jamais existé. Si dans certains cas, la disparition de l’acte annulé suffit à remettre l’ordonnancement juridique en conformité avec le principe de l’égalité, dans la grande majorité des cas, l’annulation juridictionnelle impose l’intervention de l’administration pour tirer les conséquences en prenant des mesures et des actes pour établir la légalité.

En matière de chose jugée, la question fondamentale est de savoir ce qui résulte de la décision de justice, ce qu’elle implique, entraine et appelle …, et qui est certes différent a priori selon qu’elle déboute les requérants et rejette donc leurs présentations ou qu’elle satisfait au contraire leurs demandes et leur accorde donc ce qu’ils sollicitaient.

A- RECOURS POUR EXCES DE POUVOIR

Les effets de la décision varient selon qu’il s’agit d’une irrecevabilité, un rejet au fond ou une annulation.

1- IRECEVABILITE OU REJET

Les arrêts qui rejettent et qui repoussent la prétention du requérant, n’ont pas proprement parler a être exécuter puisqu’ils se bornent à laisser les choses en l’état ; Certes, ils ne sont pas sans incidence, au moins négative, à savoir ce  qui y a été refusé ne serait être à nouveau réclamé. 

Cela interdit la répétition par les requérants du procès perdu. Tout de même, cette autorité n’est que relative. L’effet du jugement n’a lieu qu’inter partes,  à l’égard du seul requérant. C’est l’effet relatif de la chose jugée. Un recours au même fin peut éventuellement être tenté, par exemple par d’autres requérants, et aboutir. Le rejet ne certifie pas l’égalité de l’acte.

Un recours déclaré irrecevable, et donc renvoyé plus que rejeter, peut éventuellement être tenté à nouveau ; un recours qui a échoué peut théoriquement être intenté par d’autres requérants ou sur une autre cause pourvu que les délais le permettent ; d’autres formes de recours et de contestations peuvent enfin subsister et par exemple, après l’échec d’un recours contre un règlement, l’exception d’illégalité continues de pouvoir être utilisée à son égard à l’occasion d’autres procès devant les juridictions pénales, alors libres de leur propre appréciation, aussi bien qu'administratives ; l'illégalité de l'acte pourra encore être invoquer à l'appui d'un recours en responsabilité.

2- Annulation

La décision du juge administratif est par elle-même créatrice de droit et de droits. Ainsi, l'acte annulé, du moment que l'arrêt est rendu, disparaît, il n'existe plus, il est annihilé et la logique conduit évidemment à doter cette annulation d'une autorité absolue, erga omnes, ce qui signifie que l'acte annulé est censé n'avoir jamais existé, il disparaît de l'ordonnancement juridique. L'annulation à effet rétroactif, du jour où l'acte a été pris. Il faut remettre les choses en l'état, comme si l'acte n'avait jamais été pris. 

L'annulation peut faire revivre automatiquement les actes que l'acte annulé modifiait ou abrogeait. Dans ces conditions, renaît le droit antérieur. En somme, le juge tue et ressuscite.

Les personnes ayant formé un autre recours contre le même acte n'ont plus qu'à se désister, sinon, le juge prononce un non-lieu à statuer.

B- RECOURS DE PLEIN CONTENTIEUX

L'admission du recours n'a que l'effet relatif de chose jugée, inter partes. Cependant, l'effet est absolu pour certaines affaires, comme dans le contentieux électoral.

Il- OBLIGATIONS DIRECTES NEES DE LA CHOSE JUGEE ;

A quoi servirait-il de saisir la justice administrative si les arrêts et les décisions rendus ne venaient pas à être exécutés ? À rien !!. Le recours à la justice deviendrait illusoire si une décision juridictionnelle définitive et exécutoire reste inappliquée. L'inexécution des décisions de justice par l'administration serait en soi inacceptable dans un Etat de droit.

L'utilité réelle du recours pour excès de pouvoir tient à ses conséquences pratiques. Ce que le plaideur souhaite, c'est que, dans la réalité de sa vie quotidienne, quelque chose, au terme du recours, se trouve changé en mieux. Il vise à obtenir non seulement la disparition de l'acte litigieux, mais aussi et surtout, le rétablissement de la légalité, ce qui implique l'obligation pour l'administration de se plier à la décision juridictionnelle et lui faire produire ses effets.

A- SUR L'ADMINISTRATION

Le juge ne peut qu'annuler l'acte entrepris. Là s'arrête son office. Il se trouve ainsi dessaisi. Il ne lui appartient pas de substituer sa décision à l'acte administratif annulé. N'étant pas le supérieur hiérarchique de l'autorité administrative, il ne lui est pas permis de lui imposer une obligation de faire. 

Il incombe à l'administration de tirer les conséquences nécessaires de l'annulation juridictionnelle de ses actes. Il renvoie devant l'administration pourvoir ordonner les mesures d'exécution que commande sa décision.

Le juge peut cependant insérer une injonction dans une décision rendue au principal. Il arrive parfois au juge de conseiller à l'administration de provoquer l'intervention du législateur, au cas où il est impossible d'exécuter la décision sans porter atteinte à des droits acquis.

1- Devoirs de l'administration

Elle doit exécuter la décision en prenant les mesures qui s'imposent : verser les indemnités, satisfaire une demande reconnue par le juge comme légitime, occuper la fonction qu'on lui a refusé illégalement, retrouver le terrain qu'on lui a arbitrairement retiré, faire ce qui lui a été interdit à tort... elle ne peut procéder à l'exécution de l'acte annulé, sous peine de commettre une illégalité ou éventuellement une voie de fait si l'administration refuse d'exécuter, un nouveau recours, en indemnité, est possible. Le requérant peut aussi solliciter le prononcé d'une injonction, au besoin, une astreinte.

2- Possibilités offertes à l'administration

L'administration peut refaire des actes annulés pour incompétence ou vice de forme, en respectant cette fois correctement les règles applicables. L'annulation peut commander celle d'autres actes, qui appliquaient le premier et dont la survie autonome ne se conçoit pas. L'obligation d'exécuter conduit parfois à la prise d'un acte positif ou à reconstituer la carrière de fonctionnaires. Mais si une autorité administrative se heurte à des difficultés d'exécution, elle peut, par requête, demander au président du Conseil d'Etat, les mesures adéquates.

B- EFFETS SUR D'AUTRES ORGANES

1- Sur le juge qui a statué

En rendant sa décision, le juge opère dessaisissement. Il épuise son pouvoir de juridiction et ne peut revenir sur son jugement. Cette règle comporte des tempéraments : si le juge a commis une erreur matérielle, une partie peut lui demander de la rectifier.

En France, lorsque le président d'un tribunal administratif constate que la minute d'un jugement ou d'une ordonnance est entachée d'une erreur ou d'une omission matérielle, il peut y apporte les corrections que la raison commande (C. just. Adm., art. R. 741-11).

2- Sur les autres juridictions

Une juridiction administrative saisie de la même affaire doit prononcer un non-lieu à statuer. Lorsqu'est formé un recours pour excès de pouvoir et soulevée concomitamment une exception d'illégalité devant le juge judiciaire répressif, le juge pénal peut, si le recours pour excès de pouvoir est rejeté, déclarer l'acte légal ou au contraire l'estimer illégal. Si l'acte est annulé, le juge judiciaire est en revanche tenu par l'autorité de la chose jugée et doit relaxer, car la poursuite manque de base légale.

3- l'égard des tiers

Les tiers ne peuvent plus ni invoquer ni attaquer un acte administratif annulé. Mais leurs intérêts peuvent avoir été lésés par la décision (annulation d'un concours) et ils peuvent donc former une tierce opposition.

4- l'égard du législateur

Le législateur peut, dans une certaine mesure, régulariser a posteriori ce qui a été annulé. Le Conseil constitutionnel considère comme inconstitutionnel la validation a posteriori mais admet à validation préventive, à condition qu'elle ne soit pas rétroactive en matière pénale et vise à préserver le fonctionnement continu des services publics ou le déroulement normal des carrières du personnel.

III- EXECUTION

Le Conseil d'Etat dispose d'armes juridiques, telles que le pouvoir d'injonction, d'astreinte et de sanction, gages d'une justice administrative effective et efficace, à même de lui permettre de combattre victorieusement le retard, la mauvaise volonté ou la rébellion de certaines autorités administratives qui refuseraient de s'incliner devant l'autorité de la chose jugée pour lui donner effectivité. 

La garantie de l'Etat de droit ne suppose-t-elle pas que le juge dispose de pouvoirs adéquats pour assurer l'effectivité de ses décisions ? La réponse à une telle question ne peut qu'être positive. Le respect de la chose jugée à travers ces mécanismes fait obstacle aux dérives et comportements qui défigurent l'Etat de droit.

Injonction plus astreinte, le juge administratif, plus précisément le Conseil d'Etat est aujourd'hui pleinement armé.

L'exécution ne peut avoir lieu qu'à partir de la notification de la décision aux parties à leurs domiciles réels ou élu par le greffier en chef ou par la partie la plus diligente (art. 105). D'une manière générale, la notification fait courir les délais de recours et permet l'exécution forcée de la décision.

IV- INJONCTIONS

La loi n° 2018-978 du 27 décembre 2018 déterminant les attributions, la composition, l'organisation et le fonctionnement du Conseil d'Etat, reconnaît un pouvoir d'injonction au juge administratif, pour l'exécution de ses décisions, lui permettant de vider les litiges en imposant des obligations aux personnes publiques ou aux personnes privées chargées d'un service public. 

Avec le pouvoir d'injonction, le juge administratif peut désormais non seulement dire le droit, mais aussi commander aux autorités publiques d'y satisfaire. Cette compétence d'injonction est concrètement aménagée aux articles 102 à 104 de loi sur le Conseil d'Etat.

Ainsi, lorsque les arrêts impliquent nécessairement qu'une personne de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, le Conseil d'Etat, saisi de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure, assortie, le cas échéant, un délai d'exécution. Il en est de même lorsqu'il s'agit pour la personne de droit public ou l'organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public, de prendre à nouveau une décision, après une nouvelle instruction.

Cela signifie que lorsque la décision du juge (arrêt du Conseil d'Etat) implique des mesures d'exécution « dans un sens déterminé », le juge les prescrira dons désormais expressément et directement, avec le « cas échéant » un délai d'exécution. C'est l'hypothèse simple, par exemple : pour une communication de document administratif, pour la réintégration d'un fonctionnaire irrégulièrement évincé ou d'un candidat reçu à un concours et radié à tort ; ce pourrait être aussi l'injonction de résolution de contrats illégaux, ou d'édiction des mesures réglementaires indispensables. 

A ce titre, le juge aura certes éventuellement à réaliser un examen approfondi et subtil de ce que la décision « implique nécessairement », et qui est en droit à la fois nécessaire et possible. A défaut que ces prescriptions soient possibles, s'agissant par exemple d'annulations de refus irréguliers mais sans que le droit du demandeur soit formellement établi, il pourrait revenir au juge de l'exécution d'enjoindre en tout cas à l'autorité de statuer à nouveau « après une nouvelle instruction ».

L'injonction et aussi l'astreinte qui la soutient peuvent en effet être désormais concomitants à la décision qu'elles visent. C'est tout le sens de l'article 104 de la loi sur le Conseil d'Etat quand il indique que les pouvoirs d'injonctions des articles 102 et 103 peuvent être assorti d'une astreinte qui n'exclut pas par ailleurs le prononcé de dommages et intérêts.

V- ASTREINTES

Il est désormais possible au juge administratif de prononcer au service de la chose jugée, des astreintes pécuniaires contre les personnes publiques (ou des organismes privés chargés d'un service public). Selon la formule classique : ainsi, on frappe le portefeuille pour atteindre la volonté.... Il s'agit de condamnation indemnitaire prononcée à l'encontre d'une personne publique. Tout comme l'injonction, l'astreinte fait ainsi son entrée dans le contentieux administratif ivoirien. Les articles 107 et 108 de la loi sur le Conseil d'Etat sont assez édifiants à ce propos. 

Pour le premier article (107), lorsqu'une autorité administrative manifeste au bénéficiaire d'un arrêt son refus de l'exécuter ou en cas d'inexécution d'un arrêt, trois mois après sa notification, le président du Conseil d'Etat, fixe s'il y a lieu un délai d'exécution assorti d'astreinte comminatoire d'un montant supérieur ou égal à un million de francs CFA. 

Et lorsqu'il s'avère que l'inexécution totale ou partielle d'un arrêt rendu par le Conseil d'Etat est due aux agissements d'un agent ou d'une autorité administrative, le Conseil d'Etat peut engager la responsabilité personnelle de ce dernier et prononcer à son encontre une condamnation pécuniaire qui ne peut être inférieure à la somme de 500 000 francs CFA.



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