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Article de doctrine : Voici les véritables dangers du mariage de façade pour les personnes s'adonnant à cette pratique

Franck-Willy Franck-Willy
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Article de doctrine : Voici les véritables dangers du mariage de façade pour les personnes s'adonnant à cette pratique
Article de doctrine : Voici les véritables dangers du mariage de façade pour ceux qui s'adonnent à cette pratique

Il est très fréquent d'observer surtout dans les pays occidentaux le phénomène des mariages de façade dénués de toute volonté de vie conjugale. 

Il s'agit de mariages contractés à des fins purement utilitaires. Le plus souvent pour obtenir un titre de séjour ou une nationalité, des avantages financiers, fiscaux, ou sociaux, ou encore dans le but de bénéficier d’un héritage ou d’un droit de succession. Bref, les raisons sont nombreuses.

Ce type de mariage est communément connu sous l'appellation de mariage à blanc ou union de façade.

Dans la suite de cet article, vous saurez davantage sur les conséquences juridiques qui peuvent se relever comme de véritables dangers pour les personnes qui s'adonnent à cette tromperie.

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Cet article de doctrine est de M. YAPO Daniel, Magistrat Juge au Tribunal de Première Instance d’Abidjan Co-fondateur de LEXFORMGROUP. Il est également contributeur et auteur sur Ivoire-juriste.com.

Le mariage blanc et la qualité de époux nu : entre tromperie et paradoxe juridique

INTRODUCTION

Le mariage, traditionnellement perçu comme l’union de deux individus désireux de partager leurs vies, constitue une institution sociale et juridique clé. Le mariage est une institution vivante, qui a la charge d’incarner un idéal social à une époque donnée. Produit de l’histoire de notre société, le mariage a ainsi beaucoup évolué au cours des siècles passés.

Ainsi que le rappelle Jean-Claude Bologne dans son ouvrage Histoire du mariage en Occident, « en deux mille ans d’histoire, l’institution du mariage aura accompagné toutes les mutations de la civilisation occidentale », l’auteur ajoutant que « le mariage a été et demeure un miroir fidèle de la société ».

Dans son ouvrage Le chevalier, la femme et le prêtre, l’historien Georges Duby écrivait à propos du mariage que : « c’est par l’institution matrimoniale, par les règles qui président aux alliances, par la manière dont sont appliquées ces règles, que les sociétés humaines, celles mêmes qui se veulent les plus libres ou qui se donnent l’illusion de l’être, gouvernent leur avenir, tentent de se perpétuer dans le maintien de leurs structures, en fonction d’un système symbolique, de l’image que ces sociétés se font de leur propre perfection ».

Cependant, cette conception se trouve parfois détournée à des fins purement utilitaires, donnant naissance à ce que l'on appelle le "mariage blanc". Cette pratique, éloignée de toute rareté au sein de notre État, soulève de nombreuses questions juridiques, notamment en ce qui concerne la validité du lien matrimonial et ses effets sur les droits et obligations des époux.

Parmi les problématiques les plus complexes figure celle de la "qualité de époux nu", un concept qui, en droit, met en lumière le paradoxe d’un mariage où la substance fait défaut mais où les conséquences juridiques demeurent.

I. LE MARIAGE BLANC : APPROCHE ANALYTIQUE

A. La Définition du Mariage Blanc

Bien que n’ayant pas été défini par aucun texte, le mariage blanc se distingue par l'absence d'intention matrimoniale réelle. Il s’agit d'une union contractée pour des raisons étrangères à la volonté de construire une vie commune.

Souvent, ce type de mariage est motivé par des considérations liées à l'immigration, où l'un des époux cherche à régulariser sa situation en obtenant un titre de séjour ou une nationalité. D’autres motivations peuvent inclure des avantages financiers, fiscaux, ou sociaux, ou encore la volonté de bénéficier d’un héritage ou d’un droit de succession.

B. Les Conséquences Juridiques du Mariage Blanc

Le mariage blanc, bien qu'il soit célébré dans les formes prescrites par la loi, est entaché d'une fraude qui peut en affecter la validité. En droit civil français, en ce qui concerne la nécessité pour les époux d'avoir une intention matrimoniale pour contracter un mariage, la Cour de cassation s'est exprimée dans son arrêt Appietto du 20 novembre 1963. 

Il ressort de cet arrêt que pour déterminer si un mariage est fictif, il convient de se demander si les époux recherchaient exclusivement ses effets secondaires – auquel cas la nullité est encourue – ou s’ils recherchaient également ses effets primaires, en conséquence de quoi l’union est alors parfaitement valide.

Cette appréciation du défaut d’intention matrimoniale a parfaitement été exprimée par la Cour d’appel de Paris qui, dans un arrêt du 11 juin 1974, a précisé que « un mariage est nul, faute de consentement, lorsque les époux ne se sont prêtés à la cérémonie qu’en vue d’un effet secondaire du mariage, étranger aux buts de l’institution, avec la volonté délibérée de se soustraire à toutes ses autres conséquences légales ».

Eu égard à la conception plus ou moins contractuelle du mariage, cela peut conduire à une action en nullité du mariage, fondée sur le défaut de consentement véritable des époux. 

Le mariage peut également être annulé sur la base du dol, si l'un des époux a été induit en erreur quant à la véritable intention de son conjoint.

En droit ivoirien, le mariage est une institution et ne peut être annulé que pour l’une des causes expressément prévues par la loi. Dans cet élan, les articles 4 et 5 de la loi n° 2019-570 du 26 juin relative au mariage posent la nécessité du consentement des époux. Ce consentement doit, pour être valable, être intègre et sérieux.

L’annulation peut alors être fondée sur le défaut de consentement sincère, considéré comme un vice du consentement, ou sur la fraude si l’un des époux a trompé l’autre ou l’autorité publique en dissimulant ses véritables intentions.

Ainsi, le Juge ivoirien, en vertu de sa mission de protection de l’ordre public et du caractère institutionnel du mariage, peut prononcer l’annulation d’un mariage blanc.

Sur le plan pénal, le mariage blanc peut constituer une infraction, notamment en matière d'escroquerie ou même de faux en écriture. Les époux peuvent également être poursuivis pour usage de faux, ou pour délivrance indue de documents administratifs si des documents falsifiés ont été utilisés pour célébrer le mariage ou de fausses déclarations ont été faites pour obtenir des avantages induits.

C. Les Implications Sociales et Politiques

Au-delà des conséquences juridiques, le mariage blanc soulève des préoccupations sociales et politiques. Il est souvent perçu comme une menace pour l’intégrité du mariage en tant qu'institution, et suscite des débats sur les politiques migratoires et les systèmes de protection sociale. 

Les autorités publiques ivoiriennes, conscientes des enjeux, intensifient les contrôles pour détecter et sanctionner ces mariages fictifs.

Ainsi, a été édictée la loi n° 2024-236 du 24 avril 2024 modifiant la loi n° 61-415 du 14 décembre 1961 portant code de la nationalité.

Avec cette nouvelle loi, le mariage d’un(e) étranger(e) avec un (e ) ivoirien(ne) ne confère plus automatiquement la nationalité ivoirienne au conjoint étranger. Il faut désormais la réunion de conditions strictes.


Il convient principalement de considérer, en premier lieu, la nécessité de procéder à une déclaration en vue d'acquérir la nationalité ivoirienne, après l'écoulement d'une période de cinq ans, en principe, suivant la célébration du mariage. Par la suite, il est requis de fournir la preuve de la continuité de la vie commune, laquelle peut être établie par tout moyen adéquat.

Enfin, il faut la conservation de la nationalité ivoirienne par le conjoint ivoirien.

Par ailleurs, la volonté du législateur ivoirien de faire obstacle aux mariages fictifs peut se percevoir également à travers l’article 12 de la loi de 2022 relative au divorce et à la séparation de corps, qui prévoit que le conjoint étranger qui a acquis la nationalité ivoirienne par le mariage perd de plein droit celle-ci en cas de divorce par consentement mutuel intervenu avant l’expiration de la dixième année de mariage.

II. LA QUALITÉ DE ÉPOUX NU : UNE FICTION JURIDIQUE ?

A. La Notion de « l’Époux nu »

Le terme "époux nu" désigne un époux qui, malgré l’apparence formelle du mariage, n’exerce aucune des prérogatives et n’assume aucune des obligations habituellement liées à cette union. Il se retrouve ainsi dans une situation paradoxale où, bien que marié en droit, il ne jouit pas des droits attachés à cette qualité, ni n'est tenu de respecter les devoirs du mariage.

Cette notion trouve son origine dans la doctrine civiliste, qui s’interroge sur la nature et l’essence du mariage. Dans un mariage blanc, les époux ne partagent ni vie commune, ni assistance mutuelle, ni contributions aux charges du mariage.

Cette situation crée un vide juridique, car les époux sont dépourvus de la substance même de leur union, tout en demeurant mariés.

B. Les Conséquences Juridiques pour « l’Époux nu »

La qualité de époux nu peut avoir des conséquences juridiques significatives, notamment en matière de divorce et de succession.

En cas de divorce, l’époux nu pourrait voir ses droits réduits, notamment en ce qui concerne le partage des biens ou la prestation compensatoire.

De plus, en matière successorale, l’époux survivant pourrait se voir déchu de ses droits si l’intention frauduleuse du mariage est démontrée.

Les juges sont souvent confrontés à la difficulté d’apprécier l’intention des époux au moment du mariage. Les preuves d'une absence de vie commune, de communications restreintes, ou de transactions financières anormales peuvent être utilisées pour établir la nullité du mariage. 

Cependant, même si le mariage blanc est avéré, les droits des époux ne sont pas automatiquement annulés, ce qui crée une situation juridiquement délicate.

C. Les Débats Jurisprudentiels et Doctrinaux

La question de la qualité d’époux dans un mariage blanc, que nous qualifions de «époux nu » dans cette analyse juridique, fait l'objet de débats intenses au sein de la doctrine et de la jurisprudence françaises.

Cependant, ce débat en est encore à un stade embryonnaire en Côte d’Ivoire.

Certains plaident pour une réévaluation des critères de validité du mariage, soutenant que la réalité du lien matrimonial devrait primer sur sa simple apparence.

D’autres, en revanche, estiment que la sécurité juridique exige de maintenir une distinction stricte entre la validité formelle du mariage et l’analyse des relations personnelles entre époux.

III. LES PERSPECTIVES DE RÉFORME ET LES DÉFIS À VENIR

A. Vers une reconsidération du concept de Mariage ?

Face à la complexité croissante des relations matrimoniales et à l’émergence de pratiques comme le mariage blanc, certains juristes proposent de repenser le cadre légal du mariage.

L’introduction de critères plus stricts pour la reconnaissance du mariage, incluant des preuves de cohabitation réelle ou de contributions communes, pourrait constituer une piste pour éviter les abus.

Toutefois, l'une des difficultés réside dans la conception religieuse du mariage. En effet, les principes religieux fragilisent cette proposition, dans la mesure où plusieurs religions proscrivent la cohabitation des époux avant le mariage.

Certains juristes suggèrent une contractualisation pure et simple du mariage, permettant ainsi d’annuler une telle union sur le fondement des causes de nullité des contrats définies par le code civil ivoirien.

B. Les nouveaux défis posés par le Mariage Blanc

Avec l’évolution des sociétés et la mondialisation croissante, le mariage blanc pose de nouveaux défis juridiques et éthiques.

Les autorités législatives et judiciaires doivent trouver un équilibre entre la lutte contre la fraude et le respect des droits fondamentaux des individus, notamment le droit au mariage et à la vie privée.

La lutte contre le mariage blanc ne doit pas se transformer en une chasse aux sorcières, mais plutôt en une régulation juste et proportionnée.

CONCLUSION

Le mariage blanc et la qualité « d’époux nu » mettent en lumière les limites du droit face à des pratiques détournées de leur sens originel. Ce phénomène illustre un paradoxe fondamental : l'institution du mariage, censée reposer sur des engagements mutuels sincères, peut être vidée de son contenu tout en conservant une façade de légitimité.

La qualité d’époux nu, en tant que fiction juridique, pose un défi de taille aux juristes, appelant à une réflexion approfondie sur la nature même du mariage et sur les moyens de protéger cette institution contre ses propres dévoiements.

C'est ici que s'achève cet article de doctrine sur le mariage blanc de YAPO Daniel, magistrat. Que pensez vous du mariage blanc ? N'hésitez pas à nous laissez un commentaire sous cet article.


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