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Article de doctrine : Est-on propriétaire des constructions, ouvrages ou plantations réalisées sur un terrain qui n'est pas réellement le nôtre ?

Franck-Willy Franck-Willy
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Article de doctrine : Est-on propriétaire des constructions, ouvrages ou plantations réalisées sur un terrain qui n'est pas réellement le nôtre ?
La bonne foi dans l’article 555 du code civil


À qui appartiennent vraiment les constructions, ouvrages ou plantations réalisées sur un terrain qui ne nous appartient pas alors qu'on croyait être propriétaire ? 

Le propriétaire (qu'il ait donné son consentement ou pas) d'un terrain, peut-il revendiquer les constructions ou plantations réalisées par d'autres personnes sur ce terrain ?

Cet article de doctrine est de ESSEHI Eba François, Magistrat, Juge au Tribunal de Première Instance d’ABIDJAN ; Co-fondateur des COURS SOS REDACTION ; Co-auteur du GUIDE DE REDACTION DES EXERCICES JURIDIQUES.

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C'est l'article 555 du code civil ivoirien qui vient apporter une brique de réponse à un tel questionnement. La pertinence d'un tel article a tout son sens à l'heure des arnaques de vente de terrain à plusieurs personnes en Côte d'Ivoire.

L’article 555 du Code civil a été institué dans l’optique de régler les litiges entre propriétaires de fonds et les tiers, qui parfois en connaissance de cause ou dans l’ignorance totale de la fragilité des droits par eux détenus, font des constructions, ouvrages ou plantations sur des fonds qui ne leur appartiennent pas. 

Cette disposition a le mérite de préserver tant les droits du propriétaire que ceux du tiers constructeur, en ce qu’elle permet au premier de conserver la propriété de son fonds tout en laissant subsister la possibilité pour le second quand il est de bonne foi et parfois même quand il ne l’est pas, d’obtenir remboursement des sommes investies pour la mise en valeur du fonds. Ainsi, dans une certaine mesure, l’article 555 permet de concilier les intérêts antagonistes du propriétaire et du tiers constructeur. 

Aujourd’hui plus que jamais, cet article, avec la recrudescence, en COTE D’IVOIRE, des conflits fonciers, a de l’intérêt, même si sa rédaction actuelle, qui résulte de la version originelle du Code civil français de 1804, pose parfois des difficultés d’interprétation. 

En dépit de son aspect pragmatique, il convient, cependant, de ne pas omettre que l’article 555 demeure une disposition à valeur supplétive, de sorte que les parties peuvent y déroger par voie de convention. Ainsi, le juge ne peut s’y référer que lorsque les parties n’ont pas réglé le sort des constructions, ouvrages ou plantations par convention.

LA BONNE FOI DANS L’ARTICLE 555 DU CODE CIVIL 

Dans son Traité des injures dans l’ordre judiciaire, publié en 1775, Maitre François DAREAU, Avocat au Parlement et au Praesidial de la Marche à Guéret relevait que « il est de première maxime en ce genre qu’il n’y a point d’injure où il n’y a point d’intention d’injurier (…), si au contraire, je m’attache à tourner quelqu’un en ridicule (…), je deviens coupable. Je ne le suis pas si, dans ce que je dis ou ce que je fais, il n’y a que de la bonne foi (…), il faut que cette bonne foi se présume d’elle-même par les circonstances, autrement je dois la prouver ».

Dans ce passage, Maitre François DAREAU lève un coin de voile sur la bonne foi et rappelle qu’elle doit être prise en compte dans le jugement porté sur les agissements de l’être humain. En effet, l’auteur, abordant la question spécifique de l’injure, et mettant celle-ci en lien avec la bonne foi, relève qu’il ne saurait avoir d’injure lorsque celui qui la profère est animé par la bonne foi. Autrement dit, la bonne foi étant intimement liée à l’intention ou à la volonté d’agir, une injure ne peut être considérée comme telle si celui qui l’a proférée était animé de bonne foi.

Définie traditionnellement comme la croyance qu'a une personne de se trouver dans une situation conforme au droit, et la conscience d'agir sans léser les droits d'autrui, la bonne foi permet de juger les agissements de l’homme et d’appréhender le but véritable attaché à chacun de ses actes.

Construction purement prétorienne remontant à l’antiquité, la bonne foi va progressivement évoluer pour s’ériger en concept juridique présent à ce jour dans tous les domaines du droit, notamment en droit pénal et civil.

En matière pénale, la jurisprudence a construit la notion de bonne foi sur le fondement de l’intention coupable ou « dol criminel », élément essentiel à la réalisation de toute infraction. C’est d’ailleurs en ce sens que l’article 94-1 du Code pénal ivoirien dispose qu’« il n’y a pas de délit ou de crime sans intention de le commettre, sauf si la loi en dispose autrement ». À travers ce texte, le législateur ivoirien pose le principe selon lequel la responsabilité pénale ne peut être engagée que si l’auteur des faits avait, en toute conscience, la volonté de commettre l’acte incriminé par la loi. 

En d’autres termes, l’auteur d’un acte par essence répréhensible n’engage en principe pas sa responsabilité pénale s’il estime avoir agi en conformité avec le droit, et avec la conscience de ne léser les droits des autres. Une telle conception se comprend aisément, car « ce qui rend une action punissable, c’est l’intention de son auteur et le mal qu’il a fait ou a voulu faire à un individu ou à la société ». 

En France par exemple, la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse faisait déjà référence, de manière implicite à la bonne foi. Cette loi dispose en article 35 bis que « toute reproduction d’une imputation qui a été jugée diffamatoire sera réputée faite de mauvaise foi, sauf preuve contraire de son auteur ». 

Il s’induit de cette disposition que le délit de diffamation par voie de presse ne peut être constitué si la personne à qui ce chef de poursuite est imputé rapporte la preuve de sa bonne foi. Ainsi, dès 1881, le législateur français a institué une excuse absolutoire de bonne foi. Le caractère absolutoire de cette excuse résulte du fait que lorsque la bonne foi est retenue, l’infraction ne peut être constituée.


En de telles occurrences se pose la préoccupation de la préservation des droits du véritable propriétaire du fonds, mais également ceux de l’auteur des constructions ou plantations, étant entendu que ce dernier à lui-même acquis le bien immobilier en cause auprès d’un tiers. En principe, une telle équation ne devrait même pas exister, tant les articles 544 et 545 du Code civil posent le principe du caractère absolu et inaliénable du droit de propriété. Ainsi, en cas de conflit entre le propriétaire d’un fonds et le tiers qui y a édifié des constructions ou ouvrages, la prééminence devrait être accordée au propriétaire et seuls les droits de ce dernier mériteraient d’être préservés.

Cependant, en pratique, l’équation n’est pas si simple à résoudre, car s’il faut préserver les droits du propriétaire, il ne faut pas non plus perdre de vue la situation du tiers et le sort des ouvrages, constructions ou plantations faits par ce dernier. Pour parvenir à un équilibre entre ces droits et intérêts aux antipodes les uns des autres, le législateur fait une fois de plus intervenir le concept de bonne foi.

Ce recours du législateur à la notion de bonne foi pour régler les conflits surgissant entre propriétaire et tiers constructeur s’aperçoit dans les termes de l’article 555 du Code civil. En effet, il ressort, en partie, des termes de cet article que « Néanmoins, si les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers évincé, qui n'aurait pas été condamné à la restitution des fruits, attendu sa bonne foi (…) ». Ainsi, la notion de bonne foi tient une place de choix dans l’article 555 du Code civil.

Au fil des années, la jurisprudence a précisé le contenu de cette notion de bonne foi en matière d’accession relativement aux choses immobilières (I). Par ailleurs, lorsque la bonne foi est retenue ou rejetée par le juge, cette décision recèle des implications, qui sont précisées par l’article 555 du Code civil, dont le contenu a progressivement fait l’objet d’un affinement grâce au pouvoir prétorien du juge (II).

I. LE CONTENU DE LA NOTION DE BONNE FOI

Aux termes de l’article 555 du Code civil de 1804, dans sa version encore applicable en droit ivoirien « Lorsque les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers ou avec ses matériaux, le propriétaire du fonds a droit ou de les retenir, ou d'obliger ce tiers à les enlever. 

Si le propriétaire du fonds demande la suppression des plantations et constructions, elle est aux frais de celui qui les a faites, sans aucune indemnité pour lui ; il peut même être condamné à des dommages-intérêts, s'il y a lieu, pour le préjudice que peut avoir éprouvé le propriétaire du fonds.

Si le propriétaire préfère conserver ces plantations et constructions, il doit le remboursement de la valeur des matériaux et du prix de la main-d'œuvre, sans égard à la plus ou moins grande augmentation de valeur que le fonds a pu recevoir. Néanmoins, si les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers évincé, qui n'aurait pas été condamné à la restitution des fruits, attendu sa bonne foi, (…). »

L’article précité, qui fait référence à la notion de bonne foi pour régler le sort des constructions, plantations et ouvrages faits par un tiers  sur le fonds appartenant à autrui, ne définit cependant pas cette notion et n’en donne pas son contenu. 

Une telle situation pourrait laisser croire que le législateur n’a pas entendu, en matière d’accession immobilière, donner une définition spéciale à cette notion, de sorte qu’elle devrait être appréhendée dans son acception classique comme étant « la croyance qu'a une personne de se trouver dans une situation conforme au droit, et la conscience d'agir sans léser les droits d'autrui. » Cependant, tel n’est pas le cas, et l’œuvre prétorien du juge va confirmer cette thèse.


En effet, la Cour de cassation française, à travers plusieurs décisions caractérisées par leur constance, va préciser le contenu de la notion de bonne foi prévue par l’article 555 du Code civil. Ainsi, selon ladite Cour « le terme de bonne foi employé par l’al. 4 de l’art. 555 s’entend par référence à l’article 550, et ne vise que celui qui possède comme propriétaire en vertu d’un titre translatif de propriété dont il ignore les vices ». 

Une telle acception donnée au concept de bonne foi procède d’une appréciation stricte que le législateur a entendu faire de cette notion (A). Néanmoins, dans certaines circonstances, les juridictions ivoiriennes font une souple appréciation de la notion de bonne foi (B).

A. L’appréciation stricte de la notion de bonne foi

Comme ci-dessus rappelé, la Cour de cassation française a défini la bonne foi employée par l’article 555 du Code civil en opérant un renvoi à l’article 550 du même Code. Aux termes de cet article « Le possesseur est de bonne foi quand il possède comme propriétaire, en vertu d'un titre translatif de propriété dont il ignore les vices.

Il cesse d'être de bonne foi du moment où ces vices lui sont connus. »

Ainsi, au sens de l’article 550 du Code civil, peut valablement invoquer sa bonne foi dans le cadre de l’application de l’article 555, le tiers qui a réalisé des constructions, ouvrages ou plantations sur le terrain du véritable propriétaire en ayant en sa possession, en moment de leur réalisation, un titre ou un acte qui au sens de législation en vigueur, est de nature à opérer à son profit un transfert des droits réels immobiliers afférents au fonds sur lequel les travaux ont été réalisés. 

Il en résulte qu’au sens de l’article 550, le seul critère de la bonne foi réside dans la possession par le tiers constructeur, d’un titre translatif de propriété. Cette appréciation de la notion de bonne foi est très stricte, et exclut la possibilité pour le tiers de faire la preuve de sa bonne foi par d’autres moyens.


À titre d’illustration, peuvent être considérés, en droit ivoirien, comme des titres translatifs de propriété, dans l’acception de l’article 550 du Code civil, les titres définitifs de propriété que sont l’arrêté de concession définitive, le Certificat de mutation de propriété foncière et le Certificat de propriété. Peut également constituer un titre de propriété, l’acte authentique de cession d’un terrain ayant fait l’objet d’un titre de propriété. À côté de ces titres, il est également admis les titres intermédiaires délivrés par l’Administration, notamment l’Arrêté de concession provisoire et la lettre d’attribution. 

Ainsi, le tiers qui peut invoquer sa bonne foi, après avoir édifié des constructions sur une parcelle appartenant à autrui, doit rapporter la preuve qu’il détenait au moment de la réalisation des constructions l’un des titres susvisés. La Troisième Chambre civile de Cour de cassation française, dans son arrêt n°12-15.916, rendu le 17 décembre 2013, a précisé que le titre auquel l’article 550 du Code civil fait référence « s'entend uniquement d'un titre de propriété du sol sur lequel la construction est établie ».

A contrario, le tiers qui a réalisé des constructions sur le terrain d’autrui en vertu d’une attestation villageoise, tout autre acte délivré par les autorités villageoises ou d’un acte sous seing privé censé constater la cession ou la transmission de droits réels immobiliers, ne peut, en application de l’article 550 du Code civil, invoquer sa bonne foi. Cela est amplement justifié, ce d’autant que ces actes de nature privée ne peuvent opérer le transfert de propriété d’un bien immeuble. 

Dès lors, au regard de l’article 550 du Code civil, un tiers qui détient une attestation villageoise, peu importe les circonstances, ne pourra en principe être déclaré de bonne foi, car ne possédant pas le fonds en vertu d’un titre translatif de propriété.

Cette conception stricte de la notion de bonne foi a été retenue dans plusieurs affaires par les juridictions ivoiriennes. En effet, dans une espèce, la Chambre judiciaire de la Cour suprême a jugé que « Attendu cependant qu'en statuant ainsi alors que l'annulation de l'acte de cession à laquelle K. a librement consenti au profit de B. ne peut faire perdre à ce dernier la qualité de constructeur de bonne foi, la Cour d'Appel a, par insuffisance de motifs, manqué de donner une base légale à sa décision ;

Sur l’évocation

Attendu qu'il est constant que K., en portant à la connaissance du Ministre de la Construction et de l'urbanisme qu'il avait cédé le lot n°608 à B., entendait confirmer à celui-ci le droit d'occuper ledit lot ; Que le fait pour lui de faire légaliser la lettre de cession est l'expression de cette volonté ; Que de même, la durée de la jouissance des lieux occupés par le demandeur depuis 1989 atteste de la bonne foi de celui-ci, et qu'à ce titre, doit bénéficier des stipulations de l'article 555 du Code civil »  ;

Pour retenir la bonne foi du tiers évincé, dans l’espèce susvisée, la Cour suprême se fonde sur le fait que ce dernier détenait un acte de cession, qui avait même été légalisé par le propriétaire du lot, lequel propriétaire avait porté cet acte de cession à la connaissance du Ministre de la Construction et de l’Urbanisme. La Haute Cour retient que dans ces conditions, même l’annulation postérieure de l’acte de cession ne pouvait faire perdre la qualité de tiers de bonne foi à Monsieur B., qui au demeurant occupait le lot litigieux depuis plusieurs années.

Dans une autre espèce, la Cour Suprême a réaffirmé sa position en faveur de la conception stricte de la bonne foi en jugeant, le 07 avril 2005, que « Mais attendu que la bonne foi dont se prévaut A Va ne vise au sens de l’article 555 que celui qui possède comme propriétaire en vertu d’un titre translatif de propriété dont il ignore les vices ; qu’en l’espèce non seulement 

A Va ne détient aucun titre de cette nature sur la parcelle sur laquelle il a planté ses agrumes, mais encore A Ad dont il prétend détenir l’autorisation d’occuper ladite parcelle lui a signifié explicitement qu’il n’était pas propriétaire de ces lieux ainsi qu’il ressort de sa déposition consignée aux débats ; qu’ayant sciemment mis en valeur un terrain qui ne lui appartient pas, sa mauvaise foi est établie ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la Cour d’Appel n’a pas violé l’article 555 alinéa 4 du Code civil » .

L’appréciation stricte de la bonne foi a souventes fois été retenue par le Tribunal de Première Instance d’ABIDJAN, dans des espèces plus récentes. Dans l’une d’entre elles, ladite juridiction a ainsi motivé sa décision pour rejeter la bonne foi alléguée par le défendeur « En l’espèce, il ressort des précédents développements que les lots 5 et 7 sis à Abidjan Cocody M’Badon, objet du Titre foncier 112852 de Bingerville appartiennent à Madame KEITA épouse COULIBALY Fanta, qui y détient un Certificat de propriété ; 

Il est également constant que sans titre ni droit, sur le fondement d’une attestation de cession datée du 11 juin 1999, Monsieur KOUASSI Bertin occupe lesdits lots et y a édifié des constructions ;
Le défendeur conteste le bien-fondé de la demande en démolition formée par Madame KEITA épouse COULIBALY Fanta, au motif qu’il est de bonne foi, ce d’autant qu’il détient une attestation villageoise à lui délivrée par le propriétaire terrien, le tout ajouté au fait que sa lettre d’attribution a été confirmée par les autorités du village de M’Badon informées du litige qui l’oppose à la demanderesse ;

Relativement, à la bonne foi alléguée par Monsieur KOUASSI Bertin, il convient de relever qu’il est constant, ainsi que ce dernier l’a d’ailleurs reconnu qu’à compter de l’année 2010, il a eu connaissance de l’existence de Madame KEITA épouse COULIBALY Fanta et des droits revendiqués par cette dernière sur les lots objet du Titre foncier 112852 de Bingerville ;

Outre cette information, il est constant que le 04 février 2010, le Ministère de la Construction, de l’Urbanisme et l’Habitat, par l’entremise de sa Direction des Affaires Juridiques et du Contentieux a délaissé, par voie d’huissier de justice, une mise en demeure au défendeur d’avoir a cessé les constructions par lui entrepris sans permis de construire sur les lots 5 et 7 de l’îlot 1, qu’il occupe d’ailleurs sans titre ni droit ; il ressort des énonciations de l’exploit de notification que la mise en demeure dont s’agit a été remise au gardien du défendeur trouvé sur le site;

Par ailleurs, le 16 mars 2012, le Ministère susmentionné a de nouveau servi une mise demeure à Monsieur KOUASSI Bertin d’avoir à démolir les constructions par lui édifiées sans permis de construire sur la parcelle objet du Titre foncier 112852 de Bingerville, propriété de la demanderesse ;

Il s’ensuit que depuis 2010, le défendeur a eu connaissance des droits détenus par la demanderesse sur la parcelle litigieuse et a été sommé d’avoir à cesser les constructions par lui entreprises sur ladite parcelle, en vertu d’une attestation villageoise de cession, dont il connaissait par conséquent les vices ;

Mieux, il ressort du rapport d’expertise du 03 novembre 2016 et du procès-verbal de constat daté du 07 mai 2020, qu’entre 2016 et 2020, et alors même qu’il avait connaissance de la présente procédure et du rejet de son recours en annulation formé contre les titres administratifs détenus par la demanderesse sur les lots litigieux, Monsieur KOUASSI Bertin a poursuivi les travaux de construction par lui entrepris et les a même achevés ;

Il en résulte que c’est au mépris des droits de propriété de la demanderesse que le défendeur, qui ne détient aucun titre de propriété, a poursuivi la construction des ouvrages sur la parcelle litigieuse ;

Dès lors, ce dernier est mal venu à alléguer sa bonne foi, laquelle ne saurait être retenue en l’espèce, au regard de ce qui précède » .

Pour justifier sa bonne foi dans cette espèce, le défendeur a soutenu qu’il détenait une attestation villageoise qui lui avait été délivrée par la chefferie du village de M’BADON, qui avait d’ailleurs confirmé ladite attestation. Mais prenant le contrepied de son argumentation, le Tribunal l’a déclaré de mauvaise foi, car ne détenant aucun titre translatif de propriété, contrairement à la demanderesse, qui avait un Certificat de propriété. En retenant que le défendeur ne détenait pas de titre de propriété, le tribunal a implicitement, mais nécessairement jugé que l’attestation villageoise détenue par le défendeur ne valait pas comme titre translatif de propriété.

En droit comparé, notamment en FRANCE, au SÉNÉGAL et au MALI malien, cette conception stricte de la notion de bonne foi a plusieurs fois été retenue par les juridictions.
En France, par exemple, la Cour de cassation a, dans un arrêt en date du 15 janvier 1971 , jugé que « est de mauvaise foi, au sens de l’art. 555, celui qui construit sciemment sur le terrain qui ne lui appartient pas ». En jugeant ainsi, ladite Cour de cassation retient en réalité la position selon laquelle pour être de bonne foi, le tiers doit posséder en vertu d’un titre translatif de propriété. Dans une autre espèce, ladite Cour a jugé que « Mais attendu qu'ayant exactement retenu que l'article 555 du Code civil est applicable au constructeur de bonne foi, qui possède comme propriétaire en vertu d'un titre translatif de propriété dont il ignore les vices, et relevé que les consorts Z...À..., occupants précaires, ne justifiaient pas d'une possession des terrains litigieux à titre de propriétaire, la cour d'appel, abstraction faite d'un motif surabondant et sans être tenue de procéder à une recherche sur l'existence d'un titre putatif que ses constatations rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision de ce chef » 

Récemment, un arrêt rendu par la Cour de cassation française a définitivement confirmé que cette juridiction est en faveur de l’appréciation stricte de la notion de bonne foi. Les faits de cette espèce méritent d’être rappelés : un père, avec l’autorisation de sa fille, construisit une maison sur le terrain de cette dernière. Après avoir quitté les lieux, le père, sur le fondement de l’article 555 du Code civil, assigna alors sa fille afin d’obtenir une indemnité pour la construction réalisée et financée par ses soins. 

La cour d’appel de POITIERS, par un arrêt du 22 octobre 2019, rejeta sa demande et ordonna la démolition de la maison aux frais du père, au motif principal que l’autorisation de construire, donnée par sa fille, n’était pas suffisante à conférer au père la qualité de tiers constructeur de bonne foi ouvrant droit à l’indemnité sollicitée. 

Le père forma alors un pourvoi en cassation au moyen, d’une part, que l’autorisation litigieuse présumait la bonne foi peu important l’existence d’un titre translatif de propriété dont le père ignorait le vice, et d’autre part, que cette même autorisation constituait une renonciation tacite de sa fille à se prévaloir de son droit à la démolition de l’ouvrage édifié. 

La Cour de cassation devait finalement apprécier si l’autorisation de construire, donnée par la propriétaire d’un terrain (la fille), était suffisante pour caractériser la bonne foi du tiers constructeur (le père) en l’absence de titre translatif de propriété dont ce dernier ignorait les vices. En réponse aux moyens du demandeur au pourvoi, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, dans son arrêt en date du 15 avril 2021, a retenu que « La cour d'appel a constaté que, si Mme [Y] avait autorisé ses parents à construire sur son terrain, M. [P] ne disposait d'aucun titre translatif de propriété. Ayant énoncé, à bon droit, que la bonne foi au sens de l'article 555 du Code civil s'entend par référence à l'article 550 du même code et concerne celui qui possède comme propriétaire en vertu d'un titre translatif de propriété dont il ignore les vices, elle en a exactement déduit, sans être tenue de procéder à une recherche inopérante, que M. [P] n'avait pas la qualité de constructeur de bonne foi et que la démolition requise de l'immeuble en cause devait être ordonnée. Le moyen n'est donc pas fondé. » 

Dans cet arrêt, la Cour de cassation française confirme la stricte appréciation de la bonne foi en matière de construction sur le terrain d’autrui, en ce qu’elle retient que l’auteur des constructions ne peut être qualifié de constructeur de bonne foi que s’il détient un titre translatif de propriété se rapportant au sol sur lequel lesdites constructions ont été réalisées. À ce titre, et comme, c’est le cas dans l’espèce ci-dessus évoquée, même l’autorisation donnée par la fille (propriétaire du terrain) à son père (le constructeur) ne peut suffire à faire de ce dernier un constructeur de bonne foi, en l’absence d’un titre translatif de propriété détenu par celui-ci.

Cette appréciation stricte retenue par la Cour de cassation dans son arrêt du 15 avril 2021, semble en contradiction avec la position retenue par cette même Cour des années plus tôt, dans plusieurs arrêts. En effet, le 03 mai 1983, elle avait jugé que l’autorisation de demander un permis de construire donnée par le propriétaire d’un terrain à une personne désirant l’acquérir peut conférer la bonne foi à cette dernière. 

Dans un autre arrêt rendu le 03 octobre 1990, cette Cour a retenu la bonne foi d’un preneur qui avait réalisé des constructions avec l’autorisation du bailleur. Elle a également retenu la bonne foi d’un autre bailleur qui avait fait des constructions avec l’assentiment des propriétaires sur des terrains donnés à bail et en l’absence de toute convention devant régler le sort de ces constructions.

Au SÉNÉGAL, l’appréciation stricte de la notion de bonne foi a été parfois retenue par les juridictions. La Cour suprême de ce pays, dans une affaire opposant une personne qui a construit par erreur sur le lot d’une autre personne, a jugé que « Mais attendu qu’ayant retenu, par motifs propres et adoptés, que Mme Mbengue était de bonne foi pour avoir construit sa maison sur la parcelle n°313 qui lui avait été dûment attribuée par arrêté n°0035 du 23 février 1998 du maire de la commune d’arrondissement de Mbao avant de se voir notifier 13 ans après qu’elle occupait en réalité la parcelle n°309, ce dont il résulte que l’article 555 du Code civil français était encore applicable, la cour d’appel en a justement déduit, sans contradiction ni dénaturation, que le propriétaire devait être condamné à rembourser le coût des constructions, nonobstant le motif erroné justement critiqué par le moyen ;

Qu’il s’ensuit que le moyen ne peut être accueilli ; » Dans cette espèce, la Cour suprême sénégalaise a retenu la bonne foi de la défenderesse dans la mesure où elle détenait un titre translatif de propriété au moment où elle construisait par erreur sur le lot de la demanderesse au pourvoi ; ce titre translatif de propriété étant l’arrêté délivré à la défenderesse par le Maire sur le lot n°313.

Dans une autre espèce dans laquelle des constructeurs sollicitaient le remboursement de la valeur des constructions par eux édifiées sur le terrain de la société SABLUX RETINA, propriétaire du TF n°15695/NGA, estimant être de bonne foi, la Cour suprême leur a répondu que « Mais attendu qu’ayant relevé que les constructeurs n’avaient produit aucun titre de propriété pour établir leur bonne foi, la cour d’appel a, par des motifs exempts de contradiction et sans renverser la charge de la preuve, légalement justifié sa décision ; »  

La Haute Cour confirme que la bonne foi induit nécessairement la détention par le constructeur d’un titre translatif de propriété. La Cour suprême sénégalaise a confirmé cette position dans un autre arrêt rendu le 16 juillet 2019, en retenant que « Mais attendu qu’au sens des dispositions de l’article 555 du Code civil français, le possesseur de bonne foi est celui qui possède, comme propriétaire, un immeuble en vertu d’un titre putatif, c’est-à-dire un titre translatif de propriété dont il ignore les vices ; 

Qu'ayant relevé qu’Aa A bénéficiait d’une promesse de vente de la parcelle, suivie du paiement intégral du prix, et d’une autorisation d’occuper délivrée par le gouverneur de Dakar, la cour d’Appel en a exactement déduit qu’il était un possesseur de bonne foi, et a décidé, à bon droit, d’ordonner le remboursement de la valeur de ses constructions ; Qu'il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé ».

Par ailleurs, il convient de faire observer qu’il ne suffit pas au tiers d’avoir un titre translatif de propriété pour être considéré comme constructeur de bonne foi. En effet, la bonne foi cesse dès lors que ce tiers a connaissance des vices qui affectent son titre translatif de propriété. C’est ce qui ressort de l’article 550 du Code civil, qui dispose en son alinéa 2 que « Il (le tiers) cesse d'être de bonne foi du moment où ces vices lui sont connus ». 

Il résulte de cet alinéa que le tiers qui détient un titre translatif de propriété lui conférant la qualité de constructeur de bonne foi, cesse de l’être dès l’instant où il a connaissance de ce que son titre ne saurait en réalité lui conférer la qualité de propriétaire du terrain sur lequel il a édifié de constructions. En pratique, cesse d’être de bonne foi, le tiers qui a connaissance de l’existence du titre de propriété détenu par le véritable propriétaire du fonds. 

Il en est de même à compter du jour où le titre translatif de propriété sur lequel il fonde ses droits est annulé ou contesté par le véritable propriétaire du fonds.
À titre d’illustration, le Tribunal de première instance d’ABIDJAN a jugé qu’une défenderesse qui avait construit par erreur sur le terrain appartenant à une autre personne alors qu’elle croyait occuper le lot sur lequel elle détenait un certificat de propriété, avait cessé d’être de bonne foi à compter du jour où elle avait reçu des courriers par lesquels le conseil du véritable propriétaire lui faisait savoir qu’elle n’occupait pas son lot.

La Cour de cassation française a également jugé qu’à compter de la demande en justice tendant à la résolution de la vente, le possesseur ne peut invoquer sa bonne foi. Elle a aussi retenu qu’au jour de la demande en annulation du testament, le légataire universel a cessé d’être possesseur de bonne foi. Elle a également jugé qu’est de mauvaise foi au sens de l’article 555 du Code civil, celui qui a reçu sommation du propriétaire d’avoir à supprimer l’ouvrage édifié et communication des documents établissant la preuve du droit de propriété.

Sur la cessation de la bonne foi, la Cour suprême du MALI, dans un arrêt rendu le 17 juillet 2007 a jugé que « Attendu que les appréciations et constatations de faits établis par les juges du fond, permettent de dire que An Aa -acquéreur du titre foncier n°2996 - était de mauvaise foi au moment où il édifiait des constructions sur les parcelles D3 et D4 ; que cette mauvaise foi résulte à suffisance du procès en annulation de procuration que ses vendeurs ont vainement intenté contre Tidiane DEME et Makan KONATE »

En FRANCE, la Cour de cassation a jugé que la bonne foi disparait, notamment, à compter de la demande en justice. Elle a ainsi jugé qu’à compter de la demande en justice tendant à la résolution de la vente, le possesseur ne peut invoquer la bonne foi. Il a également été jugé qu’à compter de la demande en annulation du testament, le légataire universel a cessé d’être possesseur de bonne foi.

Il résulte de ce qui précède qu’à plusieurs reprises, à l’instar des juridictions françaises, maliennes et sénégalaises, celles de COTE D’IVOIRE ont apprécié ou continuent d’apprécier de manière stricte la notion de bonne foi dans le règlement des litiges opposant des tiers constructeurs aux véritables propriétaires de fonds. Cependant, cela n’est pas toujours le cas, car un passage en revue de la jurisprudence ivoirienne laisse apparaître de nombreuses traces d’une appréciation parfois souple de la notion de bonne foi. Cette appréciation souple n’est pas également étrangère aux juridictions de certains autres pays.

B. L’appréciation souple de la notion de bonne foi

Si l’article 550 du Code civil impose que le tiers constructeur, pour prétendre être de bonne foi, doit détenir un titre translatif de propriété, il n’en demeure moins que le juge détient, en matière d’appréciation de cette bonne foi, un pouvoir souverain. Cela a été affirmé par la Chambre commerciale de la Cour de cassation française, dans un arrêt rendu le 05 mai 1970. Dans cet arrêt, ladite Cour a affirmé que les juges du fond apprécient souverainement la bonne foi du possesseur, avant de conclure, dans ce même arrêt, à la mauvaise foi du sous-acquéreur d’actions, qui ne pouvait ignorer la précarité des droits du premier acquéreur.

Ainsi, si les juges du fond ont la latitude d’apprécier souverainement la bonne foi, il s’en induit qu’en l’absence même de tout titre translatif de propriété détenu par le tiers constructeur, ce dernier peut, dans certains cas, être déclaré de bonne foi.

Un passage en revue de la jurisprudence ivoirienne laisse aisément apparaître que les juridictions, à plusieurs reprises, ont déclaré des tiers constructeurs de bonne foi, alors même que ces derniers n’étaient détenteurs du moindre titre translatif de propriété. Pour parvenir à cette solution, ces juridictions apprécient les circonstances de chaque cause, en prenant en compte un faisceau d’indices. 

Au titre de ces indices figurent notamment les circonstances qui ont présidé à l’installation du tiers sur le fonds litigieux, les précautions prises par ce dernier avant d’édifier ses constructions, l’attitude du propriétaire du fonds, les diligences éventuellement effectuées par ce propriétaire à l’égard du tiers.

Dans les cas où elles reconnaissent la bonne foi du tiers constructeur, en l’absence de tout titre translatif de propriété, les juridictions ne retiennent pas la définition de la bonne foi telle que donnée par l’article 550 du Code civil. Dans ces cas, la bonne foi est définie dans son sens commun, comme étant « la croyance qu'a une personne de se trouver dans une situation conforme au droit, et la conscience d'agir sans léser les droits d'autrui ».

La Chambre judiciaire de la Cour suprême, ancienne plus haute juridiction de l’ordre judiciaire a parfois déclaré de bonne foi des tiers constructeurs qui ne détenaient aucun titre translatif de propriété. Elle en a ainsi décidé dans son arrêt n° 195 rendu le 09 juin 2011. 

Les faits de cette espèce sont les suivants : O. et Z. ont acheté une portion de forêt de dix hectares entre les mains de G., chef du village de GOBERI, qui a prétendu en être le propriétaire ; après la mise en valeur de ladite parcelle par création de plantations, S. a sollicité et obtenu leur expulsion ; estimant que S. jouissait du fruit de leurs travaux, ils ont saisi la Section de Tribunal de LAKOTA, qui a condamné S. à leur payer respectivement les sommes de 604 025 FCFA et 4 065 625 FCFA à titre d’indemnité compensatrice ; la Cour d’Appel de Daloa , infirmant cette décision, les a déboutés de leur demande en dédommagement ; pour statuer ainsi, ladite Cour a estimé que les témoins et sachants ont affirmé que les demandeurs ont été informés de ce qu’un litige opposait l’appelant aux vendeurs sur la propriété desdites parcelles.

Statuant sur le pourvoi formé par O. et Z contre l’arrêt de la Cour d’Appel de Daloa, la Chambre judiciaire de la Cour Suprême a retenu que « Attendu qu’il résulte de la mise en état et du procès-verbal d’expertise agricole réalisés au cours de la procédure ayant conduit au jugement n°35 du 8 décembre 2005 de la Section de Tribunal de LAKOTA, que les plantations situées sur lesdites parcelles ont été réalisées par Z. et O., qui ont cru valablement les acquérir dans la mesure où le cédant, se prétendant propriétaire, était le Chef du village où étaient situées les parcelles en cause ; qu’étant dès lors de bonne foi, ils sont fondés en application des dispositions de l’article 555 du Code civil à obtenir réparation ; Attendu que l’expertise agricole a évalué les plantations de Z. et O. aux sommes respectives de 4 065 625 FCFA et 3 604 025 FCFA ; qu’il y a lieu de condamner S.I au paiement desdites sommes » ;

Pour retenir, dans cette espèce, la bonne foi des demandeurs au pourvoi, la Haute Cour n’a pas recherché si ces derniers détenaient, au moment de la réalisation des plantations sur les parcelles litigieuses, un titre translatif de propriété, comme l’exige l’article 550 du Code civil. 

La Chambre judiciaire, usant de son pouvoir souverain d’appréciation, a pris en compte un faisceau d’indices oscillant autour des circonstances qui ont prévalu à l’installation des demandeurs au pourvoi sur les parcelles litigieuses et à la réalisation des plantations, la situation géographique des parcelles et la qualité de celui qui leur a cédé lesdites parcelles. 

En effet, pour la Chambre judiciaire, O. et Z. étaient de bonne foi dans la mesure où ces derniers ont acquis les parcelles litigieuses avec le chef du village, qui a prétendu en être le véritable propriétaire. 

La Chambre judiciaire a souligné que les parcelles litigieuses étant situées dans le village dont le cédant était le chef, ce dernier, qui est censé connaitre le patrimoine forestier de son terroir et les différents propriétaires terriens, n’aurait pu, en tout cas dans l’esprit des demandeurs au pourvoi, valablement se tromper. Ainsi, le motif principal qui justifie la bonne foi des auteurs des plantations litigieuses est la qualité du cédant.

Une telle appréciation est avantageuse pour les tiers auteurs des plantations, dans la mesure où pour retenir leur bonne foi, il suffit, en l’absence de tout titre translatif de propriété, de rechercher si au moment de la réalisation des ouvrages, ils avaient la croyance de se trouver dans une situation conforme au droit, et la conscience d'agir sans léser les droits d'autrui. 

Pour les véritables propriétaires des fonds, par contre, une telle appréciation de la bonne foi, leur est préjudiciable, ce d’autant qu’ils devront répondre des conséquences attachées à cette situation, alors même que leurs adversaires n’ont parfois aucun titre translatif de propriété.
 
Dans une autre espèce, le Tribunal de Commerce d’ABIDJAN, faisant une appréciation souple de la bonne foi, a jugé que « La bonne foi est la croyance qu'a une personne de se trouver dans une situation conforme au droit, et la conscience d'agir sans léser les droits d'autrui ; elle se présume de sorte que c'est à celui qui se prévaut de la mauvaise foi d'en rapporter la preuve ; Et le constructeur de bonne foi est celui qui a édifié des constructions sur un terrain qu'il croyait être le sien ;

En l'espèce, il n'est pas contesté que c'est en vertu d'une attestation d'attribution à lui délivrée par le chef du village d'ADJAME SANTE que le demandeur a érigé les constructions sur la parcelle sus indiquée, bien avant que la société SI BÉTON devienne propriétaire de tout l'ilot contenant les deux lots n°1174 et 1175 comportant ces constructions ; Il s'ensuit qu'aucune mauvaise foi ne peut être reprochée au demandeur dans la mesure où il a édifié les fondations de sa maison en croyant que ces terrains étaient les siens ;

Dans ces conditions, à défaut de preuve que monsieur CISSE Mory a élevé lesdites constructions après qu'elle lui ait signifié son titre de propriété, et la bonne foi de ce dernier ne faisant l'ombre d'aucun doute (...) »30 ;

Dans cette espèce, le Tribunal de Commerce, pour reconnaitre Monsieur CISSE Mory comme constructeur de bonne foi, retient, d’une part, qu’au moment de la réalisation des ouvrages litigieux, ce dernier détenait une attestation d'attribution à lui délivrée par le chef du village d'ADJAME SANTE, et d’autre part, que les constructions litigieuses ont été élevées avant que la société défenderesse n’acquiert la propriété de l’ilot duquel est issue la parcelle litigieuse. Ainsi, pour le tribunal, le susnommé croyait en toute légitimité, au moment de la réalisation de ses constructions, qu’il était le véritable propriétaire de la parcelle litigieuse, en vertu de son attestation villageoise. Une telle appréciation doit être considérée comme souple, ce d’autant que ladite attestation, seul acte détenu par Monsieur CISSE Mory, n’est pas un titre translatif de propriété au sens de l’article 550 du Code civil. Or, en principe, selon ce texte, seul le tiers détenteur d’un titre translatif de propriété peut invoquer sa bonne foi.

Le Tribunal de Première Instance d’ABIDJAN a également reconnu la bonne foi à des tiers constructeurs qui ne détenaient aucun titre translatif de propriété. Cette juridiction en a ainsi décidé dans un jugement rendu le 13 janvier 2022, dont la teneur de la motivation est la suivante « En l’espèce, les ayants droit de Y. K. sollicitent la condamnation de Monsieur Z. L. à leur payer la somme de 50.000.000 de francs au titre de la valeur des constructions et clôtures par eux édifiées sur les lots numéros 22 et 23, ilot 2, objet des Titres fonciers numéros n°106.106 et n°106.107 de la Circonscription foncière de Bingerville ;

Il est acquis aux débats comme résultant des déclarations des ayants droit de Y. K. corroborées par le procès-verbal de constat daté du 14 janvier 2020 produit au dossier par le défendeur que ses adversaires ont effectivement édifié diverses constructions sur les deux lots litigieux ;

S’agissant des circonstances qui ont présidé à l’installation des demandeurs sur les lots litigieux, il convient de rappeler, comme l’a d’ailleurs indiqué le défendeur, qu’en garantie d’un prêt de 3.000.000 de francs que feu Y. K. lui a consenti, il a remis à ce dernier les copies des Arrêtés de concession provisoire à lui délivrés sur ses deux lots susvisés ;

Il en résulte qu’au décès de Y. K. , les demandeurs qui sont ses ayants droit, après la découverte des deux Arrêtés de concession provisoire, ont légitimement pensé que leur père et époux avait des droits sur les lots litigieux, de sorte qu’ils s’y sont installés, surtout que dans ce même laps de temps, le défendeur, par acte notarié daté du 30 octobre 2008, a cédé aux époux Y., le lot n°24 issu du même ilot que les deux lots litigieux et situé au même endroit, notamment à ADJAME RÉSIDENCE PAILLET ;

Mieux, alors que le défendeur prétend que les demandeurs occupent illégalement ses lots depuis 2005 et y ont édifié des constructions qu’ils ont mises en location, à aucun moment, en tout cas avant cette procédure introduite en 2020, ledit défendeur n’a jamais sommé les demandeurs d’avoir à quitter ses parcelles, alors même qu’il estime que ceux-ci les occupent sans titre ni droit ;

Il s’induit de ce qui précède que les demandeurs sans détenir de titre se rapportant aux parcelles litigieuses, ne peuvent être cependant considérés comme des occupants de mauvaise foi ;
Étant de bonne foi (…) » 

Cette espèce est marquante, dans la mesure où le Tribunal a considéré comme étant de bonne foi des occupants qui ne détenaient le moindre titre sur des lots sur lesquels ils ont édifié des constructions, dont la démolition était sollicitée par le véritable propriétaire. Pour y parvenir, le Tribunal a pris en compte deux faisceaux d’indices. D’une part, le tribunal s’est fondé sur les précédents rapports qui ont existé entre le défunt père des demandeurs et le propriétaire des lots litigieux. 

En effet, le tribunal a jugé que les demandeurs ayant découvert dans les effets personnels du défunt les Arrêtés de concession provisoire se rapportant aux lots litigieux, ceux-ci ont légitimement cru que leur père avait acquis ces lots, surtout que ledit défunt avait précédemment acquis avec le défendeur, par acte notarié, le lot n°24 issu du même ilot que celui sur lequel les deux autres lots litigieux se situaient. 

D’autre part, le tribunal s’est fondé sur le fait qu’entre 2005, date les demandeurs se sont installés sur les deux lots, et 2020, date à laquelle la procédure a été introduite par les demandeurs, le défendeur n’a jamais sommé ses adversaires d’avoir à quitter ses lots.

En droit comparé, notamment en droit français, l’appréciation souple de la bonne foi a parfois été retenue par les juridictions pour trancher les litiges en matière de contentieux relatif à la construction sur le terrain d’autrui. 

À titre d’illustration, il convient de rappeler l’arrêt rendu le 03 octobre 1990 par la troisième Chambre civile de la Cour de cassation , dans lequel ladite Cour, suite à un litige opposant le propriétaire d’un lot à son locataire, a jugé que « Mais, attendu que l'article 555, réglant les rapports entre bailleur et preneur, relativement aux constructions édifiées sur le fonds loué à défaut, comme en l'espèce, de convention fixant le sort de celles- ci, la cour d'appel, qui a constaté l'existence d'une plus-value, a pu décider que, puisqu'il avait construit avec l'autorisation du propriétaire, M. X... était de bonne foi et qu'il pouvait exercer le droit de rétention sur le fonds jusqu'à la fixation de l'indemnité à lui revenir » ainsi, dans cette espèce, la Cour de cassation a jugé que le locataire, qui a édifié des constructions en l’absence de tout titre translatif de propriété, comme l’exige l’article 550 du Code civil, était pourtant de bonne foi, ce d’autant qu’il avait réalisé les constructions litigieuses avec l’autorisation du propriétaire.

Dans une autre espèce, la Cour de cassation française a réaffirmé cette position en jugeant que « Mais attendu qu'ayant relevé que les constructions en cause avaient été édifiées, avec l'assentiment des propriétaires, sur des terrains donnés à bail et en l'absence de toute convention réglant le sort de ces constructions, la cour d'appel en a exactement déduit que l'article 555 du Code civil devait régir les rapports des parties en fin de bail et que les consorts Y... ne pouvaient réclamer aux consorts A..., tiers de bonne foi, sur le fondement de la transaction des 20 et 25 avril 2006, la suppression de celles-ci ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ». Dans cette espèce encore, la bonne foi qui a été reconnue au tiers constructeur découle essentiellement du fait qu’il a édifié les constructions litigieuses avec le consentement des propriétaires de la parcelle.

S’agissant de la preuve de la preuve de la bonne foi, elle est en principe, en application de l’article 2268 du Code civil, toujours présumée, de sorte que c’est à celui qui allègue la mauvaise foi de la prouver. L’application de cette présomption reviendrait à exiger que le propriétaire du sol rapporte la preuve que le tiers, au moment de la réalisation des constructions, soit n’était muni d’aucun titre translatif de propriété, soit avait connaissance du vice que recélait son titre soit savait pertinemment qu’une autre personne était déjà propriétaire du fonds. 

Or, une telle approche, en matière d’accession est dangereuse. C’est la raison pour laquelle la Cour de cassation française a opéré un renversement de la charge de la preuve en jugeant qu’il appartient au tiers constructeur de justifier d’un juste titre au moment de la construction . Si le tiers invoque un titre en vertu duquel il a édifié les constructions, le propriétaire du fonds pourrait, pour établir la mauvaise foi, démontrer que ce dernier ne pouvait pas ignorer les vices qui entachent son titre.

Il ressort de ce qui précède que les juridictions ivoiriennes, dans l’application de l’article 555 du Code civil, retiennent, selon les cas, la conception stricte ou souple de la bonne foi. Une telle approche a le mérite de prendre en compte les intérêts des parties litigantes, car en l’absence même de tout titre translatif de propriété, les circonstances qui ont présidé à l’installation du tiers sur un fonds et à l’édification de construction sur ce fonds, peuvent témoigner, à suffisance, de sa bonne foi.
Cette bonne foi, lorsqu’elle est retenue ou rejetée par le juge, a des implications, tant à l’égard du propriétaire du fonds que du tiers constructeur.

II. LES IMPLICATIONS DE LA BONNE FOI

L’intérêt de l’étude de la bonne contenue dans l’article 555 du Code civil réside dans les implications que recèle cette notion. Ainsi, que la bonne foi du tiers ait été retenue ou rejetée par le juge, cette situation engendre des conséquences aussi bien pour le propriétaire du fonds que pour le tiers auteur des constructions, ouvrages ou plantations.

Mais avant d’analyser les effets attachés à la bonne foi sur la situation juridique du propriétaire ou du tiers, il convient de préciser le domaine d’application de l’article 555 du Code civil, qui fait référence à cette notion. La jurisprudence a progressivement défini le champ d’application de cet article, en posant le postulat qu’il s’applique dans les rapports entre le propriétaire d’un fonds et tout tiers ayant édifié des constructions ou fait des plantations sur ledit fonds, en principe sans l’assentiment dudit propriétaire.

À ce titre, la Deuxième Chambre civile et commerciale de la Cour d’Appel de DALOA a jugé, dans son arrêt n°348, rendu le 1er décembre 1999 que « vainement encore, le preneur qui a été expulsé sur la base du contrat de bail sollicite remboursement de ses impenses sur le fondement des dispositions de l’article 555 du Code civil qui sont totalement étrangères aux rapports entre bailleur et locataire et ne saurait recevoir application à l’espèce » . Ainsi, selon ladite Cour, l’article 555 du Code civil ne peut trouver application dans les rapports entre bailleur et locataire.

Au SÉNÉGAL, la Cour suprême s’est, dans un arrêt en date du 04 janvier 2017, évertué à délimiter le champ d’application de l’article 555 en jugeant que « Attendu que M. A fait enfin grief à l’arrêt de refuser d’appliquer l’article 555 du Code civil français, en rejetant sa demande de remboursement du coût des travaux réalisés sur le terrain alors, selon le moyen, qu’il a été suffisamment démontré qu’il ignorait les vices, que les constructions ont été réalisées de bonne foi et que celles-ci sont antérieures à l’acquisition du terrain par le sieur Af Ac C ; Mais attendu qu’ayant retenu qu’au moment où M. A réalisait les constructions, il était le propriétaire du terrain qu’il a offert en garantie à la société Établissements V.Q PETERSEN & CIE et non un tiers détenteur d’un titre translatif de propriété dont il ignorait les vices, la cour d’appel en a exactement déduit qu’il ne pouvait bénéficier des dispositions de l’article 555 du Code civil français ; 

Qu’il s’ensuit que le moyen est mal fondé »  Selon la Cour suprême du SÉNÉGAL, le propriétaire d’un fonds, qui l’a donné en garantie à une autre personne, ne peut, après y avoir édifié des constructions, en connaissance de cause, invoquer l’application de l’article 555 au soutien de sa demande en paiement d’impenses, ce, d’autant qu’il n’a pas la qualité de tiers.

En FRANCE également, la Cour de cassation s’est attelée à préciser le domaine d’application de l’article 555 du Code civil. C’est ainsi que ladite Cour a, dans plusieurs arrêts, jugé que l’article précité ne s’applique qu’aux constructions nouvelles réalisées sur le terrain d’autrui. Par voie de conséquence, les travaux d’amélioration réalisés sur un immeuble en ruine ne rentrent pas dans le champ d’application de l’article 555 du Code civil. Les faits de l’un de ces arrêts méritent d’être rappelés.

« Un couple pense avoir acquis un terrain avec une ruine et effectue des travaux de rénovation sur l’ouvrage existant. Un différend naît et le couple assigne le vendeur en reconnaissance de sa qualité de propriétaire et en indemnisation des travaux de restauration. 

La cour d’appel relève que la vente n’a pas eu lieu et que le couple a effectué des travaux de rénovation non encore achevés. Statuant sur l’indemnisation réclamée, elle estime, compte tenu de l’importance des travaux de rénovation, qu’il faut regarder l’ouvrage comme une construction neuve au sens de l’article 555 du Code civil, article qu’il convient d’appliquer ». 

Cependant, n’abondant pas dans le même sens, la Cour de cassation, dans son arrêt rendu le 09 septembre 2021 a retenu que « 4. Ces dispositions (l’article 555) ne concernent que des constructions nouvelles pouvant être l'objet d'une accession au profit du propriétaire du sol. 5. 

Pour les dire applicables, l'arrêt retient que, compte tenu de l'importance de la rénovation effectuée, les travaux M. et Mme [G] doivent être regardés comme l'édification d'une construction neuve. 6. 

En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que M. et Mme [G] avaient pris possession d'un bâtiment en ruine dont la toiture et le plancher du premier étage étaient effondrés, ce dont il résultait que les murs subsistaient, de sorte que les travaux avaient été exécutés sur une construction préexistante avec laquelle ils s'étaient identifiés, la cour d'appel a, par fausse application, violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour ; CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes »  

Dans cet arrêt, la Cour de cassation n’a fait que confirmer une position constamment retenue. Elle avait déjà affirmé cette position dans un arrêt rendu le 05 juin 1973, dans lequel elle avait jugé que « Mais attendu que les dispositions de l'article 555 du Code civil ne concernent que des constructions nouvelles et sont étrangères au cas où les travaux exécutés, s'appliquant à des ouvrages préexistants avec lesquels ils se sont identifiés, ne présentent que le caractère de réparations ou de simples améliorations, ainsi qu'il résulte de constatations, non discutées, de l'arrêt attaque, qui retient aussi, répondant ainsi implicitement, mais nécessairement aux conclusions d'ALBANO, que ces travaux, qui ont été réalisés avec le consentement des y..., constituent des dépenses utiles ».

Dans un autre arrêt rendu le 17 décembre 2013, la Cour de cassation française a retenu, contrairement à la position de la Cour d’Appel de DALOA, que l’article 555 du Code civil pouvait régir, en fin du bail, les rapports bailleurs et locataires, en l'absence de toute convention réglant le sort des constructions faites par le locataire .

La Cour de cassation française a également précisé, dans divers autres arrêts que l’article 555 du Code civil ne peut trouver application dans les rapports entre époux. En France, de tels rapports sont régis par les articles 1469 et 1479 dudit Code. Ainsi, a- t-elle jugé, dans un arrêt rendu le 19 juillet 1966 que dans le régime de la communauté, le règlement des récompenses dues pour des constructions édifiées au moyen de fonds communs sur un terrain propre ne peut être opéré par référence à l’article 555. Dans le régime de la séparation de biens, l’évaluation de la créance due à l’époux qui a financé tout ou partie d’une construction édifiée sur le terrain personnel de son conjoint se fait en fonction du profit subsistant en application des articles 1469, al. 3, 1479, al. 2 et 1543, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’appliquer l’art. 555 al. 2 et 3, pour fixer le montant de l’indemnité due au conjoint constructeur.

Cette même Cour retient, en outre, que l’article 555 ne peut trouver application lorsqu’un constructeur étend une construction au-delà des limites de son fonds et empiète ainsi sur la parcelle voisine.

Elle juge également que l’article 555 est étranger aux rapports nés entre voisins de la mitoyenneté, lesquels sont régis par le régime qui lui est propre.

Elle retient par ailleurs que l’article précité ne s’applique pas dans les rapports entre copropriétaires ou coïndivisaires, dans la mesure où ces derniers n’ont pas la qualité de tiers à l’égard des autres copropriétaires ou coïndivisaires.

Néanmoins, les dispositions de l’article 555 s’appliquent dans les rapports entre concubins.

En résumé, l’article 555 du Code civil a vocation à s’appliquer qu’une fois qu’il est établi, d’une part, que les constructions, plantations ou ouvrages ont été réalisés par un tiers et non par le propriétaire du sol, et d’autre part, que les matériaux utilisés appartiennent au tiers constructeur. La Cour de cassation française précise, dans sa jurisprudence abondante, que le tiers est celui qui a construit sans être lié avec le propriétaire du sol par un contrat se référant aux ouvrages élevés. Ainsi, le constructeur peut être un tiers locataire, le concubin du propriétaire du sol ou même un occupant à titre gratuit.

En pratique, lorsque des constructions ont été faites par un tiers sur le fonds d’une autre personne et lorsque l’article 555 ne peut s’appliquer, la jurisprudence a recours à la vieille théorie romaine des impenses, en retenant soit la gestion d’affaires (prise en charge par les constructeurs de l’intérêt d’autrui) ou l’enrichissement sans cause (le cas du propriétaire du sol qui récupère l’ouvrage).

En tout état de cause, lorsque la bonne foi est retenue ou rejetée par le Juge, dans le cadre de l’application de l’article 555 du Code civil, cela engendre des conséquences tant l’égard du propriétaire du fonds (A) qu’à l’égard du tiers constructeur (B).

A. Les implications à l’égard du propriétaire du fonds

Lorsque des ouvrages et constructions ont été faits par un tiers sur un fonds appartenant à autrui, le sort de ceux-ci dépend de la bonne ou mauvaise foi de celui qui les a réalisés. Néanmoins, l’attitude ou la décision du propriétaire du fonds conditionne également le sort des ouvrages et constructions.

Lorsque la bonne foi du tiers constructeur n’est pas retenue par le Juge, qui a un pouvoir souverain d’appréciation en la matière, le sort des constructions et ouvrages est déterminé par les alinéas 1er et 2ème de l’article 555 du Code civil, mais aussi par une partie de l’alinéa 3 du même article. 

Aux termes de l’alinéa 1er de l’article précité « Lorsque les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers ou avec ses matériaux, le propriétaire du fonds a droit ou de les retenir, ou d'obliger ce tiers à les enlever. ». Il ressort de cet article que le propriétaire du fonds sur lequel des ouvrages ou constructions ont été faits par un tiers, dont la bonne foi n’a pas été retenue, dispose de deux options, à savoir, d’une part, les conserver, ou, d’autre part, les faire détruire par le tiers qui les a réalisés.

La première option offerte au propriétaire du fonds, est prévue par l’alinéa 2 de l’article précité, et consiste pour ce dernier a exigé du tiers, dont la mauvaise foi a été retenue par le juge, la démolition de ses constructions, ouvrages ou plantations. C’est ainsi que le propriétaire d’un terrain peut exiger la démolition de ce qui a été construit par un tiers sur son lot postérieurement au jour où ce tiers, possesseur du lot en vertu d’un titre de propriété, a eu connaissance des vices de son titre. 

La démolition, quand elle est réclamée, est aux frais du tiers, qui ne peut même pas solliciter le paiement à son profit de la moindre indemnité compensatrice. 

La Cour de cassation française précise même que « la démolition, demandée par le propriétaire, d’ouvrages édifiés par un constructeur de mauvaise foi ne peut être refusée au motif que les travaux ne semblent pas causer au propriétaire une gêne sérieuse et que ce préjudice léger pourrait être réparé par l’allocation de dommages-intérêts ». 

Ainsi, selon ladite Cour, le droit reconnu au propriétaire de réclamer la démolition des constructions faites par un constructeur de mauvaise foi, a un caractère discrétionnaire pour le propriétaire. Cette faculté offerte au propriétaire d’exiger la suppression des constructions est plus que justifiée, ce, d’autant que le tiers dont la bonne foi n’a pas été retenue est censé ne disposer le moindre titre qui justifie l’édification des constructions et leur présence sur le lot d’une autre personne.

Outre la suppression des constructions et ouvrages, le propriétaire qui a subi un préjudice, peut solliciter du tribunal, la condamnation du tiers à lui payer des dommages et intérêts.  En pratique, ce préjudice subi par le propriétaire du fonds peut résulter, notamment de la privation de la jouissance de son fonds et de la dégradation de l’aspect du fonds. En effet, en raison des constructions réalisées par le tiers, le véritable propriétaire peut avoir été empêché de l’occuper lui-même, de le mettre en valeur ou d’y spéculer en le cédant ou en le louant à des tiers. 

Ainsi, le préjudice souffert peut être moral, matériel, financier ou économique. Le préjudice peut aussi découler, outre la privation du lot, de l’altération de son aspect général par le tiers, dont les constructions et ouvrages ont pu rendre le fonds impropre à la destination envisagée par le propriétaire. En tout état de cause, il revient au propriétaire qui sollicite des dommages et intérêts de rapporter la preuve du préjudice par lui subi, lequel ne peut uniquement résulter de la présence des constructions sur le fonds. Le juge, qui a un pouvoir souverain d’appréciation en la matière, apprécie le bien-fondé de la demande en paiement de dommages et intérêts.

Etant le véritable propriétaire du fonds impacté, le propriétaire peut décider de conserver les constructions y édifiées par le tiers. Cette seconde option offerte au propriétaire ressort de l’alinéa 3 de l’article 555 du Code civil, qui dispose que « Si le propriétaire préfère conserver ces plantations et constructions, il doit le remboursement de la valeur des matériaux et du prix de la main-d'œuvre, sans égard à la plus ou moins grande augmentation de valeur que le fonds a pu recevoir ». 

Lorsqu’il décide de conserver les constructions, qui à l’origine ne sont pas les siennes, le propriétaire, en dépit de la mauvaise foi du constructeur, se doit de lui rembourser la valeur des matériaux de construction, le coût de la main-d’œuvre, mais aussi la plus-value apportée au fonds. Ainsi, « la mauvaise foi du tiers ne peut le priver de son droit à indemnisation » , toutes les fois où le propriétaire entend conserver les ouvrages. Cela est amplement justifié, dans la mesure où le propriétaire du fonds ne devrait en aucun cas s’enrichir au détriment du tiers, qui dans la plupart des cas, a fait les constructions en croyant détenir des droits sur le fonds.

Cependant, lorsque la bonne foi du tiers a été retenue par le tribunal, le propriétaire du fonds ne peut exiger la suppression des constructions, ouvrages et plantations. En effet, lorsque le constructeur a été évincé de la parcelle, mais qu’il a été jugé de bonne foi par le Juge, eu égard notamment au fait qu’il possédait en vertu d’un titre translatif de propriété dont il ignorait les vices, les constructions et ouvrages par lui édifiés ne peuvent être supprimés. 

C’est à ce titre que la suite de l’alinéa 3 de l’article 555 du Code civil dispose que « Néanmoins, si les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers évincé, qui n'aurait pas été condamné à la restitution des fruits, attendu sa bonne foi, le propriétaire ne pourra demander la suppression desdits ouvrages, plantations et constructions ; mais il aura le choix, ou de rembourser la valeur des matériaux et du prix de la main-d'œuvre, ou de rembourser une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur ». 

Il s’induit de cet article que dès que la bonne foi du tiers est retenue, la marge de manœuvre du propriétaire est quasiment réduite. Ainsi, en plus de ne pouvoir demander la démolition des réalisations faites sur son lot, il doit obligatoirement rembourser au tiers, soit le coût des matériaux de construction et celui de la main d’œuvre, soit une somme égale à celle de la plus-value apportée au lot par le tiers. En pratique, la fixation de ces montants, sauf accord des parties, n’est pas laissée à la libre appréciation du propriétaire. 

Leur quantum est fixé à dire d’expert. L’obligation faite au propriétaire de rembourser au tiers constructeur les montants susvisés peut paraître injuste, dans la mesure où à bien analyser les circonstances, c’est lui qui subit un préjudice, pour avoir été privé de la jouissance de son lot, alors même qu’en application de l’article 543 du Code civil « La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. ». 

Néanmoins, une telle analyse, même si elle parait cohérente, semble ne prendre en compte que la situation du propriétaire du fonds, et nie les droits et intérêts du tiers, qui au moment de l’édification des constructions avait la ferme conviction d’être le véritable propriétaire du fonds, et ce, parfois en vertu d’un titre translatif de propriété dont il ignorait les vices. 

Ainsi, le législateur a préféré, en réalité, concilier les intérêts des deux parties en présence. Si le premier conserve la propriété de son fonds et celles constructions y réalisées, sauf dans les cas où il n’en veut pas, le second a droit, obligatoirement, au remboursement des sommes déboursées pour la réalisation desdites constructions, sans préjudice du montant de la plus-value par lui apportée au fonds.

Par ailleurs, il ressort de la lecture de la suite de l’alinéa 3 de l’article 555 du Code civil qu’il revient au propriétaire du fonds de choisir le montant à rembourser. La Cour de cassation française confirme cette position en jugeant que « Les al. 3 et 4  de l’art. 555 réservent dans tous les cas au propriétaire du sol qui conserve les constructions et plantations, pour le calcul de l’indemnité compensatrice due au tiers qui les a faites ». À ce titre, il a le choix de rembourser au tiers, soit « la valeur des matériaux et du prix de la main-d'œuvre (…) », soit « une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur ». 

Il convient de souligner que le Juge ne peut se substituer au constructeur revendiquant, qui n’a pas comparu, pour choisir le mode de calcul de l’indemnité le plus équitable. Le juge ne peut encore moins condamner le propriétaire au remboursement de la plus-value apportée au fonds sans avoir recherché quel a été le choix fait par ce propriétaire.

De ce fait, à titre d’illustration, dans le cadre d’une action en revendication de propriété, déguerpissement et démolition initiée par le propriétaire du fonds, et si la bonne foi du tiers a été reconnue, ce dernier peut être déguerpi, mais la démolition des constructions par lui faites ne pourra être ordonnée. Dans ce cas, il revient au propriétaire de proposer de rembourser l’un des montants prévus à l’alinéa 3 de l’article précité.

Cependant, une telle approche peut être préjudiciable pour le tiers constructeur, dans la mesure où le sort de ses constructions semble être laissé à la libre volonté du propriétaire, qui ne voulant pas rembourser, n’exprimera jamais son choix. C’est la raison pour laquelle, en France, la Cour de cassation retient que « dès lors que le propriétaire, mis en demeure d’exercer son choix, est demeuré taisant, la demande du constructeur tendant à l’application de l’un des deux critères d’évaluation prévus par la loi est juridiquement fondée. » 

En COTE D’IVOIRE, les juridictions adoptent une autre approche. Lorsque le propriétaire du fonds sollicite, en justice, la démolition des constructions édifiées sur son fonds, le tribunal se prononce systématiquement sur la bonne foi du constructeur, pour rejeter ou faire droit à cette demande. 

Dans le cas où la bonne foi n’est pas retenue, la démolition est ordonnée aux frais du constructeur, sans préjudice de dommages et intérêts, si le demandeur rapporte la preuve de son préjudice. Si la bonne foi est retenue, la démolition des ouvrages ne peut être ordonnée. 

Les juridictions, au risque de statuer ultra petita, ne se prononcent jamais, d’office, sur le sort des constructions, et n’invitent encore moins le propriétaire à faire le choix de rembourser au tiers constructeur soit la valeur des matériaux et du prix de la main d'œuvre, soit la plus-value apportée au fonds.

Les juridictions ne se prononcent sur le sort des impenses que dans deux hypothèses, qui seront analysées, dans les lignes qui suivent, dans le cadre des implications de bonne foi à l’égard du tiers constructeur. 

B. Les implications à l’égard du tiers constructeur

Tout individu, qui a fait des constructions, ouvrages ou plantations sur le fonds d’un autre, dispose d’une action en justice, en vue du remboursement des impenses par lui réalisées, lesquelles comprennent soit « la valeur des matériaux et du prix de la main-d'œuvre (…) », soit « une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur ».

Cette action en justice, précise la Cour de cassation française, doit être dirigée contre le propriétaire, le détenteur de l’immeuble et le bénéficiaire de l’accession ; ainsi, en cas de vente de l’immeuble, ladite action fondée sur l’article 555 doit être initiée par le constructeur contre l’acquéreur, et est de ce fait irrecevable contre le précédent propriétaire ; cela est d’ailleurs justifié dans la mesure où c’est ce nouvel acquéreur qui jouira désormais des constructions, plantations ou ouvrages faits par le tiers.

La Cour de cassation française précise, en outre, que l’action en remboursement prévue au profit du tiers constructeur n’est pas subordonnée à l’éviction de ce dernier. Cela induit que même si le constructeur n’a pas été sommé de quitter le fonds ou si le propriétaire n’a pas initié une action en justice aux fins de déguerpissement ou de démolition, rien n’interdit à ce constructeur, dès l’instant où il a connaissance qu’il n’est pas le véritable propriétaire du fonds, d’initier son action en remboursement.

Cependant, les termes de l’alinéa 3 de l’article 555 semblent créer une légère confusion sur ce point, en ce qu’aux termes d’une partie de cet alinéa « Néanmoins, si les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers évincé, qui n'aurait pas été condamné à la restitution des fruits, attendu sa bonne foi, le propriétaire ne pourra demander la suppression desdits ouvrages, plantations et constructions ; ». 

La référence faite au tiers évincé semble laisser croire que le tiers ne peut initier son action en remboursement que dans l’hypothèse où ce dernier aurait fait l’objet d’éviction. Or, tel n’est nullement le cas, comme la Cour de cassation française a pris soin de le préciser dans l’arrêt ci-dessus évoqué.

L’action en remboursement reconnue au tiers constructeur peut être exercée à titre principal ou dans le cadre d’une demande incidente, qui prend, dans la plupart descas la forme d’une demande reconventionnelle, lorsque c’est le propriétaire qui prend l’initiative d’assigner le constructeur dans le cadre d’une action en revendication de propriété, déguerpissement et démolition.

En tout état de cause, peu importe la forme que prendre l’action en justice, les juridictions, pour apprécier le bien-fondé de la demande principale ou reconventionnelle du tiers constructeur, statuent nécessairement sur la bonne foi de ce dernier.

En effet, lorsque le tiers initie l’action en remboursement, après s’être rendu compte qu’il n’est pas le propriétaire du fonds sur lequel il a fait des constructions, ouvrages ou plantations, le tribunal, avant de se prononcer sur sa demande, doit apprécier sa bonne foi. 

Les juridictions ivoiriennes, comme précédemment indiqué, apprécient cette bonne foi soit de manière stricte, telle que définie par l’article 550 du Code civil, soit de manière souple, en analysant les circonstances qui ont justifié l’installation du tiers sur le fonds. 

Cette bonne foi s’apprécie au moment de la réalisation des constructions, plantations ou ouvrages et non au moment de l’action en justice. Lorsque la bonne foi du constructeur est reconnue par la juridiction saisie, sa demande en remboursement est fondée dans son principe, car dans cette hypothèse, la démolition des constructions ne peut être ordonnée. 

En pratique, le constructeur sollicite la condamnation du propriétaire du fonds à lui payer des impenses. Cependant, en application de l’alinéa 3 de l’article 555 du Code civil, lorsqu’il est de bonne foi, le tiers constructeur ne peut solliciter que le remboursement de « la valeur des matériaux et du prix de la main-d'œuvre », ou « une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur », qui n’est en réalité que la somme correspondant à la plus-value que le tiers a apportée au fonds ; que ce soit la première ou la seconde somme, elle est, dans la plupart des cas, évaluée à dire d’expert, sauf si la juridiction saisie a des éléments objectifs d’appréciation en sa possession.

Comme précédemment évoqué, il ne revient pas au tiers qui initie l’action de choisir la somme qui doit lui être remboursée. Ce choix revient au propriétaire du fonds, et ce, en application de l’alinéa 3 de l’article 555, qui dispose que « Néanmoins, si les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers évincé, qui n'aurait pas été condamné à la restitution des fruits, attendu sa bonne foi, le propriétaire ne pourra demander la suppression desdits ouvrages, plantations et constructions ; mais il aura le choix, ou de rembourser la valeur des matériaux et du prix de la main-d'œuvre, ou de rembourser une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur ». 

Ainsi, en application de ce texte, il revient au propriétaire du fonds, qui a été assigné, de choisir la somme qu’il entend rembourser en optant pour l’un des critères d’évaluation prévus par la loi. La juridiction saisie ne peut se substituer au propriétaire du fonds pour faire ce choix. 

Mais, si le propriétaire mis en demeure d’exercer son choix, est demeuré taisant, la demande du constructeur tendant à l’application de l’un des deux critères d’évaluation prévus par la loi est juridiquement fondée. Lorsque saisie de la demande en remboursement, la juridiction conclut à la mauvaise foi du tiers, ce dernier ne peut obtenir le remboursement des impenses par lui réalisées, si le propriétaire du fonds n’entend pas conserver les constructions, plantations ou ouvrages. 

Dans ce cas, la démolition, si elle a reconventionnellement été sollicitée par le propriétaire, doit être ordonnée par la juridiction saisie, et aux frais du tiers, sans préjudice de dommages et intérêts. Néanmoins, même jugé de mauvaise foi, le tiers peut obtenir la condamnation du propriétaire à lui payer « la valeur des matériaux et du prix de la main-d'œuvre, sans égard à la plus ou moins grande augmentation de valeur que le fonds a pu recevoir », si le propriétaire entend conserver les plantations et constructions.

La demande en remboursement, en l’absence de toute action principale initiée par le tiers, peut être présentée par ce dernier de manière incidente au moyen d’une demande reconventionnelle, lorsqu’assigné par le propriétaire du fonds, il estime avoir droit au remboursement. En effet, dans la plupart des cas, lorsque le propriétaire constate que son fonds est occupé par une autre personne, il entreprend d’assigner cette dernière. 

Cette action, selon les cas, peut tendre à la revendication de propriété, au déguerpissement, à la démolition et au paiement de dommages et intérêts. En réaction, le tiers qui estime être propriétaire des constructions, ouvrages ou plantations faits sur fonds peut, reconventionnellement, solliciter le remboursement des impenses. 

Dans cette hypothèse encore, la juridiction saisie doit se prononcer sur la bonne foi du tiers pour apprécier le bien-fondé de sa demande reconventionnelle en remboursement. Si le tiers est de bonne foi, la démolition ne pourra être demandée par le propriétaire, qui devra lui rembourser « la valeur des matériaux et du prix de la main-d'œuvre » ou « une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur ». Si la démolition n’est pas sollicitée par le propriétaire, qui a initié l’action, ce qui induit qu’il entend conserver les constructions ou plantations, il n’est guère nécessaire pour la juridiction saisie de se prononcer sur la bonne foi du constructeur. 

Dans ce cas, la demande reconventionnelle en remboursement des impenses faite par le tiers sera déclarée bien fondée.

Par ailleurs, il convient de relever qu’en France, en cas de non-règlement de l’indemnité due au constructeur, ce dernier dispose d’un droit de rétention qui l’autorise à demeurer dans les lieux tant qu’il n’a pas été dédommagé . Ce droit de rétention est conféré, tout autant au constructeur de bonne foi, qu’à celui qui est de mauvaise foi.

Les juridictions ivoiriennes pourraient s’inspirer de cette approche, surtout que dans la plupart des cas, lorsque le propriétaire du fonds initie son action, il sollicite le déguerpissement du tiers, qui occupe son fonds. Ainsi, souventes fois, le tiers est déguerpi par le tribunal sans que le propriétaire ne lui rembourse la valeur des impenses.

En définitive, il convient de retenir que l’article 555 du Code civil a été institué dans l’optique de régler les litiges entre propriétaires de fonds et les tiers, qui parfois en connaissance de cause ou dans l’ignorance totale de la fragilité des droits par eux détenus, font des constructions, ouvrages ou plantations sur des fonds qui ne leur appartiennent pas. Cette disposition a le mérite de préserver tant les droits du propriétaire que ceux du tiers constructeur, en qu’elle permet au premier de conserver la propriété de son fonds tout en laissant subsister la possibilité pour le second quand il de bonne foi et parfois même quand il ne l’est pas, d’obtenir remboursement des sommes investies pour la mise en valeur du fonds. 

Ainsi, dans une certaine mesure, l’article précité permet de concilier les intérêts antagonistes de ces deux personnes. Aujourd’hui plus que jamais, l’article 555, avec la recrudescence, en Côte d’Ivoire, des conflits fonciers, a de l’intérêt, même si sa rédaction actuelle, qui résulte de la version originelle du Code civil français de 1804, pose parfois des difficultés d’interprétation, découlant de l’utilisation de certains termes désuets. 

En dépit de son aspect pragmatique, il convient, cependant, de ne pas omettre que l’article 555 demeure une disposition à valeur supplétive, de sorte que les parties peuvent y déroger par voie de convention. Ainsi, le juge ne peut s’y référer que lorsque les parties n’ont pas réglé le sort des constructions, ouvrages ou plantations par convention. 

Autrement dit, les parties sont libres de régler le sort des constructions et plantations par contrat, lequel contrat s’imposera au juge dont la mission se limitera à apprécier les clauses qui y figurent et dont la clarté et la précision sont exclusives de toute interprétation de sa part.


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2 commentaires

  1. Unknown
    Unknown
    15 septembre 2024 à 20:17
    Certains aspects de l'analyse faite dans cet article sont erronés. Surtout au niveau de l'interprétation de l'article 94-1 du code pénal ivoirien. Aucunement, le fait de n'avoir pas l'intention de déresponsabilise pas l'auteur d'une infraction. Sinon, qu'en est-il des quasi-délits ?
  2. Unknown
    Unknown
    14 septembre 2024 à 09:48
    Article très édifiant, excellemment bien écrit
    Bravo monsieur le Président