Cours synthétisé de droit pénal spécial ivoirien, indispensable pour vos révisions, pour vous recycler ou pour la préparation d'un concours.
Cours de droit Pénal spécial - Côte d'Ivoire
INTRODUCTION
Le droit pénal spécial est selon le Professeur Philippe LECOMTE, la partie analytique du droit pénal, en ce qu’il vise à étudier les éléments constitutifs spécifiques et les sanctions propres qui caractérisent chacune des infractions pénales. Il est donc constitué de l’ensemble des infractions que comprend notre système répressif.
De ce point de vue, il dispose d’un vaste domaine qui comprend une multitude de crimes, délits et contraventions qui nous rappellent le droit pénal général qui reste la discipline de base. En ce sens qu’il fixe bien nombre de principes qui permettent de mieux comprendre le droit pénal spécial et notamment la structure des infractions spécifiques et conditions de leur répression.
On y trouve ainsi les infractions classiques, telles le meurtre, l'homicide involontaire, le viol, le trafic de stupéfiants, le proxénétisme, le vol, l’escroquerie, le recel de choses, l'abus de confiance, le chantage et d’autres plus modernes, comme la mise en danger d’autrui, la traite d’un humain, le harcèlement sexuel, l’exploitation de la mendicité, l’abus frauduleux de l’état de faiblesse, la cybercriminalité, etc.
Ces infractions dans le cadre du droit pénal spécial, portent atteinte à des valeurs sociales distinctes : si certaines portent atteinte aux droits des personnes, d’autres portent respectivement atteinte à l’Etat, aux intérêts publics, et aux biens.
Pour des questions évidentes de temps et dans le respect des catégories existantes, le présent cours se limitera à l'étude des infractions (crimes et délits) contre la personne humaine (CHAPITRE I), l’Etat et les intérêts publics (CHAPITRE II), les infractions relatives aux biens (vol. escroquerie, abus de confiance, recel de choses, corruption et infractions voisines...) ne seront pas abordées, en ce sens qu’elles se retrouvent, pour l’essentiel, dans le cours de droit pénal des affaires, déjà dispensé.
CHAPITRE I : CRIMES ET DELITS CONTRE LA PERSONNE
La personne humaine, en tant que corps et esprit, requiert la protection de son intégrité physique et morale. Or, elle est bien souvent la cible de diverses atteintes : les atteintes à la vie humaine: les infractions contre l’intégrité corporelle: les atteintes à la pudeur; les atteintes à l'intimité et à l'honneur des personnes. Ces atteintes contre la personne sont des infractions par nature d’autant plus que leur incrimination répond à des considérations morales dictées par les commandements suivants : « tu ne tueras point », « tu ne blesseras point ».
Les infractions contre la personne humaine peuvent être présentées en quatre grandes catégories : les infractions contre la vie humaine (génocide, crime de guerre), les infractions contre l'intégrité physique, les infractions contre les mœurs et les infractions contre la vie privée ou la famille.
SECTION 1: LES INFRACTIONS CONTRE LA VIE HUMAINE
Paragraphe I- Le Génocide
Le génocide est le plus grave des crimes contre l’humanité. Il consiste dans la destruction entière ou partielle d’un groupe humain, d’une race humaine, d’un groupe religieux ou politique, et d’un groupe ethnique. Prévu par l’article 136 du Code pénal, le crime de génocide peut être commis en temps de paix, de guerre extérieure ou intérieure. C’est une planification qui vise à faire disparaître un peuple.
A. Les éléments constitutifs du crime de génocide
Trois points méritent d’être étudiés : la matérialité du génocide, la qualité de la victime et l’élément moral.
- La matérialité du Génocide. Le génocide est le fait d’avoir ordonné des homicides, des lésions corporelles ou des atteintes graves à la santé physique ou mentale des membres d’un groupe, sous quelque forme que ce soit, mais également en prenant des mesures en vue d’empêcher la procréation ou la survie de la descendance des membres d'un groupe.
Il y a également génocide, lorsqu'il y a déplacement ou dispersion forcée des populations ou d'enfants dans des conditions qui doivent sciemment aboutir à leur mort ou à leur disparition.
Sur la base de cette matérialité, cinq crimes distincts sont prévus par la convention du 09 décembre 1948. Selon l’article 2 de ladite convention le génocide s’entend des actes prémédités suivants :
- l'atteinte volontaire à la vie, sous les termes d’assassinat et d'extermination ;
- l’atteinte grave à l’intégrité physique ou psychique ;
- la soumission à des conditions d’existence de nature à entraîner la destruction totale ou partielle du groupe humain ;
- les mesures visant à entraver les naissances, à occasionner l'avortement, la séparation forcée d'adultes de sexes opposés en état de procréer (pratique de Hitler à l'égard des Juifs) :
- enfin, le transfert forcé d’enfants, en vue de les séparer de leur groupe d'origine peut les conduire à la perte de leurs racines.
Notons que ces deux derniers points prennent leur source dans la Seconde Guerre mondiale.
- Qualité des victimes. Le génocide doit concerner un groupe déterminé. En fait, un groupe décide de faire disparaître un autre. Cette destruction doit prendre un temps plus ou moins long en fonction des moyens utilisés.
- Elément moral. L’élément moral du génocide est double. D’une part, les actes matériels doivent avoir été commis intentionnellement. D’autre part, les mobiles sont pris en considération : c’est dire que l’auteur doit avoir conscience d’agir dans le cadre d’un plan concerté visant la destruction totale ou partielle d’un groupe. Il n’est pas nécessaire qu’il ait participé à l’élaboration du plan, mais doit en avoir conscience.
Le dol spécial du crime de génocide consiste à vouloir atteindre non seulement la victime, mais encore, à travers elle, le groupe auquel l’auteur sait ou croit savoir qu’elle appartient.
B. La répression
Deux points méritent d’être abordés ici. D’une part, le problème de la participation au crime de génocide et celui de la juridiction compétente.
- Participation au génocide. L’article 136 du CP vise tous les auteurs des actes de génocide. Il s’agit de toute personne s’étant rendue coupable d’acte qui traduit une quelconque manifestation du génocide, peu importe qu’il s’agisse de gouvernants, de fonctionnaires ou de particuliers, pourvu que cette extermination ciblée sur un groupe ethnique ou une population donnée soit connue desdites autorités et qu’elles aient adopté un comportement passif ou complice alors qu’elles pouvaient tout mettre en œuvre pour l’empêcher ou la prévenir.
- Juridiction compétente, tout individu accusé de génocide est poursuivi devant la juridiction nationale dans le ressort territoriale de laquelle l’acte a été commis. Il peut également être poursuivi devant une juridiction pénale internationale, c’est le cas notamment de la Cour pénale internationale et des tribunaux pénaux spéciaux.
En droit ivoirien, le crime de génocide était puni de la peine de mort jusqu’à la réforme constitutionnelle de 2000. Désormais, l’accusé encourt soit la peine à perpétuité, soit la peine privative de liberté de 20 ans.
Paragraphe 2 : Les crimes de guerre (Article 139 CP)
Les crimes de guerre sont les violations les plus graves de droit de la guerre. Le crime de guerre s’entend des actes visant à faire disparaître un pays ennemi, ou à exterminer des soldats adverses. Cela entraîne des lourdes installations militaires et l'occupation de territoire adverse, l'appropriation de biens divers par voie de réquisition. Les crimes de guerre peuvent intervenir l'encontre de population civile ou de prisonnier de guerre.
A. Crimes contre la population civile
De tels crimes peuvent être commis soit par les nationaux ennemis, soit par des agents au service de l'administration ou d'intérêts ennemis.
Manifestations de l’infraction (actes). Il peut s’agir d’homicides, de torture, de traitement inhumain. Il peut s’agir également d’expériences biologiques inhumaines, de l’exposition à la famine, à la misère ou à la ruine, de favoriser la dispersion forcée, la déportation ou la détention systématique dans des camps de concentration ou de travail forcé.
Ou encore, de l’enrôlement forcé dans les forces armées ou dans les services de renseignements ou d’administrations ennemis. Ou enfin, de la soumission à des mesures de terreur, la prise d’otage et l’imposition de peines ou de représailles massives.
B. Crimes contre les prisonniers
Cette catégorie concerne les actes causés aux victimes de guerre. Une victime de guerre peut être soit un national, soit un protégé ivoirien, soit militaire en service ou ayant servi sous le drapeau ivoirien. Les biens sont de toutes ces personnes sont également concernés par cette protection, mais aussi de toutes les personnes morales de droit privé et de droit public.
Manifestations de l’infraction (actes). Il y a crime de guerre lorsque :
- l’agent organise, ordonne ou pratique envers des prisonniers ou des individus internés de guerre des homicides, des actes de torture ou de traitements inhumains ou des actes entraînant de graves souffrances ou dommages,
- contraint des prisonniers ou des individus internés de guerre à s’enrôler dans les forces armées ou dans les services de renseignements ou d’administration ennemis,
- empêche ou met dans l'impossibilité des prisonniers ou des individus internés de guerre d’user des droits qui leur sont garantis par les conventions internationales.
Avec la suppression de la peine de mort en 2000, la peine est l'emprisonnement à vie.
SECTION 2 : LES INFRACTIONS CONTRE L’INTÉGRITÉ PHYSIQUE (Art. 378 CP)
On entend par infractions contre l'intégrité physique, les crimes et les délits qui portent atteinte à la vie, soit par la mort, soit par la violence et par l’usage de substances ou moyen susceptibles de causer un mal. Il s’agit notamment : de l'homicide volontaire et des coups et blessures volontaires ; du parricide (le fait pour fils de tuer ses père et mère ou des deux peu importe qu’il s’agisse de parents naturels ou adoptifs), de l’empoisonnement, du refus de porter secours, de l’homicide ou coups et blessures volontaires.
Seront étudiées, les infractions d'homicide volontaire, de coups et blessures volontaires, d’empoissonnement et de coups et blessures involontaires.
Paragraphe 1 : L’homicide volontaire
L’homicide volontaire est le fait de donner la mort. On la qualifie de volontaire, parce que celui qui la réalise (son auteur) à fait exprès pour tuer la victime : c’est un résultat voulu et l’article 378 du CP peut disposer « est qualifié de meurtre, l’homicide commis volontairement ».
Le meurtre peut être simple ou aggravé. Mais il obéit dans les deux cas à des règles communes de répression.
A. Le meurtre simple
- Elément matériel du meurtre simple. Il se cristallise dans toute action exercée sur la victime et de nature à causer la mort. Il faut donc un acte positif puisque le meurtre est une infraction de commission. Ainsi, le défaut de soins, de secours, ne peuvent caractérisée le meurtre s’ils ne sont pas suivis de gestes positifs précis.
En outre, la victime doit être une personne humaine déjà née et vivante. De sorte que les atteintes contre la vie d’un fœtus ne constituent pas un meurtre, mais plutôt un avortement. Lorsque les atteintes portent sur un enfant on parle d’infanticide.
Toutefois, la question se pose si les atteintes portent sur une personne déjà décédée. Faut-il parler de meurtre ou de tentative de meurtre ? Selon une certaine doctrine tout à fait autorisée, il y a plutôt infraction impossible. Or, une telle infraction est punie car l’impossibilité dont s'agit est d’origine factuelle.
Voir sur le point de la répression de l’infraction impossible les références jurisprudentielles ci-après :
- Cass, crim., 1946- RSC. 1948, p, 147 : pour avoir ouvert le feu sur un individu mort auparavant et maintenue debout dans l’élan de sa course, une personne a été renvoyée devant la Cour d’assises par une Chambre d’accusation ;
- Gazette du palais, 1973, I,25 ou RSC 1971, p. 880 : une cour suprême approuve une Cour d'assises d’avoir condamné pour meurtre deux individus qui auraient agi de concert et dont Lun avait frappé la victime alors qu'elle était déjà morte ;
- Cass, crim., 16 janvier 1986, Bull. crim. 1986 p. 265 : la Cour de cassation valide la condamnation d’un individu pour tentative de meurtre < lors même que la personne avait déjà été tuée.
- Élément moral du meurtre simple. Il consiste en une faute intentionnelle : l’homicide commis volontairement puisque l’acte matériel a été commis avec l’intention de donner la mort. On en déduit que le résultat seul ne suffit pas. Pour que le meurtre soit établi, il faut que l’acte matériel mortel ait été porté avec l’intention de tuer. Cette intention est de mise quel que soit le mobile de l’auteur. En revanche, l’erreur peut faire disparaître l’intention, pourvu qu’il s’agisse d’une erreur de fait (le fait de se tromper de bonne foi sur les circonstances de l’infraction) et non de droit car « nul n 'est censé ignoré la loi ».
B. Le meurtre aggravé
Il est prévu dans le Code pénal, des cas de meurtre aggravé. Mais en réalité qu’est-ce qu’un meurtre aggravé ?
On entend par meurtre aggravé, l’homicide volontaire qui intervient dans les conditions du crime de meurtre et qui bien plus se fait dans des circonstances aggravantes admises comme telles par la loi.
- Les causes d’aggravation du meurtre. Il s’agit de circonstances relatives notamment :
- à l’intention, le cas de l’assassinat (le meurtre avec préméditation) ;
- aux circonstances de l’infraction : le recours au guet-apens, la commission du meurtre avec d’autres crimes ;
- à la corrélation du meurtre avec un délit ;
- aux moyens utilisés.
C. Des règles communes de répression
La tentative de meurtre est toujours punissable (art. 28 CP), pourvu qu’il ait eu un commencement d'exécution et un désistement involontaire. Il en va également de la complicité qui est demeure punissable suivant les règles de droit commun de la complicité (art. 30 CP).
Quant à la peine applicable, le meurtre simple est puni de l'emprisonnement à vie et d’une peine complémentaire obligatoire : la confiscation de l’arme, ou objets ayant servi pour le crime (art. 380 al. 1 CP).
Les meurtres aggravés sont punis de l’emprisonnement à vie (Art. 380 al. 2 CP).
Paragraphe 2 : L’infraction de coups et blessures volontaires et voies de fait
L’infraction de coups et blessure volontaires est prévue par les articles 381 à 383 du CP. On entend par coups et blessures volontaires ou voies de faits, tous actes par lesquels s’exprime une agressivité et une brutalité de l’homme à l'encontre de son semblable en lui causant des lésions ou des traumatismes plus ou moins graves.
La gravité de cette infraction varie selon qu’elle est réalisée avec ou sans volonté.
A. La matérialité de l’infraction de coups et blessures volontaires
Il faut un acte positif. Et quel que soit la volonté l’auteur, il ne peut y avoir, infraction de coups et blessures volontaires à l’absence de passage à l’acte. En clair, il faut un acte par lequel l’auteur entre en contact avec le corps de la victime.
La blessure est une lésion portée sur le corps humain par suite d’un choc, il peut s’agir d’une contusion, plaie, même le crachat au visage est assimilé à un coup.
Le coup est une impression faite sur le corps humain, peu importe qu’il ait laissé ou non une trace. Les coups sont des gestes par lesquels s’établit un rapport brutal ou par l’intermédiaire d’un objet. En jurisprudence, il y a coup par l’usage d’arme, jet de pierres ou par excitation de chien à mordre un individu, ledit chien étant ici assimilé à un instrument entre les mains du maître.
Le coup peut se traduire aussi par de la violence, sans qu’il ait eu un coup ou blessures proprement dits. Dans le même esprit, le coup peut être assimilé à des violences ou voies de faits alors même qu’il n’y a pas eu de contact matériel. Ce qui peut être le cas de coup de fils intempestifs qui constituent, du reste, des voies de fait (art. 382 CP).
Dans tous les cas il faut un lien de causalité : les coups ou blessures doivent atteindre effectivement la victime.
B. L’élément moral
L'intention est déduite de la conscience que l’auteur a de porter les coups et blessures et de causer un ou des dommages à sa victime.
Ici encore le mobile est indifférent sur la constitution de l'infraction. Qu’il se soit trompé ou non, l'infraction existe. L’erreur ne joue donc pas (cass. crim., 1984, Bull critn, n°362).
C. La répression
La répression de l'infraction de coups et blessures volontaires peut se faire par des peines simples ou par des peines aggravées.
- Les peines simples. L'article 381 punit celui qui volontairement porte des coups ou fait des blessures ou commet toute violence ou voie de fait :
a) d'un emprisonnement de cinq à vingt ans lorsque ces coups sont portés et les blessures faites, même sans intention de donner la mort, l'ont pourtant occasionnée ;
b) d’un emprisonnement de cinq à dix ans et d'une amende de 100 000 à 1 000 000 FCFA lorsque les violences ont occasionné une mutilation, amputation ou privation de l’usage d'un membre, la cécité ou la perte d'un œil ou toute autre infirmité permanente.
c) d’un emprisonnement d’un an à 5 ans et d'une amende de 50 000 à 500 000 FCFA lorsqu’il en est résulté une maladie ou une incapacité totale de travail personnel pendant plus de 10 jours ;
d) d’un emprisonnement de un mois à un an et d’une amende de 100 000 à 1 000 000 FCFA lorsqu’il n’en résulte aucune maladie ou incapacité de travail personnel pendant plus de 10 jours.
- Les peines aggravées. Les peines prévues par l’article 381 du CP sont aggravées par l’article 383 du CP si les coups et blessures volontaires portent sur les pères et mères (adoptifs ou naturels), sur des autorités publiques. (Voir en ce sens, l’article 383 du CP).
Paragraphe 3 : L'infraction d'emprisonnement
Selon la science médicale, l’empoisonnement est tout processus d'intoxication résultant de l’injection d'une substance plus ou moins nocive pour la santé.
En droit pénal, l'article 378 al. 4 du CP le définit comme étant tout attentat à la vie d'une personne, par l'effet d'une substance qui peut donner la mort, plus ou moins promptement, de quelque manière que cette substance ait été employée ou administrée et qu’elles qu’aient été les suites de cet attentat.
L'empoisonnement est un crime formel qui se distingue du meurtre et de l'infraction matérielle : il se constitue par l'administration de substances simplement nuisibles à la santé de l’homme telles que prévues par l’article 378 al. 4 du CP.
A. Eléments constitutifs de l’infraction d’empoisonnement
La matérialité de l’infraction : l’Administration ou l’Emploi de la substance toxique. L’empoisonnement est à la fois caractérisé et consommé par l’emploi et l'administration d’une substance incriminée en vue d’attenter à la vie d’une personne et au moment de cet emploi, peu importe que la personne ait été tuée ou pas.
Il faut donc avoir pour objet d’attenter à la vie de la victime et que le poison a été absorbé. Ce qui veut dire que l’auteur doit avoir administré ou employé le poison.
Les substances concernées. Il s’agit surtout des substances toxiques, ou vénéneuses. Ce qui exclut toutes les substances non toxiques. Toutefois, un produit non toxique à la base peut être qualifié de toxique s’il est employé dans des conditions qui neutralisent ses qualités.
L’acte matériel de l’infraction d’empoisonnement peut prendre la forme d’une tentative. Dans ce cas on parle de tentative d’empoisonnement. Il faut comme règle générale un commencement d’exécution et une absence de désistement volontaire. Concrètement, il y aura tentative d’emprisonnement lorsque l’empoisonneur aura essayé sans encore y parvenir d’administrer le poison dans l’organisme de la victime.
- L’élément moral de l’infraction d’empoisonnement. En ce qu'il est un attentat à la vie humaine, par l’effet d'une substance pouvant entraîner la mort, l’infraction d’empoisonnement implique nécessairement la volonté de son auteur. La preuve de cette intention incombe à la partie qui poursuit et elle peut se faire par tous moyens par le Ministère public. Peu importe les mobiles du délinquant ou de la personne de la victime.
S'il y a erreur sur la substance, c'est-à-dire le délinquant utilise un produit qu'il croyait non nocif ayant entraîné la mort, sans intention de donner la mort, il n'y a point d'homicide involontaire. Ce qui n'est pas le cas si le délinquant utilise un produit nocif ayant entraîné la mort, sans intention de donner la mort : en l’espèce il est poursuivi pour crime de violences ou voies de fait.
De même en cas d’utilisation par erreur de substance supposée mortelle et ne pouvant entraîner la mort alors que l’on en a eu l’intention, il y a tentative d’empoisonnement. Pour d'autres il n’y a pas infraction car il y a une impossibilité d’empoisonnement due à une erreur sur la substance. Pour notre part, il y a infraction car l’impossibilité ici est de fait.
B. La répression de l’infraction d’empoisonnement
L’empoisonnement ou sa tentative est un crime qui était puni de la peine de mort jusqu’à la réforme constitutionnelle de 2000. Depuis il est puni de la peine à vie (art. 379 CP).
SECTION 3 : LES INFRACTIONS CONTRE LES MŒURS (Arts. 403 et 404 CP)
On a : la violation de domicile, le viol et les atteintes à la pudeur, l’avortement. Seules, les trois dernières seront étudiées.
Paragraphe 1 : Le viol
Le viol est un attentat aux mœurs commis par une personne sur autrui en vue de se procurer une jouissance chamelle, par la mise en contact ou le rapprochement des sexes : le tout à l’aide de violences. Il constitue une infraction de nature spéciale.
A. Les éléments constitutifs
- Acte matériel. La matérialité de l'infraction de viol se traduit par un acte de pénétration ou non ; peu importe que la relation se soit réalisée ou non. Le seul fait d’avoir essayé de commettre suffit à exposer l’agent à la sanction pénale. Il n’y a pas viol d’un homme par une femme, pour la simple raison que le viol à tout le temps concerné l’acte de l’homme sur la femme.
Cela dit le viol existe même si la victime est vierge ou même si la personne pratique de la prostitution dès lors qu’elle ne consent pas.
- Intention coupable. Elle se caractérise par la violence exercée sur la victime pour atteindre le but. Il peut s’agir de violence morale ou de violence physique. Alors la question que l’on peut se poser est de savoir s'il peut avoir viol entre époux ? La réponse est positive dès lors que l'époux use de violence qui affecte la volonté libre de l'épouse de faire l'acte sexuel.
On déduit donc que l’absence de consentement constitue l’élément essentiel de l'infraction de viol.
Par ailleurs, pour la jurisprudence, la victime doit être vivante. Ainsi la conjonction sexuelle avec un cadavre constitue une violation de sépulture et non un viol. Ce qui est tout à fait vraisemblable dans la mesure où le viol suppose l'absence de consentement or un cadavre ne peut consentir.
B. La répression du viol
Le viol est un crime puni au terme de l'article 403 du CP d'une peine comprise entre 05 et 20 ans d’emprisonnement. Cette peine est aggravée si :
- L'auteur est aidé par une ou plusieurs personnes ayant autorité sur la victime :
- L'auteur est le père, un ascendant ou une personne ayant autorité sur la personne ;
La victime est un mineur de 15 ans, peu importe que le délinquant ait cru que la victime était plus âgée.
La peine est à vie si le viol entraine une mutilation ou une infirmité permanente ou la mort.
Ces peines s’appliquent à la complicité et à la tentative.
Les règles de poursuite en matière de viol sont plus corsées. En effet, tout médecin est tenu d’informer le Procureur de la République des sévices qu'il constate dans l’exercice de sa profession et qui renvoient à la commission d’un viol. De même, toute association déclarée à la date des faits et ayant un intérêt peut mettre en mouvement l’action répression du viol.
Paragraphe 2 : L’avortement (Arts. 425 à 429 CP)
L’avortement est un délit qui consiste en l’interruption d’une grossesse par breuvage, médicaments, manœuvres, violences ou tout autre moyen.
A. Eléments constitutifs de l’avortement
Pour être établie, l’infraction d’avortement suppose : l’interruption avec ou non consentement de la femme, en dehors de tout cadre thérapeutique légal.
- Interruption de la grossesse avec ou non le consentement de la femme. L’article 425 du CP dispose que l’interruption de grossesse avec le consentement ou non de la femme est puni d’une peine d’emprisonnement d’un à cinq ans et d’une amende de 150 000 à 1 500 000 FCA.
Le délit d’avortement n’est constitué que si la femme est enceinte. Le moins qu’on puisse dire est que le résultat, l’interruption voulue et effective de la grossesse, est un élément caractéristique de l’infraction. Alors on peut se demander qu’advient-il si le résultat n’est pas atteint ou si une interruption de grossesse intervient suite à des violences faites sans intention d’interrompre ladite grossesse ? En l’espèce, il n’y aura pas avortement mais plutôt homicide par imprudence sur la personne de l’enfant.
- Un avortement en dehors du cadre légal thérapeutique. Lorsque l’avortement intervient pour des raisons médicales ou vitales dûment constatées, il n’y a pas infraction. Dans ce cas le médecin traitant doit prendre l’avis conforme de deux autres médecins consultants. Mais, dans le cas échéant le médecin atteste sur l’honneur de la nécessité de procéder à l’avortement (v. art. 427 CP).
B. La répression de l’avortement
Les peines principales sont l'emprisonnement d'un à cinq ans et une amende de 150 000 à 1 500 000 FCFA. Toutefois elles peuvent être aggravées pour atteindre dix ans, l'emprisonnement et une amende de 1 000 000 à 10 000 000 I CFA si l'auteur est coutumier du fait.
Toute femme qui se procure ou tente de se procurer l'avortement s'expose à une peine de six mois à deux ans d'emprisonnement et une amende de 30 000 à 300 000 FCFA (Art. 426 CP).
C. La tentative d’avortement
Il y a tentative d’avortement même si les produits abortifs n’ont pas été mis en œuvre mais que leur préparation a atteint un niveau tel que l’auteur était suffisamment avancé pour justifier le commencement d’exécution.
Pour preuve l’article 429 du CP dispose d’ailleurs que « quiconque vend, met en vente, fait vendre, distribue ou fait distribuer de quelque manière que ce soit, des remèdes, substances, instruments, ou objets quelconques sachant qu’ils étaient destinés à commettre le délit d'avortement, alors même que cet avortement ne serait ni consommé, ni tenté, ou que lesdits objets seraient en réalité inaptes à le provoquer ». Le délit impossible est punissable.
D. La complicité d’avortement
Le complice est celui qui provoque l’avortement. Mais il ne doit pas s’agir de simples conseils. L’acte de complicité doit être plus sérieux et plus ambitieux : le fait de donner par exemple l’adresse de l’avorteur. Le complice ne peut exciper sa responsabilité pénale en arguant le consentement de la victime.
Paragraphe 3 : L’outrage public à la pudeur
Il s'agit d'un acte impudique ou contre nature avec un individu. Pour être constitutif d'un outrage public à la pudeur, l’acte doit avoir été commis en public et avec la conscience d’offenser la pudeur d’autrui.
L'infraction est constituée par soit des actes obscènes commis dans un lieu public ou dans un lieu privé.
Le lieu public est tout lieu ouvert au public. Les lieux privés, sont les lieux qui ne sont pas ouverts au public ou à tout le monde. Bien que privés, il peut s’y réaliser des faits qui choquent.
En clair, l'acte matériel d'outrage public s'apprécie par son indécence aux yeux des personnes devant qui il a lieu (témoins) : se mettre nue en public ou faire l’amour en public etc.
Comme tout délit, l'outrage public à la pudeur nécessite une intention. Ainsi, l’infraction n'est pas constituée si l'auteur avait perdu les facultés mentales.
L'outrage public à la pudeur est puni d'une peine d'emprisonnement de trois mois à deux ans et d'une amende de 50 000 à 500 000 FCFA. Cette peine est de six mois à deux ans si l’acte impudique a lieu avec un individu du même sexe. Ces peines peinent à être portées au double si le délit est commis envers un mineur ou en présence d’un mineur de 18 ans.
SECTION 4 : LES INFRACTIONS CONTRE LA VIE PRIVÉE OU LA FAMILLE
Les infractions contre la famille se manifestent par des atteintes à l’état civil d’un enfant et par la violation des obligations découlant du mariage.
Paragraphe 1 : L’atteinte à l’état civil d’un enfant (Art. 451 CP)
Cette infraction est prévue et punie par l’article 451 du CP en ces termes : « Est puni d'un emprisonnement de cinq à dix ans quiconque, par ses agissements, compromet, détruit ou modifie l’état civil d’un enfant au-dessous de l’âge de 10 ans ou d’un enfant plus âgé mais atteint d’une infirmité mentale le rendant incapable de connaître sa propre identité.
- S'il n’est pas établi que l’enfant ait vécu, la peine est d’un mois à cinq ans d'emprisonnement ;
- S'il est établi que l’enfant n ’a pas vécu, la peine est de six jours à trois mois d'emprisonnement ».
Paragraphe 2 : La violation des obligations résultant du mariage : les délits d’abandon de famille, d’adultère et de bigamie
A. Le délit d’abandon de famille (Art. 452 CP)
1. Domaine de l’infraction
Cette infraction dont l’existence s'établit à travers un délai bien précis, concerne un certain nombre de personnes. Elle admet des actes matériels précis.
- Les personnes concernées. Il s'agit des père et mère de famille qui abandonnent sans raison grave, pendant plus de deux mois, la résidence familiale et se soustraient à tout ou partie des obligations d’ordre moral ou d'ordre matériel découlant de l’exercice de la puissance paternelle et, depuis la réforme de 2013, de l’autorité parentale.
- Délai imparti de constitution de l’infraction. L’infraction est constituée dans un délai de deux mois. Elle ne peut être interrompue que par le retour du parent en famille avec la ferme volonté de reprendre définitivement la vie familiale.
-- La matérialité de l’infraction. Commet le délit d’abandon de famille :
- le père ou la mère de famille qui abandonnent sans raison grave, pendant plus de deux mois, la résidence familiale et se soustraient à tout ou partie des obligations d’ordre moral ou d’ordre matériel découlant du mariage ;
- le mari qui, sans motif grave, abandonne volontairement pendant plus de deux mois sa femme, alors qu’elle est enceinte ;
- le père ou la mère qui ayant confié à un tiers l’entretien de leur enfant refuse, de mauvaise foi, de payer le montant des dépenses nécessaires à son entretien ;
- le père ou la mère déchus ou non de l’autorité parentale qui compromettent gravement par de mauvais traitements par des exemples pernicieux d’ivrogneries habituelle ou d’inconduite notoire, par défaut de soins ou par un manque de direction nécessaire, soit à la santé, soit la sécurité, soit la moralité d’un ou de plusieurs de leurs enfants ;
2. La répression
Lorsque de tels agissements sont constatés et que l’auteur est interpellé, celui-ci dispose de huit jours pour exécuter ses obligations. S’il est en fuite ou s’il n’a pas de résidence connue, l’interpellation est remplacée par une notification administrative ou dernier domicile connu. Il faut retenir qu’au cours du mariage, la poursuite n’est exercée que sur plainte de l’époux resté au foyer.
Lorsqu’elle aboutit, le prévenu encourt une peine d’emprisonnement de trois mois à un an et d'une amende de 100 000 à 1 000 000 FCFA.
Enfin il est bon à savoir que :
Le défaut de paiement est présumé volontaire, sauf preuve contraire ;
L’insolvabilité qui résulte de l'inconduite habituelle ou de la paresse, n’est pas un motif d’excuse valable pour le débiteur ;
Le tribunal compétent est celui du domicile ou de la résidence du créancier des subsides, notamment le conjoint (e) poursuivi ;
La personne condamnée peut se voir interdire le séjour.
B. Le délit d’adultère
Il est prévu par l'article 456 du CP. Plus grave que la bigamie, le délit d'adultère est considéré comme une infraction à la fois privé et social en ce qu'elle porte atteinte aussi bien à une personne qu'à l'institution du mariage.
L'infraction d'adultère présente des spécificités qu’il convient de voir avant d'étudier la procédure de répression.
1. Les spécificités pénales de l’infraction d’adultèreL’épouse coupable d’adultère subie la peine d’emprisonnement de deux mois à un an. L’époux qui aura entretenu dans la maison conjugale ou en dehors des relations sexuelles habituelles avec une femme autre que son épouse, commet le délit d’adultère. La culpabilité du mari pour adultère existe si ce dernier a des relations sexuelles habituelles avec une femme autre que son épouse dans la maison conjugale ou en dehors.
- Le cas du complice. Le complice de la femme convaincue d’adultère est puni de la même peine que celle-ci. Il ne parle pas de la concubine. Toutefois, la femme qui assiste en toute conscience son mari dans l’acte d’adultère est complice dudit délit et encourt les peines d’adultère.
- Le cas de la tentative. Elle est impunie, en l'absence de flagrant délit, de lettres ou autres pièces écrites (de mains).
2. La procédure
La mise en mouvement de l’action publique en matière d’adultère, est soumise à la plainte préalable de l’époux lésé. En effet, l’adultère est une infraction qui touche aux intérêts intrinsèques de la victime. Le Ministère public ne peut agir d’office, de sa propre initiative.
Ainsi, la connivence ou le pardon du conjoint offensé emporte arrêt de toute poursuite et le conjoint offensé peut mettre fin à l’effet de la condamnation prononcée, en acceptant de reprendre la vie commune avec le conjoint fautif.
Exemple pratique : Dans le cadre d’une instance en divorce, M. x, s’appuyant sur l’ordonnance de non conciliation, l’autorisant à avoir une résidence séparée de celle de son épouse (Mme x), a décidé de faire venir sa concubine (Melle Lapetite) dans le domicile conjugal alors que sa femme légitime vit provisoirement dans une autre maison.
Le comportement de M. x est-il constitutif d’adultère ?
Solution : D'abord, le devoir de fidélité entre époux demeure jusqu'au rejet du pourvoi en cassation qui peut être formé contre la décision qui a prononcé le divorce en dernier ressort ; ensuite le domicile conjugal où continue de vivre le mari malgré le départ de l’épouse, le temps de l'instance en séparation de corps ou de divorce, garde le caractère de maison conjugale. C'est seulement après qu’aura été prononcée la décision définitive de séparation de corps ou de divorce que les époux seront officiellement et définitivement dispensés de la vie commune, qu’il n’existera plus d'habitation ou de ménage commun parce que tout simplement chacun pourra revendiquer un domicile individuel distinct.
De ce qui précède, M. x n'est pas fondé à faire venir sa concubine dans le domicile conjugal. Le faisant, il commet le délit d’adultère.
C. Le délit de bigamie
Suivant l’article 455 du CP, constitue un délit le fait pour une personne engagée dans les liens du mariage d’en contracter un autre avant la dissolution du précédent.
L’existence de l’infraction de bigamie admet une condition préalable et des éléments constitutifs.
1. La condition préalable
Pour qu’il ait bigame, il faut un premier mariage. Ce premier mariage est la condition préalable à la constitution de la bigamie. Il doit donc être valable et non dissout.
La validité doit être établie d’autant plus que l’on ne peut prétendre être dans les liens d’un mariage alors même que le mariage n’est pas valide. C’est pourquoi le prévenu du délit de bigamie peut invoquer la nullité du mariage pour se soustraire des poursuites.
2. La matérialité du délit de bigamie
Ne peut être poursuivi pour bigamie, celui qui s'est cru, de bonne foi, libre au moment de la conclusion du second mariage.
La matérialité de la bigamie s’apprécie au regard des moyens frauduleux mis en œuvre pour obtenir le second mariage : l’exemple de quelqu’un qui est déjà marié et qui fait un dossier en vue d’un second mariage.
La tentative de bigamie est punissable dès lors qu’il y a commencement d’exécution et absence de désistement volontaire.
Le complice est également puni : est punissable l'officier d'état civil ou le Ministre du culte qui prête son ministère au second mariage en connaissance du mariage précédent à la bigamie.
3. La répression
Le délai de prescription de trois ans de l’action publique commence à courir partir de la célébration du second mariage.
La bigamie est punie d’une peine d’emprisonnement de six mois à trois ans et d’une amende de 50 000 à 500 000 FCFA.
CHAPITRE II : CRIMES ET DELITS CONTRE L’ETAT ET LES INTÉRÊTS PUBLICS
Il s’agit entre autres de la trahison et l’espionnage, de l’atteinte à la défense nationale, du complot, et des attaques des bandes organisées.
SECTION 1 : LA TRAHISON ET L’ESPIONNAGE (Art. 145 à 148 CP)
Prévues par les articles 145 à 148 du Code pénal, la trahison et l’espionnage sont des crimes commis dans l'intention de favoriser les entreprises d’une puissance étrangère au détriment des intérêts de l’Etat de Côte d'Ivoire. On parle de trahison, lorsque les faits sont commis par un ou des individus de nationalité ivoirienne et d’espionnage lorsque les personnes responsables sont de nationalité étrangère.
Paragraphe 1 : La Trahison
La trahison consiste pour un national ivoirien ou pour un militaire de nationalité ivoirienne d’entreprendre de servir les intérêts de puissance étrangère au détriment de ceux de la Côte d'Ivoire. Pour exister, le crime de trahison exige des éléments constitutifs qui une fois établis emporte la répression.
A. Les éléments constitutifs
Aux termes des articles 145 à 147, l'infraction de trahison est constituée dès lors que l’on est dans un des cas suivants :
- le fait de porter des armes contre la Côte d'Ivoire ;
- le fait de livrer à une puissance étrangère ou à ses agents, soit des troupes ivoiriennes, soit des territoires, villes, ouvrages, postes, magasins, matériels, munitions, navires, bâtiments, ou appareils de navigation aérienne ou de locomotion ferroviaire appartenant à la Côte d'Ivoire ou affectés à la défense nationale ;
- le fait de détruire ou détériorer un navire, un appareil de navigation aérienne ou de locomotion ferroviaire, un matériel, une fourniture, une construction ou une installation quelconque ou encore d’apporter soit avant, soit après leur détérioration ou leur destruction, des malfaçons de nature à les endommager, les empêcher de fonctionner normalement ou à provoquer un accident, le tout dans le but de nuire à la défense nationale ;
- le fait de provoquer chez des militaires de se mettre au service d'une puissance étrangère ou de leur en faciliter les moyens ;
- le fait de procéder à des enrôlements pour le compte de puissances étrangères ;
- le fait d’être en intelligence avec une puissance étrangère ou avec un agent en vue de favoriser les entreprises de cette puissance étrangère contre la Côte d'Ivoire ;
- le fait d'entraver la circulation de moyens matériels militaires ;
- le fait de participer à une entreprise de démoralisation des forces années ou de la nation avec comme objectif de nuire à la défense nationale ;
- le fait de se procurer, de livrer, de détruire, ou de laisser détruire, sous quelque moyen que ce soit, un renseignement, objet, document ou procédé qui doit être tenu secret dans l’intérêt de la défense nationale, le tout dans le but de favoriser une puissance étrangère.
Le crime de trahison, on le voit, est une infraction dont la matérialité renvoie à des éléments constitutifs précis qui implique nécessairement la volonté de l’individu : l’intention irrévocable de commettre l’un quelconque des actes matériels listés dans les articles 145 à 147 du CP.
B. La répression
La trahison est punie de peine de droit commun, contrairement à ce qui se passait initialement où elle était punie de peines politiques. Les articles 145 à 147 prévoient la peine d’emprisonnement à vie.
Paragraphe 2 : L’espionnage (Art. 148 CP)
Il y a donc crime d'espionnage lorsqu'un individu de nationalité étrangère, agissant clandestinement, recueille des informations dans la zone d’opérations d’un belligérant avec l'intention de les communiquer à la partie adverse. Le crime d’espionnage peut se produire en temps de paix et porter atteintes à des intérêts économiques ou stratégiques.
Quant aux éléments constitutifs de l'infraction d’espionnage, ils sont posés par l’article 148 du CP qui indique : que tout étranger ou apatride qui commet l’un des actes prévus par les articles 145 (2°, 3°,4°). 146 et 147 du CP.
Ce sont donc au regard des articles visés :
- le fait de provoquer chez des militaires de se mettre au service d’une puissance étrangère ou de leur en faciliter les moyens ;
- le fait de procéder à des enrôlements pour le compte de puissances étrangères ;
- le fait d'être en intelligence avec une puissance étrangère ou avec un agent en vue de favoriser les entreprises de cette puissance étrangère contre la Côte d'Ivoire ;
- le fait d'entraver la circulation de moyens matériels militaires ;
- le fait de participer à une entreprise de démoralisation des forces armées ou de la nation avec comme objectif de nuire à la défense nationale.
- le fait de se procurer, de livrer, de détruire, ou de laisser détruire, sous quelques moyens que ce soit, un renseignement, objet, document ou procédé qui doit être tenu secret dans l’intérêt de la défense nationale, le tout dans le but de favoriser une puissance étrangère.
On en déduit que le fait de porter des armes contre la Côte d'Ivoire ne peut constituer l’infraction d’espionnage. Mais l’infraction d’espionnage nécessite un élément moral, notamment la volonté de servir les intérêts d’une puissance étrangère au détriment de ceux de la Côte d'Ivoire. C’est dire donc que l’absence de ladite volonté fait obstacle au jeu de l’infraction d’espionnage. Toutefois, il n’y a d’infraction d’espionnage lorsqu’au cours d’une guerre, a formé des militaires de pays étrangers. La répression de l’espionnage y compris sa tentative et sa complicité, est punie dans les mêmes conditions que la trahison.
SECTION 2 : LA DEFENSE NATIONALE (Arts. 149 à 161 CP)
Les cas constitutifs d’atteinte à la défense nationale dont s’agit en l’espèce et prévus par les articles 149 à 161 du Code pénal, se distinguent des infractions de trahison et d’espionnage. Ici l’élément moral ne se résume pas en la volonté de favoriser les intérêts d’une puissance étrangère au détriment de ceux de la Côte d'Ivoire.
Les auteurs de telles infractions agissent certes au préjudice de la Côte d'Ivoire, mais pas dans l'intention de favoriser un pays étranger. En règle générale, lesdits auteurs sont inspirés par l’esprit de lucre. Il peut également s’agir d’une imprudence, d'une légèreté ou d’une inobservation des règlements ou loi applicables, peu importe la nationalité des auteurs.
PARAGRAPHE 1 : L’ATTEINTE AUX SECRETS DE LA DEFENSE NATIONALE
Cette atteinte suppose de rechercher les secrets pour se les approprier, les divulguer ou les détruire. Mais avant il y a lieu de s’attarder d’abord sur la notion même de secret de la défense nationale. A. Notion de secret de défense nationale
On entend par secret de défense nationale, les renseignements, objets, documents ou procédés qui doivent être gardés secrets dans l'intérêt de la défense nationale.
- Les renseignements secrets.
On entend par renseignements secrets, les secrets d'ordre militaire, diplomatique, économique ou industriel. Il s'agit de secrets qui ne doivent être connus ou détenus de personnes qualifiées pour l’intérêt de la défense nationale.
- Les documents, objets et procédés. Sont visés ici tous documents, objets ou procédés protégés par les dispositions sur le secret de la défense nationale et dont la découverte, la détention, l’exploitation, la reproduction ou la photographie peut constituer un danger pour la défense nationale.
B. Les faits constitutifs de l’infraction d’atteinte à la défense nationale
Les faits susceptibles de permettre à tout individu de porter atteinte ou de s’approprier un secret de la défense nationale et punis comme tels sont :
- le fait de s’introduire sous un déguisement ou un faux nom. Prévu par l’article 150 al. 1 du CP, il s’agit pour tout individu de s’introduire, sous un déguisement ou un faux nom ou en dissimulant sa qualité ou sa nationalité, dans un ouvrage ou poste, dans les travaux, camps ou cantonnements d’une armée, dans un bâtiment de guerre ou un bâtiment de commerce employé pour la défense nationale, dans un appareil de navigation aérienne ou de locomotion ferroviaire ou dans un établissement ou chantier intéressant la défense nationale.
La répression d’un tel fait est assujettie à la commission de deux éléments constitutifs : il faut d’une part que l’individu s’introduise dans un établissement de la défense nationale ; et d’autre, que cette introduction soit intervenue par le truchement de moyens frauduleux.
- le fait d’organiser par l’usage de moyens quelconques des correspondances ou des transmissions de secrets à distance de nature nuire à la défense nationale. Cet agissement consiste en l’organisation d’un moyen de correspondance ou de transmission à distance de nature à nuire à la défense nationale. En l’espèce, le caractère occulte du moyen de correspondance ou de transmission est un élément essentiel de T incrimination.
Ledit caractère de voir que l'organisation est dissimulée et qu'elle ne peut être révélée que par une enquête ou une perquisition. Pour autant, il n'est punissable que s'il porte.
- le fait de survoler volontairement le territoire de la République. C’est le fait de survoler le territoire national, au moyen d'un aéronef étranger, sans y avoir été autorisé préalablement par les autorités compétentes ivoiriennes ou par une convention diplomatique.
L'existence de cette infraction suppose :
- le survol du territoire de la République par un aéronef (tout appareil capable circuler dans les airs) ; que l’aéronef soit de nationalité étrangère.
- le fait d’exécuter sans autorisation dans une zone interdite. Engage sa responsabilité pénale, quiconque dans une zone d'interdiction fixée par l'autorité militaire, exécute sans autorisation, des desseins, des photographies, des levés ou opérations topographiques à l'intérieur ou autour des places, ouvrages, postes ou établissements intéressant la défense nationale.
C'est dire qu’il n'y a pas infraction dès lors que l’espace objet des desseins, des photographies, des levés ou opérations topographiques se trouve en dehors de la zone interdite.
- le fait de séjourner dans une zone interdite. C'est le fait pour tout individu de séjourner, en violation de l’interdiction, dans un espace déterminé ou dans un rayon déterminé autour des places, ouvrages, postes ou établissements militaires.
L’existence de cette infraction suppose :
- l’existence d’un texte d’interdiction ; que l’individu est effectivement séjourné au mépris de l’interdiction.
- le fait de communiquer ou de rendre public des renseignements par tout moyen.
Tous ces faits constituent des infractions à la défense nationale et sont punies d’une peine d’emprisonnement de cinq à vingt ans et d’une amende de 500 000 FCFA à 5 000 000 FCFA.
PARAGRAPHE 2 : L’ATTEINTE A LA SECURITE NATIONALE
On entend par atteinte à la sécurité nationale, le fait d’exposer la Côte d'Ivoire à une déclaration de guerre ou à des représailles : l'article susdit vise tout acte non approuvé par le Gouvernement qui expose les ivoiriens à subir des représailles ; ou tout acte d’intelligence avec les agents de puissances étrangères ou diplomatiques qui portent atteinte aux intérêts économiques essentiels de la Côte d'Ivoire.
- L’exposition de la Côte d'Ivoire à une déclaration de guerre ou de représailles
Suivant l'article 156 du CP, quiconque par des actes hostiles non approuvés par le Gouvernement, expose la Côte d'Ivoire à une déclaration de guerre, est coupable de l'infraction d’atteinte à la sécurité nationale. La première condition est donc le fait d’exposer la Côte d'Ivoire à une déclaration ou à des représailles, mais encore faut-il savoir ce qu'on peut entendre par expressions déclaration de guerre ou représailles.
On vise les actes militaires ou actes de guerre commis par des personnes investies de l’autorité publiques. Ces actes peuvent résulter non d’une relation entre leur auteur et les agents de la puissance étrangère.
La deuxième condition réside dans le fait que l'acte incrimine n'a pas reçu l'onction du gouvernement, ni préalablement ni postérieurement. Il faut préciser que de tels actes s'ils portent atteinte à un autre Etat, alors même qu’ils n’exposent la Côte d'ivoire à aucun danger, ne seront pas punissables par celle-ci. L'infraction est punie d'une peine d'emprisonnement de cinq à vingt ans.
- L’intelligence avec les agents d’une puissance étrangère L’alinéa 3 de l’article 156 du CP, incrimine le fait pour quiconque d’entretenir une intelligence avec des agents d’une puissance étrangère de nature à nuire à la situation militaire ou diplomatique de la Côte d'Ivoire ou à ses intérêts économiques. On le voit, la matérialité de cette infraction s’établit avec l’entretient d’intelligence.
Mais que faut-il savoir entendre par la notion d’intelligence. Elle peut être le fait mener des réflexions, de se concerter, de fomenter ... contre la Côte d'Ivoire, mais il appartient au juge, d’apprécier souverainement la question.
L’agent de la puissance étrangère peut être un individu de toute nationalité, y compris de nationalité ivoirienne si ce national a accepté une mission, officielle ou secrète, à lui confiée par la puissance étrangère.
- La correspondance avec l’ennemi.
Il faut savoir qu’on peut rapprocher de la notion de relation d’intelligence, les correspondances avec l’ennemi prévu à l’article 156 du CP : « quiconque, en temps de guerre, directement ou par intermédiaire, et au mépris des prohibitions édictées, fait des actes de commerce ou entretient une correspondance ou des relations avec des sujets ou des agents d'une puissance ennemie ».
Il peut s’agir de lettre, télégrammes, téléphone, par tout moyen. Pourvu que cette correspondance avec l’ennemi ait été entretenue sciemment par l’auteur, mais pas dans l’intention de nuire à la Côte d'Ivoire auquel cas on tomberait dans l'infraction de trahison ou d'espionnage. La correspondance avec l’ennemi est punie d’un à cinq d’emprisonnement et d’une amende 300 000 à 3 000 000 FCFA. Enfin, on peut rapprocher de la correspondance avec l’ennemi, l’enrôlement en temps de paix pour le compte d’une puissance étrangère.
L’infraction est prévue et incriminée comme telle par l’article 160 du CP qui indique « quiconque en temps de paix sur le territoire de la République et clandestinement, enrôle ou instruit en vue de leur enrôlement des personnes appelées à porter les armes pour le compte ou sur le territoire d'une puissance étrangère ». Elle suppose l’existence d’un acte d’enrôlement, d'insertion dans l'armée étrangère.
Peu importe que les personnes enrôlées soient des civils ou des militaires. La tentative des infractions à la sécurité nationale sont punissables.
PARAGRAPHE 3 : LES ACTES DE NATURE A NUIRE A LA DEFENSE NATIONALE
Outre les atteintes à la défense nationale déjà étudiées, il existe des actes qui à eux seuls sont de nature à nuire à la défense nationale.
Il s’agit notamment de :
- l'entrave à la circulation de moyens ou matériels militaires ;
- participation à une entreprise de démoralisation des forces armées.
- L’entrave à la circulation de moyens ou matériels militaires. Elle est prévue par l’article 158 du Code pénal qui incrimine le fait pour quiconque, en temps de paix, en vue de nuire à la défense nationale, entrave la circulation de moyens ou de matériels militaires ou par quelques moyens que ce soit, provoque, facilite ou organise une action violente ou concrète, destinées aux mêmes fins.
- La participation à une entreprise de démoralisation des forces armées. C’est le fait pour quiconque de participer en temps de paix, en connaissance de cause, à une entreprise de démoralisation des forces armées avec l’objectif de nuire à la défense nationale (art. 159 CP). On en déduit que le premier élément est la conscience de participer à une entreprise, ce qui implique l’idée d’organisation, occulte ou non, visant un plan concerté.
L’entreprise pour qu’elle soit coupable, doit tendre à la démoralisation des forcées armées. Il s’agit d’affecter la foi patriotique des troupes, leur confiance en elles-mêmes voire de dissimiler leur capacité à résister. L’élément moral de cette infraction réside non seulement dans le fait que l’agent agisse en conscience, mais aussi que l’entreprise de démoralisation ait eu pour conséquence de nuire à la défense nationale.
L’infraction est punie d'une peine d'emprisonnement allant de 05 à 20 ans.
SECTION 3 : LE COMPLOT (Arts. 163 à 168 CP)
Prévus par les articles 163 à 168, le complot et l’attentat constituent des infractions contre la paix intérieure.
Le complot est toute résolution concertée et arrêtée entre deux personnes au moins dans le but de commettre une infraction.
La formation du complot suppose l’existence d'une proposition avec la ferme intention de celui qui la fait d'associer autrui à l'entreprise criminelle. Une fois autrui adhère et que cela emporte une concertation avec la prise d’une résolution précise, le complot est établi. En revanche, il peut avoir complot même si autrui n'adhère pas à la proposition, pourvu qu'elle ait été faite et qu'elle ait engendré la prise d'une résolution.
Dans tous les cas, la résolution d'agir doit porter sur la commission de crimes contre la personne ou la propriété. Le complot est une infraction continue en ce qu’il perdure tant que demeure le concert de résolution par lequel on l'identifie.
D’ailleurs, une doctrine tout à fait autorisée considère que le complot, emporte une succession de délibérations et de résolutions qui ont chacune le caractère de complot, mais qui sont liées les unes aux autres par une unité de but et de conception, continuant ainsi la même infraction. Le complot est puni de 05 à 20 ans d’emprisonnement.
Enfin, il faut savoir que le complot peut être aggravé s’il est suivi ou précédé de certains actes, notamment : la fabrication, la détention ou la distribution d’armées prohibées. Dans ce cas, il peut être puni de l’emprisonnement à vie.
SECTION 4 : LES BANDES ARMÉES (Arts. 174 et 175 CP)
Prévues par les articles 174 à 175 du Code pénal, l’organisation de bandes armées renvoie à tout groupe de personnes combattant sous les ordres d’un chef.
La constitution de l’infraction suppose que :
- la bande soit organisée (une association hiérarchisée avec à sa tête des personnes ou personne exerçant un commandement) ;
- la bande soit armée ;
- la bande poursuit un but (notamment le fait de troubler l’Etat, soit envahissement, pillage ou le partage de biens publics ou privés).
Cette infraction est sévèrement punie puisque le chef d’une bande armée encourt la détention à vie. Quant aux autres membres, notamment les subalternes, ils encourent la peine d’emprisonnement de 05 à 20 ans.
C'est ici que s'achève ce cours du le droit Pénal spécial en Côte d'Ivoire.
1 commentaire