Dans cet article, nous aborderons les questions relatives au régime juridique de l'enfant, de la légitimation, à l’adoption en passant par l'exercice de l’autorité parentale exercée par les parents en droit ivoirien.
Il s’agit d’apporter des réponses aussi précises que concises aux préoccupations suivantes :
1- Comment légitimer un enfant né de parents non mariés ?
2- Comment reconnaît-on un enfant naturel ?
3- Peut-on obliger le père d’un enfant naturel à reconnaître cet enfant ?
4- Dans quel cas l’action en recherche paternité est-elle recevable ?
5- Un homme marié peut-il reconnaître son enfant adultérin ?
6- Qui peut adopter un enfant ?
7- Peut-on adopter un enfant lorsque l’on en a déjà ?
8- Qui est responsable du dommage causé par un enfant mineur ?
9- Qui est titulaire de l’autorité parentale ?
10- Quels sont les droits et devoirs attachés à l’autorité parentale ?
11- Peut-on être privé de l’autorité parentale ?
1- Comment légitimer un enfant né de parents non mariés ?
La légitimation permet de transformer une filiation naturelle en filiation légitime.
L’enfant né hors mariage est alors assimilé pour l’avenir à un enfant légitime.
Le mariage des parents est en droit ivoirien la seule source de légitimation des enfants nés hors mariage.
La légitimation suppose que la filiation de l’enfant naturel ait été préalablement établie à l’égard des deux parents.
L’enfant peut être reconnu au dernier moment, lors de la cérémonie dans un acte distinct de l’acte de mariage.
NB : la nouvelle loi du 26 juin 2019 sur la filiation, n’est pas formelle sur la question de la légitimation de l’enfant naturel par le mariage. Contrairement à la loi antérieure qui était claire sur la question à travers la lecture de son article 30.
V. Art. 44, L. N° 2019-570 du 26/06/2019.
2- Comment reconnaît-on un enfant naturel (né hors mariage) ?
La reconnaissance est l’acte volontaire par lequel un parent déclare être l’auteur et vouloir établir le lien de filiation.
La reconnaissance d’un enfant naturel peut être faite dans l’acte de naissance ou par acte authentique :
- la reconnaissance d’un enfant naturel résulte à l’égard de la mère, du seul fait de la naissance.
Toutefois, dans le cas où l’acte de naissance ne porte pas l’indication du nom de la mère, elle est établie par une reconnaissance ou un jugement.
Depuis la réforme du 02 août 1983, l’indication du nom du père dans l’acte de naissance vaut reconnaissance lorsqu’il est corroboré par la possession d’état.
- la reconnaissance d’un enfant naturel peut également être faite par acte authentique.
Cet acte authentique peut consister soit dans un acte notarié soit dans une déclaration devant l’officier d’état civil dans l’acte de naissance ou par acte séparé ou encore dans une déclaration faite devant un juge et constaté par le greffier.
NB : La reconnaissance par le père ou la mère d’un enfant de plus de dix-huit (18) ans n’est valable que par le consentement de ce dernier.
Ce consentement peut être donné soit oralement, lors de la déclaration de reconnaissance faite par le père ou la mère, soit reçu séparément par un officier de l’état civil ou un notaire, lesquels en dressent acte.
L’acte de reconnaissance doit, à peine de nullité, contenir la mention du consentement de l’enfant et des circonstances dans lesquelles il a été donné.
V. Art. 19, 20 et 21, L. N° 2019-571 du 26/06/2019 relative à la filiation.
3- Peut-on obliger le père d’un enfant naturel à reconnaître cet enfant ?
L’enfant dont la filiation n’a pas été établit volontairement peut intenter une action pour que celle-ci soit constatée judiciairement.
Mais la recherche de paternité naturelle peut être judiciairement déclarée que dans les cas :
1°) d’enlèvement ou de viol, lorsque la période de l’enlèvement ou du viol se rapporte à celle de la conception ;
2°) de séduction, abus d’autorité, promesse de mariage ou fiançailles suivies de relations sexuelles dans la période légale de conception ;
3°) où il existe des lettres ou quelque autre écrit émanant du père prétendu, propre à établir la paternité d’une manière non équivoque ;
4°) où le père prétendu et la mère ont vécu en état de concubinage notoire pendant la période légale de conception ;
5°) où le père prétendu a pourvu ou participé à l’entretien, à l’éducation et à l’établissement de l’enfant en qualité de père.
V. Art. 24, L. N° 2019-571 du 26/06/2019 relative à la filiation.
4- Dans quel cas l’action en recherche de paternité est-elle recevable ?
L’action en recherche de paternité est recevable dès lors que l’on se trouve dans les cinq (5) cas d’ouverture prévus plus haut (voir Question n° 3) et que l’action ne se heurte à aucune de ces trois fins de non-recevoir :
- l’inconduite notoire de la mère ou commerce de la mère avec un autre individu ;
- l’impossibilité physique de la paternité soit en raison de l’éloignement ou de quelques accidents du prétendu père ;
- les données acquises de la science établissent qu’il ne peut être le père de l’enfant.
V. Art. 24 et 25, L. N° 2019-571 du 26/06/2019 relative à la filiation.
5- Un homme marié peut-il reconnaître son enfant adultérin ?
Avant la nouvelle loi du 26 juin 2019 sur la filiation, le principe était qu’un homme marié ne pouvait reconnaître l’enfant issu de son adultère qu’avec le consentement de son épouse.
Le consentement de l’épouse pouvait être donné oralement lors de la reconnaissance faite par le père. Il s’incorporait dans ce cas à cette reconnaissance.
Il pouvait aussi être reçu séparément par un officier d’état civil ou un notaire, lesquels en dressent un acte.
Avec la loi de 2019 sur l’affiliation qui abroge celle de 1964, le consentement de l’épouse pour la reconnaissance de l’enfant adultérin, ne semble plus être une exigence.
C’est bien entendu, ce qui transparaît à travers l’article 22 dudit texte en ces termes : « la reconnaissance par le père de l’enfant né de sa relation hors mariage doit être précédée de l’information donnée à l’épouse du projet de reconnaissance.
L’acte de reconnaissance doit à peine de nullité contenir la mention de l’information donnée à l’épouse par acte de commissaire de justice.
Lorsque s’applique la présomption de paternité établie par l’article 2 (Loi N° 2019-571 du 26/06/2019 relative à la filiation.), l’enfant né de la relation hors mariage de la mère ne peut être reconnu qu’autant qu’il a été antérieurement désavoué ».
V. Art. 24 et 25, L. N° 2019-571 du 26/06/2019 relative à la filiation.
6- Qui peut adopter un enfant ?
L’adoption n’est permise qu’aux personnes de l’un ou de l’autre sexe âgées de plus de 30 ans. Elle peut être le fait d’une personne seule, d’un couple ou d’un conjoint.
En cas d’adoption par un couple, la condition d’âge n’est requise que d’un seul conjoint pourvu que les époux soient mariés depuis plus de cinq ans.
Mais un époux seul peut également adopter un enfant à condition qu’il obtienne le consentement de l’autre époux.
En plus de cette première condition d’âge, la loi exige qu’il ait une différence de quinze (15) ans entre adoptant et adopté. Cette différence d’âge est réduite à dix (10) ans en cas d’adoption des enfants du conjoint.
V. C. Civ. Art. 2, L. N° 64-378 du 07/10/64.
7- Peut-on adopter un enfant lorsque l’on en a déjà ?
La loi relative à l’adoption n’interdit nullement aux personnes ayant déjà un ou plusieurs enfants d’en adopter d’autres.
Seulement, dans le cas où l’adoptant a des descendants, le tribunal, qui doit prononcer l’adoption, vérifie que celle-ci n’est pas de nature à compromettre la vie familiale.
V. C. Civ. Art. 11, L. N° 64-378 du 7.10.64.
8- Qui est responsable du dommage causé par un enfant mineur ?
En premier lieu, l’enfant mineur est lui-même responsable du dommage qu’il a causé.
La solution ne soulève pas de difficultés lorsque l’enfant est suffisamment âgé pour être conscient de ses actes (aux environs de six, sept ans).
Mais l’on peut hésiter à étendre cette solution aux très jeunes enfants. La jurisprudence ivoirienne ne s’est pas encore prononcée sur ce point. En toute hypothèse, l’action contre l’enfant ne présente aucun intérêt, si celui-ci ne dispose d’aucun bien. Il est alors préférable de se retourner contre ses parents.
En effet, en application de l’article 1384 du Code Civil, le père, et à son décès la mère, est responsable des agissements des enfants mineurs qui habitent avec lui.
Il est donc possible d’engager la responsabilité du ou des titulaires de l’autorité parentale si l’enfant a commis une faute ou du moins un fait objectivement illicite, ou s’il a causé un dommage avec une chose dont il avait la garde.
Cette responsabilité ne pèse que sur le titulaire de l’autorité parentale et uniquement pour les enfants qui habitent avec lui.
V. Art. 36, L. N° 2019-572 du 26/06/2019 ; Art. 1384 C. Civ.
9- Qui est titulaire de l’autorité parentale ?
L’autorité parentale est l’ensemble des droits et obligations reconnus aux père et mère sur la personne et les biens de leur enfant mineur et ayant pour finalité l’intérêt de celui-ci. Seuls les enfants mineurs et non émancipés sont donc soumis à l’autorité parentale.
Les deux parents sont titulaires de l’autorité parentale. Mais elle est exercée suivant les cas soit par le père, soit par la mère :
-- Dans la famille légitime, l’autorité parentale est en principe exercée en commun par les père et mère (par les deux parents), sauf décision judiciaire contraire. Cependant, en cas de discorde relativement à l’exercice de l’autorité parentale, le juge statue en considérant l’intérêt de l’enfant. Il est saisi par l’époux le plus diligent.
-- Si les parents sont divorcés, séparés de corps ou en résidence séparée, l’autorité parentale est exercée par celui d’entre eux à qui le juge a confié la garde de l’enfant.
Toutefois, le parent qui n’en a pas la garde conserve les droits de visite et de surveillance et le droit de consentir à l’adoption ou à l’émancipation de l’enfant mineur.
-- A l’égard des enfants naturels (enfants nés hors mariage), l’autorité parentale est exercée par celui des parents qui reconnaît le premier l’enfant, s’il n’a été reconnu par l’un d’eux. Si l’un et l’autre l’ont reconnu, l’autorité parentale est alors exercée par les deux parents.
S’il s’élève un conflit entre les père et mère relativement à l’exercice de l’autorité parentale, le juge, saisi par le parent le plus diligent, statue en considérant l’intérêt de l’enfant.
Dans l’hypothèse où l’un des père et mère décède ou est hors d’état de manifester sa volonté en raison de son incapacité ou de toute autre cause, l’exercice de l’autorité parentale est dévolu uniquement à l’autre.
En tout état de cause, dans l’intérêt exclusif de l’enfant, le juge peut décider, à la requête de tout intéressé, de confier sa garde à toute autre personne (personne physique ou morale).
Voir Art. 5, 6, 7, 8, 9, 11, 12, L. N° 2019-572 du 26 juin 2019 relative à la minorité.
10- Quels sont les droits et devoirs attachés à l’autorité parentale ?
L’autorité parentale comporte un certain nombre de droits et de devoirs qui portent à la fois sur la personne et sur les biens de l’enfant mineur.
Les attributs de l’autorité parentale sur la personne de l’enfant comprennent les droits de garde et de surveillance de même que les obligations d’entretien et d’éducation.
L’autorité parentale s’exerce également sur les biens de l’enfant mineur si celui-ci en possède. Elle donne à la fois le droit d’administrer ses biens (l’administration légale) et le droit de percevoir et de s’en approprier les revenus (la jouissance légale) sous réserve de satisfaire aux frais d’éducation et d’entretien de l’enfant.
L’autorité parentale comporte, en outre, le droit pour le survivant des père et mère de choisir un tuteur pour son enfant mineur, dans le cas où il viendrait à décéder.
V. Art. 4, L. N° 2019-572 du 26 juin 2019 relative à la minorité.
11- Peut-on être privé de l’autorité parentale ?
Les parents peuvent être déchus de l’autorité parentale. Cette déchéance qui frappe les parents indignes, est totale et encourue de plein droit dans les cas de condamnations pénales, particulièrement graves, par exemple :
- s’ils sont condamnés pour proxénétisme et si la ou les victimes sont leurs enfants ou des enfants à l’égard de qui ils sont investis de l’autorité parentale ;
- s’ils sont condamnés comme auteurs ou complices d’un crime ou délit commis sur la personne de leur enfant ou d’un enfant à l’égard duquel ils sont investis de l’autorité parentale ;
- s’ils sont condamnés comme complices d’un crime ou délit commis par un ou plusieurs de leurs enfants ou d’un enfant à l’égard duquel ils sont investis de l’autorité parentale.
Toutefois, l’obligation de subvenir à l’entretien et à l’éducation de l’enfant reste à la charge du parent déchu.
Cette déchéance est en revanche, facultative et partielle lorsque les condamnations qui la motivent sont relatives essentiellement à la santé, à la sécurité ou à la moralité de l’enfant, notamment par :
- de mauvais traitements ;
- une consommation habituelle et excessive de boissons alcooliques, de stupéfiants ou de toutes autres substances nocives ;
- par des exemples pernicieux d’ivrognerie habituelle, d’inconduite notoire ou de délinquance ;
- par un défaut de soins ou un manque de direction ;
- par un désintérêt de plus d’un (1) an, sans justes motifs.
V. Art. 21 et 22, L. N° 2019-572 du 26 juin 2019 relative à la minorité.
Voilà, c'est ici que s'achève cet article portant sur le régime juridique de l’enfant en droit ivoirien.
Vous êtes libre de consulter également :
1 commentaire