INTRODUCTION
Il s’agit d’analyser la protection du créancier contre l’insolvabilité du débiteur. L’hypothèse, est la suivante, nous sommes en présence d’un débiteur qui risque de ne pas payer. De ce fait, au moment de la naissance de l’obligation, le créancier décide de prendre des mesures.
Paradoxalement, les mesures de sûretés sont également utiles, au débiteur (ça rassure le créancier, ça l’incite à faire le prêt) car il a intérêt à offrir à son créancier des garanties des certitudes de paiement.
Selon l’article 1er du nouvel acte uniforme sur les sûretés, « une sûreté est l’affectation au bénéfice d’un créancier, d’un bien, d’un ensemble de biens ou d’un patrimoine afin de garantir l’exécution d’une obligation ou d’un ensemble d’obligations quelle que soit la nature juridique de celles-ci et notamment qu’elle soit présente, ou future, déterminée, ou déterminable, conditionnelle ou inconditionnelle, et que leur montant soit fixe ou fluctuant ».
L’article 2 du même acte précise bien que les sûretés sont en second plan de l’obligation dont elles garantissent l’exécution sauf dispositions contraires du présent acte uniforme (pas de sûreté sans obligation. Aux termes de l’article 4 alinéa 4 du nouvel acte uniforme, les sûretés propres au droit fluvial, maritime et aérien, les sûretés légales autres que celles régies par le présent acte uniforme ainsi que les sûretés garantissant l’exécution des contrats conclus exclusivement entre établissements de financement peuvent faire l’objet de législation particulière.
En matière de sûretés, l’acte uniforme signé à Cotonou le 17 avril 1397 et entré en vigueur le 1er janvier 1998, est abrogé par le nouvel acte uniforme signé à Lomé le 15 décembre 2010.
Il existe 2 sortes de sûretés, les sûretés personnelles et les sûretés réelles.
Les sûretés personnelles, consistent en l’engagement d’une personne de répondre de l’obligation du débiteur principal en cas de défaillance de celui-ci ou à première demande du bénéficiaire de la garantie. Les sûretés réelles consistent soit dans le droit du créancier de se faire payer par préférence sur le prix de réalisation d’un bien affecté à la garantie de l’obligation de son débiteur, soit dans le droit de recouvrer la libre disposition d’un bien dont il est propriétaire à titre de garantie cette obligation.
L’acte uniforme apporte une innovation par la création d’un organe en matière de sûreté, qui est l’agent de sûreté. En effet, selon l’article 5 du nouvel Acte, toute sûreté ou autres garanties de l’exécution d’une obligation peut être constituée, inscrite, gérée et réalisée par une institution financière ou un établissement de crédit national ou étranger agissant en son nom et en qualité d’agent des sûretés au profit des créanciers de la ou des obligations garanties l’ayant désigné à cette fin. L’acte désignant l’agent des sûretés mentionne à peine de nullité :
- La ou les obligations garanties ou si elles sont futures, les éléments de nature à permettre leur individualisation tels que l’indication de leur débiteur, de leur lieu de paiement, de leur montant ou de leur échéance ;
- L’identité au jour de la désignation des parties ;
- L’identité et le siège social de l’agent des sûretés ;
- La durée de sa mission et l’étendue de ses pouvoirs ;
- Les conditions dans lesquelles l’agent des sûretés rend compte de sa mission aux créanciers des obligations garanties.
Sauf stipulation contraire et pour tout ce qui attrait aux obligations garanties, les créanciers sont représentés par l’agent des sûretés dans leurs rapports avec leurs débiteurs, leurs garants ainsi que les personnes ayant affectées ou cédées un bien en garantie de ces obligations et les tiers. L’agent des sûretés peut intenter toute action pour défendre leurs intérêts.
Aux termes de l’article 10, l’acte désignant l’agent des sûretés peut prévoir les conditions dans lesquelles l’agent des sûretés peut sous sa responsabilité se substituer un tiers pour accomplir sa mission. En ce cas, les créanciers des obligations garanties peuvent agir directement contre la personne que l’agent des sûretés s’est substitué. Enfin, il faut indiquer qu’à défaut de dispositions contraires dans l’acte le désignant, la responsabilité de l’agent des sûretés à l’égard des créanciers des obligations garanties s’apprécie comme celle d’un mandataire salarié.
CHAPITRE 1 : LES SÛRETÉS PERSONNELLES
Ces sûretés répondent à 2 critères : d’une part, elles consistent dans l’engagement d’une personne au profit du créancier, d’autre part, elles supposent que le garant puisse se retourner contre le débiteur s’il a payé à sa place. Elles sont de 2 sortes : le cautionnement et la garantie autonome.
SECTION 1 : LE CAUTIONNEMENT
Il a une grande importance notamment en droit bancaire. C’est une sûreté personnelle réglementée par le nouvel acte uniforme signé à Lomé, le 15 décembre 2010 et entré en vigueur depuis le 15 mai 2011. Selon l’article 13 de cet acte, le cautionnement est un contrat par lequel la caution s’engage envers le créancier (qui acceptera exécuter l’obligation du débiteur si celui-ci n’y satisfait pas lui-même. Cet engagement peut-être contracté sans ordre du débiteur, et même à son insu. La caution est un débiteur accessoire et le principe fondamental est qu’il paiera la dette si le débiteur principal ne l’acquitte pas.
Le cautionnement est un contrat et la caution est la personne qui s’engage aux côtés du débiteur à, exécuter l’obligation si celui-ci ne l’exécute pas. On distingue le cautionnement légal, le cautionnement conventionnel et le cautionnement judiciaire. En réalité, le cautionnement est toujours conventionnel. Il dépend de l’accord de volonté seulement dans certains cas, le cautionnement sera imposé par la loi ou une décision de justice.
Paragraphe 1 : Le contrat de cautionnement
Selon l’article 14 de l’acte uniforme, le cautionnement ne se présume pas quelle que soit la nature de l’obligation garantie. Le cautionnement se prouve par un acte comportant la signature de la caution et du créancier ainsi que la mention écrite de la main de la caution en toutes lettres et en chiffres de la somme maximale garantie couvrant le principal, les intérêts et autres accessoires.
En cas de différence, le cautionnement vaut pour la somme exprimée en lettres. La caution qui ne sait lire ou ne peut écrire doit se faire assister de 2 témoins qui certifient dans l’acte de cautionnement son identité et sa présence et attestent en outre que la nature et les effets de l’acte lui ont été précisés.
La présence des témoins certificateurs dispense la caution de l'accomplissement des formalités prévues précédemment. Le contrat du cautionnement est conclu entre le créancier et la caution et le contrat est parfaitement valable si le débiteur n’y figure pas.
Seulement, dans la pratique, le 1er rapport s’établit entre le débiteur et la caution. Il n’en reste pas moins que juridiquement, le débiteur occupe un rôle extérieur au contrat.
Paragraphe 2 : Les caractères du contrat de cautionnement
Apparemment, c’est un contrat classique, consensuel. Il n’y a pas de formes particulières. Seulement, c’est un contrat unilatéral, c’est-à-dire qu’il n’entraîne d’obligations qu’à l’égard d’une seule des parties. Ici, c’est la caution qui s’engage. C’est un contrat à titre gratuit. En effet, le cautionnement est en principe désintéressé. La caution prend l’engagement de payer, mais sans contrepartie.
La gratuité existe aussi entre la caution et le débiteur, mais rien n’interdit de convenir d’une rémunération du service ainsi rendu. Cet accord ainsi conclu est parfaitement distinct du contrat de cautionnement. Le caractère essentiel du cautionnement est d’être l’accessoire de l’engagement du débiteur principal.
Il en résulte plusieurs conséquences.
- Il faut que l’obligation principale soit valable sinon le cautionnement qui en est accessoire ne serait pas valable. Si l’obligation principale est nulle, normalement, le cautionnement est nul aussi. Mais lorsque l’obligation principale est nulle d’une nullité relative parce que le débiteur principal est par exemple incapable, la réponse est que le cautionnement demeure efficace, car il s’agit en l’occurrence d’une exception purement personnelle à l’obligé prévu par l’acte uniforme.
- L’engagement de la caution ne peut être plus étendu que l’engagement du débiteur principal. D’ailleurs, le cautionnement peut n’être que partiel. Selon l’article 18 alinéa 3 du nouvel acte uniforme, « le cautionnement peut être contracté pour une partie seulement de la dette et sous des conditions moins onéreuses ».
- L’engagement de la caution s’éteint avec l’extinction de l’engagement du débiteur principal.
L’extinction partielle ou totale de l’obligation principale entraîne dans la même mesure celle de l’engagement de la caution.
Paragraphe 3 : La preuve du cautionnement
L’article 14 de l’Acte uniforme pose une règle importante en précisant que le cautionnement ne se présume pas quelle que soit la nature de l’obligation garantie.
À peine de nullité, il doit être convenu de façon expresse entre la caution et le créancier. Cela signifie que le contrat ne peut être tacite. Cette exigence n’enlève rien au caractère consensuel du contrat
Paragraphe 4 : Les modalités du cautionnement
Selon l’article 20 du nouvel Acte uniforme, le cautionnement est réputé solidaire. Il est simple lorsqu’il en est ainsi décidé par la loi de chaque Etat partie ou la convention des parties. La caution peut elle-même se faire cautionner par un certificateur désigné comme tel dans le contrat. Sauf stipulations contraires, le ou les certificateurs sont cautions simples de la caution certifiée.
Paragraphe 5 : L’extinction du contrat de cautionnement
Le cautionnement peut s’éteindre pour les causes propres au contrat. Il peut s’éteindre par la remise de dettes. Lorsque la cause d’extinction tient à l’obligation principale, le cautionnement s’éteint dans ce cas en tant qu’accessoire de cette obligation.
L’extinction partielle ou totale de l’obligation principale entraîne dans la même mesure celle de l’engagement de la caution.
La dation en paiement libère définitivement la caution même si le créancier est ensuite évincé de la chose acceptée par lui. La novation de l’obligation principale par changement d’objet ou de cause, la modification des modalités ou sûretés dont l’obligation principale est assortie libère la caution à moins qu’elle n’accepte de reporter la garantie sur la nouvelle dette.
Toute clause contraire stipulée avant la novation est réputée non écrite. Les engagements de la caution simple ou solidaire passent à ses héritiers, mais uniquement pour les dettes nées antérieurement au décès de la caution.
Selon l’article 37 de l’acte uniforme, l’engagement de la caution disparaît indépendamment de l’obligation principale dans les cas suivants :
- Lorsque sur poursuites dirigées contre elle, la caution invoque la compensation pour une créance personnelle.
- Lorsque le créancier a consenti une remise de dettes à la seule caution.
- Lorsque la confusion s’opère entre la personne du créancier et de sa caution.
Toutefois, la confusion qui s’opère dans la personne du débiteur principal et de sa caution lorsque l’une devient héritière de l’autre n’éteint pas l’action du créancier contre le certificateur de la caution.
Paragraphe 6 : les effets du cautionnement
La caution n’est tenue de payer la dette qu’à défaut de non-paiement du débiteur principal. Il faut donc examiner les rapports entre la caution et le créancier d’une part et d’autre part, les rapports entre la caution et le débiteur principal.
A- Les rapports entre la caution et le créancier
La caution s’engage personnellement. Elle est tenue sur l’ensemble de son patrimoine à l’égard du créancier. La caution s’engage à garantir la dette du débiteur principal (le principal de la dette et s’il y a lieu les intérêts), la caution doit pouvoir opposer au créancier les mêmes moyens de défense qui auraient pu être opposés par le débiteur principal lui-même, et même les exceptions personnelles. L’engagement de la caution est subsidiaire. En effet, la caution n’est engagée qu’à défaut du débiteur principal selon l’article 23.
Aux termes dudit texte, le créancier doit aviser la caution de toute défaillance du débiteur principal et ne peut entreprendre de poursuites contre elle qu’après une mise en demeure de payer adressée au débiteur et restée sans effet.
La prorogation du terme accordée au débiteur principal par le créancier doit être notifiée par ce dernier à la caution. Celle-ci est en droit de refuser le bénéfice de cette prorogation et de poursuivre le débiteur pour le forcer au paiement ou obtenir une garantie ou une mesure conservatoire.
Nonobstant, toute clause contraire, la déchéance du terme qui frappe le débiteur principal ne s’étend pas automatiquement à la caution qui ne peut être requise de payer qu’à l’échéance fixée à l’époque où la caution a été fournie. Le créancier doit aviser la caution de toute défaillance du débiteur, déchéance ou prorogation du terme en indiquant le montant restant dû en principal, intérêts et frais au jour de la défaillance, déchéance ou prorogation du terme.
La caution simple peut exiger que le créancier discute d’abord les biens du débiteur principal. Ce bénéfice de discussion n’existe que dans le cautionnement simple. La caution solidaire n’a pas le bénéfice de discussion.
Au moment du contrat, la caution peut renoncer à invoquer le bénéfice de discussion.
Dans le cas où il y a plusieurs cautions d’un même débiteur, engagés envers un même créancier, les cautions sont obligées chacune à toute la dette. En principe, le créancier peut demander l’intégralité du paiement à n’importe laquelle des cautions.
Ce principe connaît une exception importante. En effet, la caution qui subit le retour peut opposer au créancier le bénéfice de division. Le bénéfice de division n’est pas automatique et doit être exceptionnellement demandé par la caution, objet des poursuites. Si l’une des cautions est insolvable, le bénéfice de division ne joue pas.
Les cautions doivent supporter l’insolvabilité de l’autre caution. Le créancier qui divise volontairement son action ne peut revenir sur cette division et doit supporter l’insolvabilité des cautions poursuivies sans pouvoir la reporter sur les autres cautions.
B- Les rapports entre la caution et le débiteur principal
La caution n’est qu’un débiteur accessoire. Par conséquent, elle peut se retourner contre le débiteur principal pour lui faire supporter le poids définitif de la dette. La caution peut exercer son recours une fois qu’elle a payé le créancier parce qu’elle dispose d’abord d’un recours personnel contre le débiteur. Mais ce recours s’explique aussi et surtout par le mécanisme de la subrogation.
En payant la dette du débiteur principal, la caution est subrogée dans les droits du créancier (elle remplace le créancier pour agir contre le débiteur).
a- Le recours personnel
Ce recours appartient à toute caution sauf si elle a voulu consentir une libéralité au débiteur. Le recours est exercé contre le débiteur principal et il suppose que la caution ait valablement payée. La caution est en droit de réclamer l’intégralité des sommes versées au créancier (le principal, les intérêts et les frais engagés depuis que la caution a dénoncé au débiteur principal les poursuites dirigées contre elle).
La finalité du recours personnel est de fournir à la caution une totale indemnisation par suite de tout ce qu’elle a eu à subir en exécutant son engagement. C’est précisément pour prendre en compte l’intégralité de ce préjudice, que la loi ajoute que la caution peut en outre réclamer des dommages et intérêts du fait des poursuites du créancier. Le même souci anime le législateur en cas de cautionnement partiel « le créancier ne peut pour le reliquat, être préféré à la caution qui a payé et qui agit en vertu de son recours personnel. Toute clause contraire est réputée non écrite.
b- Le recours subrogatoire
Aux termes de l’article 31 alinéa 1er du nouvel acte uniforme, la caution est subrogée dans tous les droits et garanties du créancier poursuivant pour tout ce qu’elle a payé à ce dernier. Avec le recours subrogatoire, le droit commun vient appuyer le droit du cautionnement afin de permettre à toutes les cautions qui ont dû payer la dette du débiteur, de se mettre à la place du créancier désintéressé.
La caution qui a payé le créancier est subrogée dans l’intégralité des droits et garanties de ce dernier. Manifestement, la caution va ainsi bénéficier d’avantages considérables par rapport à la caution exerçant son recours personnel.
Elle devient en effet, titulaire des droits du subrogeant, de ses sûretés et privilèges, donc de toutes les garanties dont disposait le créancier. Certes, il faut un paiement libératoire, mais le recours peut être dirigé contre toutes les personnes que le créancier aurait pu poursuivre au titre de l’obligation garantie. La caution ne doit diviser ses poursuites que contre les débiteurs conjoints.
Elle peut par contre réclamer la totalité de ce qu’elle a payé à chaque débiteur solidaire même si elle n’en a cautionné qu’un (article 31 alinéa 2).
Néanmoins, dans 2 cas, la caution ne pourra pas se retourner contre le débiteur principal :
- Si la caution n’a pas averti le débiteur du paiement qu’elle vient de faire au créancier et que le débiteur paie à son tour.
- Si la caution a payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal. Cela se justifie par le fait que dans ce cas, le débiteur principal avait peut-être des moyens à opposer au créancier, moyens qui seraient paralysés par un paiement spontané de la caution.
La caution dispose des moyens dont disposait le créancier en particulier si le créancier avait des garanties. Que se passe-t-il si le créancier prive la caution de cette garantie ?
Dans cette hypothèse, la caution ne doit plus rien. En effet, la caution est déchargée quand la subrogation aux droits et garanties du créancier ne peut plus s’opérer en sa faveur par le fait du créancier. Toute clause contraire est réputée non écrite.
Si le fait reproché au créancier limite seulement cette subrogation, la caution est déchargée à concurrence de l’insuffisance de la garantie conservée. Le créancier rend dans ce cas la subrogation impossible ou inefficace. Dans cette situation, il prive la caution des garanties qu’il avait lui-même. Par exemple, le créancier renonce à une hypothèque qu’il avait sur les biens du débiteur. Il est normal que la caution soit libérée dans ce cas.
C- Les rapports entre cofidéjusseurs
Le terme de cofidéjusseur désigne des personnes qui se sont portées caution d’une même dette. L’article 34 du nouvel acte uniforme dispose que lorsqu’il existe plusieurs cautions simples ou solidaires pour une même dette, si l’une des cautions a utilement acquitté la dette, elle a un recours contre les autres cautions chacune pour sa part et portion.
Le débiteur principal étant souvent insolvable, ce recours sera le seul moyen pour la caution qui a payé de se faire rembourser. Pourtant, son fondement reste discuté, subrogation, gestion d’affaires, enrichissement sans cause, solidarité légale sont sollicités pour constituer son fondement juridique. L’équité semble pourtant suffisante.
1- Les conditions du recours
Il faut que la caution ait payé le créancier en tant que telle. Mais en réalité, l’article 34 étant le domaine du recours contre les cofidéjusseurs, ce recours sera admis alors même que la caution aurait payé une dette qui n’était pas encore exigible.
2- L’objet du recours
La caution solvens (celle qui a payé) peut se retourner contre les autres cautions qui sont tenues chacune pour sa part et portion. C’est le principe de la division des poursuites qui est légalement posé à l’article 1214 du Code civil, « Le débiteur d’une dette solidaire qui l’a payé en entier, ne peut réclamer contre les autres que les parts et portions de chacun d’eux... »
Si l’un d’eux se trouve insolvable, la perte qu’occasionne son insolvabilité se répartit par contribution entre tous les autres codébiteurs solvables et celui qui a fait le paiement.
Toutefois, n’étant pas d’ordre public, les cautions peuvent contourner cette disposition et prévoir des règles de contribution différentes pouvant aller jusqu’à la dispense de toute contribution. En l’absence de stipulation des parties, il faut arrêter les parts et portions de chacune des parties.
Lorsque leurs engagements sont égaux, les cautions sont tenues par parts viriles. Ainsi, 3 cautions qui ont garanti une dette de 120.000 francs CFA, celle qui a payé pourra exiger 40.000 F CFA de chacune des deux autres. De la même façon, si 3 cautions ont un engagement limité à 30.000 F CFA, celle qui a payé 30.000 F CFA pourra exiger des autres 10.000 F CFA chacune.
Lorsque leurs engagements sont inégaux, (un cautionnement illimité, un limité à 50.000 F CFA, l’autre à 30.000 F CFA), la jurisprudence décide que la fraction de la dette doit être supportée par chacune des cautions en proportion de son engagement initial (parce que le système des parts viriles serait injuste).
SECTION 2 : LES GARANTIES ET CONTRE-GARANTIES AUTONOMES
Le nouvel acte uniforme codifie sous la dénomination de garantie et contre-garantie autonome, la lettre de garantie et contre-garantie. Le nouvel acte uniforme fixe de façon assez concise les règles régissant les garanties autonomes.
Une garantie autonome est un engagement de payer une certaine somme prise en contemplation d’un accord de base et à titre de garantie de son exécution, mais constitutif d’une obligation indépendante et caractérisée par l’inopposabilité des exceptions tirées des contrats.
La garantie autonome est l’engagement par lequel le garant s’oblige en considération d’une obligation souscrite par le donneur d’ordres et sur instruction de ce donneur d’ordres à payer une somme déterminée au bénéficiaire soit sur première demande de la part de ce dernier soit selon les modalités convenues.
La contre-garantie autonome est l’engagement par lequel le contre-garant s’oblige en considération d’une obligation souscrite par le donneur d’ordre et sur instruction de ce donneur d’ordres à payer une somme déterminée au garant soit sur première demande de ce dernier soit selon les modalités convenues.
La structure des garanties autonomes s’est présentée dans les opérations du commerce international. Un entrepreneur désireux d’obtenir un marché et souhaitant offrir à son cocontractant des garanties du bon achèvement (le donneur d’ordres) demande donc à sa banque (le garant), de s’engager envers son cocontractant (le bénéficiaire) à lui payer une certaine somme au cas où le contrat de marché ne serait pas correctement exécuté. L’engagement du garant est alors indépendant de l’obligation du donneur d’ordres.
Paragraphe 1 : La formation des garanties et contre-garanties autonomes
Les garanties et contre-garanties autonomes, ne peuvent être souscrites sous peine de nullité par les personnes physiques. Elle crée des engagements autonomes distincts des conventions, actes et faits susceptibles d’en constituer la base. Les conventions de garanties et de contre-garanties ne se présument pas.
Elles doivent être consacrées par écrit mentionnant à peine de nullité, la dénomination de garanties ou de contre-garanties autonomes, le nom du donneur d’ordres ; le nom du bénéficiaire ; le nom du garant ou du contre-garant ; la convention de base, l’acte ou le fait en considération desquels la garantie ou la contre-garantie est émise ; le montant maximum de la garantie ou de la contre-garantie ; la date ou le fait entraînant l’expiration de la garantie ; les conditions de la demande de paiement s’il y a lieu ; l’impossibilité pour le garant ou le contre-garant de bénéficier des exceptions de la caution.
Paragraphe 2 : Les effets de la garantie et contre-garantie autonome
Le droit à garanti du bénéficiaire n’est pas cessible sauf clause contraire. De même, les instructions du donneur d’ordre, la garantie et la contre-garantie sont irrévocables dans le cadre d’une garantie ou d’une contre-garantie à durée déterminée. Les garanties ou contre-garanties autonomes à durée indéterminée peuvent être révoquées par le garant ou le contre-garant respectivement.
Les garanties ou contre garanties autonomes peuvent stipuler que le montant de l’engagement sera réduit d’un montant déterminé ou déterminable à des dates précisées ou contre présentation au garant ou contre garant du document indiqué à cette fin dans l’engagement.
Le donneur d’ordre ne peut faire défense de payer au garant ou au contre-garant que si la demande de paiement est manifestement abusive ou frauduleuse. Le garant ou le contre garant qui a fait un paiement utile au bénéficiaire dispose des mêmes recours que la caution contre le donneur d’ordre.
A- L’appel de la garantie
Vu le caractère irrévocable de l’engagement, il serait difficile pour le garant de refuser d’exécuter le paiement lorsque l’appel de la garantie ou la demande de paiement du bénéficiaire aura été faite conformément aux modalités prévues.
Mais si le garant est le plus souvent dans l’impossibilité de se soustraire à ses obligations, le donneur d’ordre quant à lui pourra faire valoir le cas échéant le caractère injustifié de l’appel de la garantie et invoquer divers moyens afin de s’opposer au paiement.
1- Les modalités de l’appel et du paiement de la garantie
a- Les modalités de l’appel de la garantie
Il n’y a pas de procédure particulière, ainsi, sauf dispositions spéciales dans l’acte constatant la garantie, l’appel de la garantie sera déclenché uniquement par une demande en paiement. Néanmoins, la demande en paiement devra remplir certaines conditions. La première est celle de l’écrit. En effet, la demande en paiement qui émane du bénéficiaire doit être faite par écrit, lequel doit être « accompagné de tout autre document prévu dans la garantie » (article 45 alinéa 1er).
Au titre des documents exigés pour le paiement par l’acte de garantie ou de contre-garantie, on peut citer le rapport d’un expert, la sentence d’un tribunal arbitrale, les attestations de facture impayée ou tout autre document démontrant l’inexécution par le donneur d’ordre de ses obligations. La demande en paiement doit en outre indiquer le manquement reproché au donneur d’ordre dans l’exécution du contrat de base.
De façon générale, il faut retenir que le bénéficiaire est tenu de présenter une demande conforme aux mentions figurant dans la garantie autonome tout en indiquant les manquements reprochés au donneur d’ordre et qui justifient l’appel en garantie.
b- Les modalités du paiement de la garantie
L’article 45 alinéa 3 indique que la demande en paiement doit être présentée au lieu d’émission de la garantie autonome ou en cas de contre-garantie au lieu d’émission de la contre-garantie autonome. Ainsi, le paiement effectué par le garant ou le contre-garant n’est utile que lorsqu’il est fait conformément aux termes de la garantie. Quant au montant dont doit s’acquitter le garant ou le contre-garant, il se limite naturellement à la somme indiquée dans l’acte constatant la garantie ou la contre-garantie autonome.
À cet égard, l’article 44 du nouvel Acte uniforme prévoit que : « le garant et le contre-garant ne sont obligés qu’à concurrence de la somme stipulée dans la garantie ou la contre-garantie autonome sous déduction des paiements antérieurs faits respectivement par le garant ou le contre-garant conformément aux termes de leurs engagements.
2- La défense au paiement
Les dispositions se rapportant à l’opposition au paiement ont été maintenues dans l’article 47 du nouvel acte uniforme. Il a été cependant introduit un second alinéa pour traiter des moyens de défense du donneur d’ordre à l’égard du contre-garant.
Il ressort ainsi de l’article 47 alinéa 1er du nouvel Acte uniforme que « le donneur d’ordre ne peut faire défense de payer au garant que si la demande de paiement du bénéficiaire est manifestement abusive ou frauduleuse. Le contre-garant dispose à l’encontre du garant de la même faculté, dans les mêmes conditions. » C’est habituellement au moyen d’une notification de défense de payer adressée au garant que le donneur d’ordre s’oppose à l’exécution de la garantie.
B- Les recours possibles
L’exécution de la garantie ou de la contre-garantie par le paiement peut à l’instar du cautionnement donner lieu à l’exercice de certains recours judiciaires. Le 1er est celui dont dispose le garant ou le contre-garant à l’encontre du donneur d’ordre. C’est le seul prévu par l’acte uniforme en son article 48.
Mais, n’est pas exclu que le donneur d’ordre qui aura subi le recours du garant après paiement puisse, par la suite se retourner contre le bénéficiaire de la garantie surtout s’il est en mesure de démontrer que ce dernier a reçu un paiement injustifié.
De même, le garant et le contre-garant pourront agir contre le bénéficiaire s’il s’avère notamment que celui-ci n’avait pas le droit de percevoir le paiement qu’ils auront effectué. Enfin, il peut arriver de façon exceptionnelle que le donneur d’ordre ait des arguments juridiques lui permettant d’exercer un recours contre le garant ou le contre-garant.
1- Le recours du garant ou du contre-garant contre le donneur d’ordre
L’article 48 de l’AUS a amendé l’article 37 de l’AUS de 1997 en précisant que « le garant ou le contre-garant qui a fait un paiement conformément aux termes de la garantie ou de la contre-garantie autonome dispose des mêmes recours que la caution contre le donneur d’ordre ».
Ainsi, les recours de la caution contre le donneur d’ordre sont ouverts au garant ou contre-garant ayant fait un paiement conformément aux termes de la garantie ou de la contre-garantie autonome. Il en résulte qu’à l’instar des recours dont dispose la caution solvens contre le débiteur principal, le garant peut exercer contre le donneur d’ordre un recours de nature personnelle ou se subroger dans les droits du créancier bénéficiaire de la garantie et exercer un recours de nature subrogatoire.
2- Le recours du donneur d’ordre contre le bénéficiaire de la garantie
Bien que le nouvel Acte uniforme ne l’ait pas expressément prévu, le donneur d’ordre peut agir contre le bénéficiaire de la garantie en cas de paiement consécutif à un appel de la garantie manifestement abusif frauduleux. À cet effet, la jurisprudence française a estimé que c’est principalement contre le bénéficiaire de la garantie que le donneur d’ordre peut avoir des raison d’agir s’il estime que l’appel de la garantie n’est pas justifié ou ne l’est pas totalement.
Ce recours aura pour objet la restitution de tout ou partie du montant de la garantie indûment perçu. À cet égard, la Cour de cassation française a indiqué que « le donneur d’ordre d’une garantie à première demande est recevable à demander la restitution de son mordant au bénéficiaire à charge pour lui d’établir que celui-ci en a reçu indûment le paiement, par la preuve de l’exécution de ses propres obligations contractuelles ou par celle de l’imputabilité de l’inexécution du contrat à la faute du cocontractant bénéficiaire de la garantie, ou par la nullité du contrat de base, et ce, sans avoir à justifier d’une fraude ou d’un abus manifeste, comme en cas d’opposition préventive à l’exécution de la garantie par le garant » (Cass.com., 7 juin 1994, JCP Ed. Générale, 1ere partie, P 3807 n°15).
3- Le recours du garant ou du contre-garant contre le bénéficiaire
Le garant ou le contre-garant peut agir contre le bénéficiaire dans l’hypothèse où le donneur d’ordres n’aura pas remboursé le montant de la garantie acquittée alors que le bénéficiaire n’aurait pas dû recevoir paiement. Le garant ou le contre-garant pourra en qualité de créancier du donneur d’ordres obtenir par la voie de l’action oblique ou par la voie d’une action en responsabilité le montant indûment perçu par le bénéficiaire.
4- Le recours du donneur d’ordres contre le garant ou le contre-garant
Le donneur d’ordres pourrait également mettre en cause la responsabilité du garant (ou contre-garant) qui n’aurait pas respecté les termes de la garantie ou qui aurait payé alors que l’appel en garantie était manifestement abusif ou frauduleux. Notons que selon l’article 47 de l’Acte uniforme, le donneur d’ordres peut faire défense de payer au garant ou au contre-garant si la demande de paiement du bénéficiaire est manifestement abusive ou frauduleuse.
À cet effet, la jurisprudence française a considéré que le donneur d’ordres, après exécution de la garantie, était en droit de se retourner contre le garant ou le contre-garant lorsque ce dernier avait payé une garantie périmée ou s’il avait donné suite à un appel de garantie dont il ne pouvait ignorer le caractère manifestement abusif (Cass.com. 7 juin 1994, JCP 1994, 2e partie, 22312).
Le juge français a également estimé que la responsabilité du garant peut encore être recherchée s’il n’a pas suivi les instructions du donneur d’ordres en octroyant par exemple une garantie pour une durée plus longue que celle prévue ou en consentant une prorogation sans l'accord du donneur d'ordres (CA paris, 14 décembre 1994, juris-data, n°024530).
Paragraphe 3 : La fin des garanties et contre-garanties autonomes
La garantie et la contre-garantie prennent fin :
- Soit au jour calendaire spécifié ou à l'expiration du délai prévu.
- Soit à la présentation au garant ou au contre-garant des documents libératoires spécifiés dans la garantie ou la contre-garantie autonome.
- Soit sur déclaration écrite du bénéficiaire libérant le garant de son obligation au titre de la garantie autonome ou déclaration écrite du garant, libérant le contre-gerant de son obligation au titre de la contre-garantie.
CHAPITRE 2 : LES SÛRETÉS RÉELLES
Les sûretés réelles portent sur un ou plusieurs biens déterminés, meubles ou immeubles, appartenant au débiteur ou à un tiers et confère au créancier sur ce ou ces biens, un droit réel. Certaines d'entre elles sont dûment répertoriées par le Code civil et répondent à des critères relativement précis. Ces sûretés ont un caractère accessoire et reposent sur une même technique : l’affectation au créancier d’un droit sur un ou plusieurs biens.
D'autres ont été découvertes ou redécouvertes par la pratique avant d'être parfois consacrés par des textes particuliers. Le principe donc ici, consiste à accorder au créancier, à titre de garantie, un droit sur un bien ou plusieurs biens ou même encore sur tous les biens du débiteur ou d'un tiers. Ce droit peut être composé d'un droit de gage général du créancier sur les biens du débiteur. Mais le droit qu'est la sûreté réelle est plus fort que le droit de gage général.
Le créancier titulaire d’une sûreté réelle dispose de 2 prérogatives efficaces. Ces prérogatives sont : le droit de suite et le droit de préférence.
Par ce fait, le créancier sera privilégié sur le prix de la chose. Aux termes de l’article 50 du nouvel Acte uniforme, les sûretés réelles sont le droit de rétention, la propriété retenue ou cédée à titre de garanties, le gage de meubles corporels, le nantissement de meubles incorporels et les privilèges que l’Acte Uniforme sur les Sûretés (AUS) classe parmi les sûretés mobilières.
À côté de cette classification, il existe les hypothèques qui sont des sûretés réelles immobilières. Sauf dispositions contraires, les sûretés réelles mobilières soumises à publicité font l’objet d’une inscription au RCCM. Cette inscription est faite à la requête du créancier, de l’agent des sûretés ou du constituant. L’inscription des privilèges généraux du trésor, des douanes et des institutions de sécurité sociale est effectuée à la diligence du comptable public de l’administration créancière.
L’inscription a lieu au RCCM selon le cas : du siège ou du domicile du constituant ou du débiteur (article 52). L’inscription doit être renouvelée, et ce, renouvellement s’effectue dans les mêmes conditions que l’inscription initiale.
SECTION 1 : LES SÛRETÉS RÉELLES AVEC DÉPOSSESSION
Ici, le créancier est en possession de la chose sur laquelle s’exerce la sûreté. Le débiteur peut remettre les biens entre les mains du créancier. C’est par exemple le mécanisme du gage. La propriété peut aussi être retenue ou cédée à titre de garantie (dispositions nouvelles du nouvel Acte uniforme). Il y a une autre hypothèse où la chose du débiteur est déjà détenue par le créancier : le créancier dispose alors d’un droit de rétention.
Paragraphe 1 : le droit de rétention
Il est prévu dans le nouvel acte uniforme dans ses articles 67 à 70. Le droit de rétention est la faculté reconnue au créancier qui détient la chose de son débiteur, d’en refuser la délivrance avant paiement.
En effet, selon l’article 67, le créancier qui détient légitimement un bien mobilier de son débiteur peut le retenir jusqu’au complet paiement de ce qui lui est dû, indépendamment de toute autre sûreté. Le droit de rétention est donc un moyen de pression frustrant, mais efficace qui contraint le débiteur à payer le créancier.
Ces 2 qualités ont sans doute permis le succès du droit de rétention même s’il peut s’avérer injuste lorsqu’il y a une disproportion entre la valeur de la chose retenue et le montant de la créance à payer. Ce droit heurte le principe fondamental de « nul ne peut se faire justice soi-même ». Mais il trouve un fondement sur le droit d’équité.
Il n’est pas normal que le débiteur réclame quelque chose au créancier s’il n’exécute pas lui-même sa propre prestation. Si le droit de rétention ressemble à certains égards à l’exception d’inexécution, la différence est que le droit de rétention pourra jouer en dehors de tout contrat synallagmatique. Du fait que ce droit peut conduire à des abus, il a été strictement réglementé. Il ne saurait être question de reconnaître un droit de rétention dès lors qu’un créancier est en possession d’une chose appartenant à son débiteur. Le droit de rétention suppose remplir des conditions que la jurisprudence a pris soin de préciser.
A- Les conditions du droit de rétention
Au départ, les décisions limitaient le droit de rétention aux hypothèses légales. Aujourd’hui, le procédé a été étendu par la jurisprudence en dehors des hypothèses légales. L’article 67 emploie le terme de créancier. Ainsi, le droit de rétention est devenu un mécanisme général. Pour qu’il y ait lieu à rétention, il faut que :
a- Le créancier ait une créance de sommes d’argent, créance certaine, liquide et exigible.
La liquidité et l’exigibilité sont interprétées aujourd’hui avec beaucoup plus de souplesse. D’une part, on admet que le délai de grâce accordé par le tribunal au débiteur ne fait pas disparaître le droit de rétention.
D’autre part, le droit de rétention peut jouer dans l’attente du moment où la créance deviendra liquide ou exigible.
b- Il faut qu’il y ait détention
Cette détention est une condition essentielle du droit de rétention parce que pour retenir, il faut d’abord tenir. Concernant l’objet de la détention, du fait que le droit de rétention suppose la main-mise sur la chose, il ne pouvait s’exercer classiquement que sur des choses corporelles. D’ailleurs, l’article 67 le précise bien que l’objet retenu doit être un bien mobilier.
Toutefois, il est nécessaire que la chose soit dans le commerce juridique. Le droit de rétention ne pourrait ainsi s’appliquer à un élément du corps humain ou à des marchandises contrefaites.
c- Une détention de bonne foi
Cela suppose que le créancier ne dispose pas de la chose du débiteur à la suite d’une fraude ou d’un acte illicite. La détention doit être légitime et régulière.
d- Le lien de connexité
Cette condition justifie profondément le droit de rétention, c’est-à-dire que le créancier ne peut retenir n’importe quoi. Certains auteurs voient dans cette connexité un lien juridique, c’est-à-dire que la créance et la rétention devraient se rattacher à la même convention. On parle de connexité juridique.
Pour d’autres auteurs, la connexité serait plutôt matérielle, c’est-à-dire que la rétention serait directement liée à la chose peu importe qu’il y ait contrat ou non. C’est par exemple le cas du garagiste qui effectue des dépenses pour empêcher la détérioration de la voiture.
Ici, il y a un lien matériel. La jurisprudence retient les 2 points de vue. Elle retient aussi bien la connexité juridique que la connexité matérielle.
Quoi qu’il en soit, selon l’article 69 du nouvel AUS, la connexité est réputée établie :
- Lorsque la chose retenue a été remise jusqu’au complet paiement de la créance du rétenteur.
- Lorsque la créance impayée résulte du contrat qui oblige le rétenteur à livrer la chose retenue.
- Lorsque la créance impayée est née à l’occasion de la détention de la chose retenue.
B- Les effets du droit de rétention
Strictement parlant, ce droit ne confère au créancier que le droit de ne pas restituer la chose. Il faut donc préciser ce droit de ne pas restituer avant d’examiner la question du droit de préférence et du droit de suite.
1- Le contenu du droit de ne pas restituer
Le droit de rétention est une exception procédurale par laquelle le rétenteur s’oppose à la demande principale en restitution. Le 1er effet est d’instituer le rétenteur en défendeur au procès. Mais le droit de rétention ne confère pas plus de prérogatives que le simple refus de restituer la chose du débiteur. Le rétenteur n’a ni l’usage ni la jouissance de la chose, il doit en prendre soin et répondre de la perte ou de la détérioration consécutive de la chose.
Le créancier dispose cependant d’un moyen redoutable entre ses mains en raison de l’indivisibilité, du droit de ne pas restituer. L’indivisibilité du droit de rétention joue dans 2 hypothèses. D’une part, chaque fraction de la créance est garantie par la chose toute entière ce qui a pour conséquence que le droit de rétention subsiste tant que la dette n’a pas été intégralement payée. D’autre part, si la créance est divisée entre les héritiers du rétenteur, chacun d’eux reste entièrement garanti. Le droit de ne pas restituer est opposable aux créanciers du débiteur de même qu’au véritable propriétaire de la chose.
Les autres créanciers du débiteur ne peuvent donc pas saisir le bien retenu par le créancier. La procédure de saisie est donc bloquée et pour être menée à terme, il faudrait que le créancier saisissant désintéresse le rétenteur qui sera obligé de restituer la chose.
2- Le droit de préférence et le droit de suite
Le créancier peut faire procéder sur autorisation de la juridiction compétente à la vente du bien. Dans ce cas, le droit de rétention se reporte sur le prix de vente qui doit être consigné.
C- L’extinction du droit de rétention
Le droit de rétention s’éteint avec la créance payée. Si le débiteur paie, le droit de rétention n’a plus sa raison d’être, étant l’accessoire de la créance. Le droit de rétention s’éteint lorsque le créancier se dessaisit de la chose qu’il détenait. Le droit de rétention s’éteint quand le créancier entreprend la vente de la chose en justice. Mais, dans ce cas et selon l’article 70, le droit de rétention se reporte sur le prix de vente qui doit être consigné.
Paragraphe 2 : Le gage
Selon l’article 92, le gage est le contrat par lequel le constituant accorde à un créancier le droit de se faire payer par préférence sur un bien meuble corporel ou un ensemble de biens meubles corporels présents ou futurs. Le gage a pendant longtemps suscité la méfiance du législateur parce qu’on craignait les excès que peut entraîner cette sûreté.
En effet, on redoute que le créancier n’exploite la misère de son débiteur pour se faire remettre trop facilement un objet de grande valeur. Le gage a plusieurs sens : c’est la garantie du créancier ; c’est une sûreté qui favorise un des créanciers ; c’est, aussi et en même temps un contrat et la chose remise au créancier à titre de gage.
A- Le contrat de gage
Le gage est une sûreté conventionnelle qui suppose d’une part, un contrat et d’autre part, une créance à garantir dont le gage est l’accessoire. Autrement dit, le gage est le contrat par lequel le constituant accorde à un créancier le droit de se faire payer par préférence sur un bien meuble corporel ou un ensemble de biens meubles corporels présents ou futurs.
Le gage peut être constitué en garantie d’une ou plusieurs créances présentes ou futures. Il peut être constitué par un tiers (une personne qui remet une chose, au créancier, une chose dont elle est elle-même propriétaire) au débiteur.
Le titre constatant la créance doit être remis au créancier gagiste lorsque le gage porte sur un bien incorporel notamment une créance. Quelle que soit la nature de la dette garantie, le droit de gage n’est opposable aux tiers que s’il est constaté par un écrit dûment enregistré et publié, contenant indication de la somme due, l’espèce, la nature, ainsi que la quantité des biens donnés en gage. Le gage doit être un acte authentique ou sous seing privé ayant date certaine.
B- Les effets du gage
On remarque deux étapes avant la restitution du gage et au moment de la restitution du gage.
1- Avant la restitution du gage
Dans la formation du contrat, le créancier gagiste est mis en possession de la chose. Nous retrouvons ici le système du droit de rétention opposable à quiconque prétendrait détenir un droit sur la chose. Il est responsable de la perte ou de la détérioration de la chose. Ce contrat confère la possession de la chose et non la propriété.
En effet, au terme de l’article 103, sauf stipulation contraire, le créancier gagiste ne peut user de la chose gagée ni en percevoir les fruits. S’il est autorisé à percevoir les fruits, il doit les imputer sur ce qui lui est dû en intérêts ou à défaut, sur le capital de la dette (si la dette produit des intérêts, il impute les fruits de la chose gagée sur les intérêts. Par contre, si la dette ne produit pas d’intérêts, il imputera alors les fruits de la chose gagée sur le capital de la dette).
2- La restitution ou la réalisation du gage
Si le débiteur paye, le créancier doit lui remettre la chose. La même chose s’il s’agit d’un bien corporel. La même quantité s’il s’agit d’un bien fongible (un bien qui se consomme, n’étant pas individualisable ; un bien périssable). Si le débiteur ne paie pas, le créancier gagiste, muni d’un titre exécutoire, peut faire procéder à la vente forcée de la chose gagée 8 jours après une sommation faite au débiteur et s’il y a eu lieu, au tiers constituant du gage.
Le créancier peut aussi faire ordonner par la juridiction compétente que le bien gagé lui soit attribué en paiement jusqu’à due concurrence du solde de sa créance et d’après estimation, suivant les cours ou à dire d’experts.
Le créancier gagiste est privilégié sur le prix de la chose vendue ou sur l’indemnité d’assurance en cas de perte ou de destruction pour le montant de la créance garantie en principal intérêt et frais. En effet, selon l’article 104 al.3 du nouvel Acte uniforme « Si le bien gagé est une somme d’argent ou un bien dont la valeur fait l’objet d’une quotation officielle, les parties peuvent convenir que la propriété du bien gagé sera attribuée au créancier gagiste en cas de défaut de paiement. Il en va de même pour les autres meubles corporels lorsque le débiteur de la dette garantie est un débiteur professionnel.
En ce cas, le bien gagé doit être estimé au jour du transfert par un expert désigné à l’amiable ou judiciairement, toutes clauses contraires étant réputées non écrites ».
Section 2 : La propriété retenue ou cédée à titre de garantie
La propriété d’un bien mobilier peut être retenue en garantie d’une obligation par l’effet d’une clause de réserve de propriété. Elle peut aussi être cédée en garantie d’une obligation.
Paragraphe 1 : La réserve de propriété
La propriété d’un bien mobilier peut être retenue en garantie par une clause de réserve de propriété qui suspend l’effet translatif d’un contrat jusqu’au complet paiement de l’obligation qui en constitue la contrepartie. À peine de nullité, la réserve de propriété est convenue par écrit au jour de la livraison. Elle peut l’être dans un écrit régissant un ensemble d’opérations présentes ou à venir entre les parties. La clause de réserve de propriété n’est opposable aux tiers que si elle a été régulièrement publiée au RCCM.
Paragraphe 2 : La propriété cédée à titre de garantie
La propriété d’un bien actuel ou futur ou d’un ensemble de biens peut être cédée en garantie du paiement d’une dette actuelle ou future (art. 79 du nouvel Acte uniforme).
A- La cession de créance à titre de garantie
Une créance détenue sur un tiers peut être cédée à titre de garantie de tous crédits consentis par une personne morale faisant à titre de profession habituelle, et pour son compte, des opérations de banque ou de crédits. L’incessibilité de la créance, ne peut être opposée au tiers par le débiteur cédé lorsqu’elle est de source conventionnelle et que la créance est née en raison de l’exercice de la profession du débiteur cédé ou se trouve en rapport direct avec l’une de ses activités professionnelles.
La cession de créance à titre de garantie doit être constatée dans un écrit comportant à peine de nullité :
- Le nom ou la dénomination sociale du cédant et du cessionnaire.
- La date de la cession.
- La désignation des créances garanties et des créances cédées.
À compter de la date de la cession, le cédant ne peut, sans l’accord du cessionnaire, modifier les droits attachés à la créance cédée. La cession de créance doit lui être notifiée et ce dernier doit intervenir à l’acte. À défaut, le cédant reçoit valablement le paiement de la créance.
B- Le transfert fiduciaire d’une somme d’argent
C’est la convention par laquelle un constituant cède des fonds en garanti de l’exécution d’une obligation. Ces fonds doivent être inscrits sur un compte bloqué ouvert au nom du créancier de cette obligation dans les livres d’un établissement de crédit habilité à les recevoir.
À peine de nullité, la convention détermine les créances garanties ainsi que le montant des fonds cédés à titre de garantie et identifie le compte bloqué. Le transfert fiduciaire devient opposable aux tiers à la date de sa notification à l’établissement teneur du compte pourvu que les fonds soient inscrits sur le compte bloqué.
Section 3 : Les sûretés réelles sans dépossession
Le créancier va se voir conférer un droit sur un ou plusieurs biens de son débiteur pour sûreté de sa créance. Ce qui change ici, c’est que le débiteur n’est pas dépossédé du bien qui sert de garantie.
Paragraphe 1 : Les nantissements sans dépossession
Le nantissement est l'affectation d’un bien meuble présent ou futur en garantie d’une ou plusieurs créances présentes ou futures à condition que celles-ci soient déterminées ou déterminables. Le nantissement est conventionnel ou judiciaire. Peuvent être nantis sans dépossession du débiteur : les créances, le compte bancaire, les droits d’associés et les valeurs mobilières, le fonds de commerce et enfin, les droits de propriété intellectuelle.
A- Le nantissement de créance
Le nantissement doit être constaté à peine de nullité dans un écrit contenant la désignation des créances garanties et des créances nanties. Lorsque le nantissement a pour objet une créance future, le créancier nanti acquiert un droit sur la créance dès la naissance de celle-ci. Le nantissement peut porter sur une fraction de créance sauf si elle est indivisible.
B- Le nantissement de compte bancaire
Le nantissement de compte bancaire est un nantissement de créance. Lorsque le nantissement porte sur un compte bancaire, la créance nantie s’entend du solde créditeur, provisoire, ou définitif au jour de la réalisation de la sûreté, sous réserve de la régularisation des opérations en cours. Sous cette même réserve, en cas d’ouverture d’une procédure collective à l’encontre du débiteur de la créance garantie, les droits du créancier nanti portent sur le solde créditeur du compte au jour de cette ouverture.
Les parties peuvent convenir des conditions dans lesquelles le constituant pourra continuer à disposer des sommes inscrites sur le compte nanti. Même après réalisation, le nantissement de compte bancaire subsiste tant que le compte n’a pas été clôturé et que la créance garantie n’a pas été intégralement payée.
C- Le nantissement des droits dissociés et valeurs mobilières et compte de titres financiers
Les droits d’associés et valeurs mobilières des sociétés commerciales et ceux cessibles de toutes autres personnes morales assujetties à l’immatriculation au RCCM peuvent faire l’objet d’un nantissement conventionnel ou judiciaire, à peine de nullité, le nantissement des droits d’associés et des valeurs mobilières doit être constaté dans un écrit contenant les mentions suivantes :
- La désignation du créancier, du débiteur et du constituant du nantissement si celui-ci n’est pas le débiteur.
- Le siège social et le, numéro d’immatriculation au RCCM de la personne morale émettrice des droits d’associés et valeurs mobilières.
- Le nombre ou le moyen de déterminer ceux-ci et le cas échéant les numéros des titres nantis.
- Les éléments permettant l’individualisation de la créance garantie tels que son montant ou son évaluation, sa durée et son échéance
Le nantissement des droits d’associés et des valeurs mobilières confère au créancier :
- un droit de suite qu’il exerce ;
- un droit de réalisation ;
- un droit de préférence ;
- le droit de percevoir les fruits des droits sociaux et des valeurs mobilières nanties si les parties en sont convenues.
De même, les comptes de titres financiers peuvent être nantis. Le nantissement, d’un compte de titres financiers est la convention par laquelle le constituant affecte en garantie d’une obligation l’ensemble des valeurs mobilières et autres titres financiers figurant dans ce compte. Le nantissement de compte de titres financiers est constitué tant entre les parties qu’à l’égard de la personne morale émettrice et des tiers par une déclaration datée et signée par le titulaire du compte.
D- Le nantissement des droits de propriété intellectuelle
Le nantissement des droits de propriété intellectuelle est la convention par laquelle le constituant affecte en garantie d’une obligation tout ou partie de ses droits de propriété intellectuelle existants ou futurs tels que des brevets d’invention, des marques de fabrique et de commerce, des modèles et dessins. Il peut être conventionnel ou judiciaire. Ce nantissement doit être constaté dans un écrit contenant entre autres, la désignation du créancier, du débiteur ou du constituant si celui-ci n’est pas le débiteur.
Le nantissement de droit de propriété intellectuelle ne s’étend pas sauf convention contraire des parties, aux accessoires et aux fruits résultant de l’exploitation du droit de propriété intellectuelle, objet du nantissement. Le nantissement du droit de propriété intellectuelle confère au créancier :
- Un droit de suite.
- Un droit de réalisation.
- Un droit de préférence.
E- Le nantissement du fonds de commerce et privilèges du vendeur du fonds de commerce
Selon l’article 162 de l’Acte uniforme, le nantissement du fonds de commerce est la convention par laquelle le constituant affecte en garantie d’une obligation, les éléments incorporels constitutifs du fonds de commerce à savoir la clientèle, l’enseigne ou le nom commercial.
Le nantissement peut aussi porter sur les autres éléments du fonds de commerce tels que le droit au bail à usage professionnel, les licences d’exploitation, les brevets d’invention. Le nantissement peut aussi être étendu au matériel professionnel.
En ce qui concerne le privilège, l’article 166 de l’Acte uniforme sur le droit commercial général prévoit que lorsque le prix n’est pas payé comptant, le vendeur dispose d’un privilège sur le fonds de commerce vendu ; il doit à cet effet, procéder à l’inscription de son privilège de vendeur.
C’est ainsi que les dispositions des articles 166 et suivant de l’Acte uniforme sur les sûretés organise le privilège spécial qui garantit au propriétaire vendeur de son fonds de commerce, le paiement intégral de son prix de vente. Concernant ce privilège du vendeur, pour produire ses effets translatifs et être opposable aux tiers, la vente doit être inscrite au RCCM.
Paragraphe 2 : Les privilèges
Le privilège est un droit que la qualité de la créance donne à un créancier d’être préféré aux autres créanciers, mêmes hypothécaires. Il en résulte que le privilège est une sûreté très forte. L’acte uniforme sur les sûretés classe les privilèges en deux catégories : Les privilèges généraux et les privilèges spéciaux.
A- Les privilèges généraux
Les privilèges généraux portent sur l’ensemble des biens du débiteur. Il y a d’une part, les privilèges généraux mobiliers et d’autre part, les privilèges généraux immobiliers. Sont privilégies sans publicité et dans l’ordre qui suit :
1- les frais d’inhumation : les frais de la dernière maladie du débiteur ayant précédé la saisie des biens.
2- Les fournitures de subsistance faites au débiteur pendant la dernière année ayant précédé son décès, la saisie des biens ou la décision judiciaire d’une procédure collective.
3- Les sommes dues aux travailleurs et apprentis pour exécution et résiliation de leur contrat durant la dernière année ayant précédé le décès du débiteur, la saisie des biens ou la décision judiciaire d’ouverture d’une procédure collective.
4- Les sommes dues aux auteurs d’œuvres intellectuelles, littéraires et artistiques pour les trois dernières années ayant précédées les évènements précités aux trois premiers.
5- Dans la limite de la somme légalement fixée pour l’exécution provisoire des décisions judiciaires, des sommes dues aux organismes de sécurité et de prévoyance sociale.
6- Les sommes dont le débiteur est redevable au titre des. créances fiscales et douanières (dans la limite du 5e cas).
Ces privilèges n’ont d’effet que s’ils sont inscrits dans les 6 mois de l’exigibilité de ces créances au RCCM. L’inscription concerne le privilège du Trésor, de l’Administration des douanes et des organismes de sécurité et de prévoyance sociale pendant 3 ans à compter du jour où elle a été prise.
B- Les privilèges spéciaux
Ils portent sur certains biens du débiteur. Comme privilèges spéciaux sur les meubles, on trouve le privilège du bailleur d’immeuble sur les meubles garnissant l’immeuble loué. Il y a aussi le privilège de l’hôtelier et du transporteur.
Il y a aussi le privilège du vendeur sur les meubles vendus. Le vendeur, au terme de l’article 183 du nouvel Acte uniforme, a sur le meuble vendu un privilège en garantie du paiement du prix non payé s’il est encore en la possession du débiteur ou sur le prix encore dû par le sous-acquéreur.
En ce qui concerne le privilège du bailleur d’immeuble sur les meubles garnissant les lieux loués, il garantit outre les dommages et intérêts qui pourraient lui être alloués, les créances du bailleur contre le preneur pour les 12 mois échus précédents la saisie et pour les 12 mois à échoir après celle-ci.
Le preneur ou toute personne qui par des manœuvres frauduleuses, prive le bailleur de ce privilège commet une infraction pénale réprimée par la loi nationale de chaque Etat partie. En cas de déplacement des meubles sans son consentement, le bailleur peut encore procéder à leur saisie et conserve son privilège sur eux s’il en a fait la déclaration de revendication dans l’acte de saisie.
De même, le transporteur terrestre a un privilège sur la chose transportée pour tout ce qui lui est dû à condition qu’il y ait un lien de connexité entre la chose transportée et la créance. Il en est de même du travailleur d’un exécutant d’ouvrage à domicile qui a un privilège sur les sommes dues par le donneur d’ordre pour garantir les créances nées du contrat de travail si celles-ci sont nées de l’exécution de l’ouvrage.
Les travailleurs et fournisseurs des entreprises de travaux ont un privilège sur les sommes restantes dues à celle-ci pour les travaux exécutés en garantie des créances nées à leur profit à l’occasion de l’exécution de ces travaux. Les salaires dus aux travailleurs sont payés par préférence au salaire dû aux fournisseurs.
De même, le commissionnaire a sur les marchandises qu’il détient pour le compte du commettant, un privilège pour garantir ses créances nées du contrat de commission. Comme privilèges spéciaux immobiliers, on trouve le privilège du vendeur d’immeuble sur l’immeuble vendu, les privilèges spéciaux des architectes et entrepreneurs en paiement des travaux effectués sur immeuble.
Paragraphe 3 : L’hypothèque
Au terme de l’article 190 de l’Acte uniforme, l’hypothèque est l’affectation d’un immeuble déterminé ou déterminable appartenant au constituant en garantie d’une ou plusieurs créances présentes ou futures, à condition qu’elles soient déterminées et déterminables. La garantie hypothécaire est une sûreté qui présente tant pour le débiteur que pour le créancier, des avantages énormes :
- Le débiteur n’est pas dessaisi de son immeuble dont il conserve l’usage, la jouissance et le droit d’aliénation ; et il peut se procurer par une plusieurs hypothèques successives un capital représentant tout ou partie de sa valeur.
- Le créancier non payé à l’échéance a le droit de saisir l’immeuble en quelques mains qu’il se trouve (il bénéficie du droit de suite) et se faire payer sur le prix avant les autres créanciers (il bénéficie du droit de préférence).
L’hypothèque apparaît donc comme un droit réel accessoire à une créance exercée sur un immeuble et qui confère à son titulaire un droit de suite et un droit de préférence. C’est à partir de cette définition que l’on peut présenter les caractères de l’hypothèque pour dire que l’hypothèque est un droit réel accessoire, immobilier et indivisible.
A- Source des hypothèques
L’hypothèque peut être conventionnelle, légale ou judiciaire.
1- L’hypothèque conventionnelle
Le créancier qui veut se prémunir contre le risque d'insolvabilité peut se faire librement consentir un droit réel sur les immeubles immatriculés que possède son débiteur. Le droit ainsi constitué est une hypothèque conventionnelle. En réalité, quelle que soit sa source, l'hypothèque se définit en fonction de ses caractères généraux, des biens et des droits qui peuvent en être grevés, de l’assiette sur laquelle elle s'étend.
L'hypothèque conventionnelle offre des avantages considérables. Elle confère au créancier toutes les prérogatives attachées à un droit réel. Le créancier hypothécaire bénéficie du droit de suivre l'immeuble dans quelques mains qu'il se trouve. Avantageuse pour le créancier, elle l'est aussi pour le débiteur qui conserve l'usage et la jouissance de l'immeuble. L'hypothèque est un instrument de crédit très perfectionné, car elle permet au propriétaire de se procurer des liquidités par la constitution d'une ou de plusieurs hypothèques.
2- L'hypothèque légale (forcée)
L'hypothèque forcée légale est attachée de plein droit à une créance en dehors de toute manifestation de volonté du débiteur et du créancier. L'Acte uniforme protège particulièrement certains créanciers contre leur cocontractant pour favoriser le recouvrement de leur créance. Ainsi, on peut citer en la matière l'hypothèque légale de la masse des créanciers d'une procédure collective de redressement judiciaire ou de liquidation des biens.
3- L'hypothèque judiciaire
Elle est celle qui est conférée par une décision de justice. En effet, selon l’article 213 de l'Acte uniforme, le créancier peut être autorisé à prendre inscription provisoire d'hypothèque sur les immeubles de son débiteur en vertu d'une décision de la juridiction compétente du domicile du débiteur ou du ressort dans lequel sont situés les immeubles à saisir. La décision rendue indique la somme pour laquelle l’hypothèque est autorisée. Elle fixe au créancier un délai dans lequel il doit à peine de caducité de l’autorisation former devant la juridiction compétente l’action en validité d’hypothèque conservatoire.
Selon l’article 216 de l’Acte uniforme, le créancier est autorisé à prendre une inscription provisoire d’hypothèque sur présentation de la décision contenant la désignation du créancier, le nom du débiteur, la date de la décision, la cause et le montant de la créance garantie, la désignation de chacun des immeubles sur lequel l’immatriculation a été ordonnée.
B- Caractères des hypothèques
1- Un droit réel
Le droit réel est un droit qui porte directement sur la chose. La doctrine expose que le droit réel est un droit suffisamment marqué par les deux prérogatives qui font partie de l’hypothèque : le droit de suite et le droit de préférence.
2- Un droit réel accessoire
C’est par opposition aux droits réels principaux, cela veut dire que l’hypothèque suppose une créance à garantir. Ainsi, l’hypothèque suit le sort de cette créance. L’hypothèque ne peut exister sans une créance à garantir.
Si la créance à garantir est cédée ou transmise, cela entraîne aussi la cession ou la transmission de l’hypothèque. Si la créance s’éteint, l’hypothèque aussi s’éteint. Mais, elle peut s’éteindre sans la disparition de la créance. C’est ainsi que la créance subsiste si le bénéficiaire de la créance (créancier) renonce à l’hypothèque.
3-Un droit réel immobilier
C’est un droit réel immobilier par l’objet auquel il s’applique. L’objet sur lequel porte l’hypothèque s’appelle l’assiette et cette assiette est le plus souvent un immeuble. En effet, selon l’article 192 de l’Acte uniforme sur les sûretés, peut faire d’une hypothèque « les fonds bâtis ou non bâtis et leur amélioration ou construction survenue à l’exclusion des meubles qui en constituent l’accessoire, les droits réels immobiliers régulièrement inscrits au RCCM.
4- Le caractère indivisible de l’hypothèque
L’hypothèque est indivisible même si la dette se divise ; même si la créance se divise, l’hypothèque reste indivisible. Au décès du débiteur, le bénéficiaire de l’hypothèque peut demander paiement intégral à celui des héritiers qui a reçu en succession l’immeuble. Chaque fraction de l’immeuble doit répondre de la dette.
Selon l’article 193 de l’Acte uniforme, l’hypothèque est indivisible par nature et subsiste totalement sur les immeubles affectés jusqu’à complet paiement et malgré la survenance d’une succession. L’article 194 poursuit en indiquant que ceux qui n’ont sur l’immeuble qu’un droit soumis à condition, résolution et rescision, régulièrement publiées ne peuvent consentir qu’une hypothèque soumise aux mêmes conditions, résolution ou rescision.
Toutefois, l’hypothèque consentie par tous les copropriétaires d’un immeuble en indivision conserve son effet quel que soit ultérieurement le résultat du partage ou de la licitation. Dans le cas contraire, elle ne conserve son effet que dans la mesure où l’indivisaire qui l’a consentie est lors du partage allotis de l’immeuble indivisible. Ou quand l’immeuble est licité à un tiers, elle le conserve également si cet indivisaire est alloti du prix de la licitation.
C- Classification des hypothèques (confère supra).
D- Effets de l’hypothèque
Constituer une hypothèque, c’est conférer au créancier hypothécaire à titre de garantie certains droits sur l’immeuble grevé. Les effets produits par les hypothèques, quelle que soit leur source sont prévus par le chapitre 4 du titre 3 du nouvel Acte uniforme sur les sûretés (les articles 222 et 223).
Ces effets se ramènent aux pouvoirs des parties sur les biens hypothéqués. Ces pouvoirs se traduisent d’une part par le droit de suite et d’autre part par le droit de préférence qui ne se présentent pas de la même façon selon que le bien se trouve entre les mains du constituant ou d’un tiers détenteur.
1- Situation de l’immeuble hypothéqué entre les mains du constituant
Le propriétaire débiteur conserve sur l’immeuble hypothéqué des droits aux limites desquelles se trouvent les pouvoirs des créanciers hypothécaires :
- Droit du constituant sur l’immeuble hypothéqué : Avant l’exécution de la créance garantie l’hypothèque a le grand avantage de laisser au propriétaire la maîtrise de ses biens.
Elle n’affecte pratiquement pas ses droits. Le constituant reste ainsi le propriétaire du bien hypothéqué. Il conserve en règle générale un droit d’usage, un droit de jouissance et un droit d’administration dans une certaine mesure. Le constituant peut également donner à bail l’immeuble hypothéqué. Il perçoit librement les fruits et revenus de l’immeuble. Le créancier hypothécaire n’a rien à craindre de ces actes qui lui sont inopposables dès l’instant où ils sont postérieurs à son inscription.
- Pouvoir du créancier hypothécaire : Le créancier hypothécaire ne retire aucune utilité immédiate de sa garantie. Il n’a ni le droit de jouissance ni le droit d’usage, ni le droit de disposition. Son droit est différé et presque virtuel. Il n’apparaît qu’au moment de l’exécution de la garantie. Le créancier hypothécaire a l’action hypothécaire, c’est-à-dire qu’il dispose d’un droit de préférence.
Ce droit de préférence s’exerce selon les dispositions de l’article 225 de l’Acte uniforme pour garantir aussi bien le principe de la dette et les frais. Le droit de préférence s’exerce également par subrogation sur l’indemnité de l’assurance sur l’immeuble sinistré.
De façon générale, le droit de préférence permet à son titulaire d’échapper au concours des autres créanciers. L’hypothèque conventionnelle est primée par les frais de privilège généraux et par les privilèges de salaires.
2- Situation de l’immeuble hypothéqué entre les mains du tiers détenteur
Le détenteur ici est le nouveau propriétaire de l’immeuble hypothéqué. Le débiteur hypothécaire conserve sur son bien toutes les prérogatives du propriétaire dont notamment le droit d’aliéner. Le droit de préférence du créancier hypothécaire deviendrait fragile si l’hypothèque n’était pas opposable à l’acheteur, c’est le but du droit de suite.
- Le droit de suite du créancier hypothécaire : le droit de suite est exercé contre le débiteur ou tout tiers dont le titre est publié postérieurement à l’hypothèque. Le droit du créancier hypothécaire est donc opposable aux tiers acquéreurs. Le droit de suite se ramène donc de façon générale à deux prérogatives : la conservation du droit de saisie du créancier hypothécaire et du droit de préférence à l’endroit du tiers acquéreur.
Le créancier hypothécaire a le droit de saisir et de vendre l’immeuble entre les mains du tiers acquéreur qui le détient à la suite d’une aliénation afin de se faire payer par préférence sur le prix de la vente.
- L’option du tiers détenteur : Le tiers détenteur dispose d’une série d’options (il n’est tenu à la dette qu’à titre hypothécaire).
Il peut d’abord s’opposer à l’adjudicataire et dispose pour cela de deux moyens : le bénéfice de discussion et le délaissement. Il peut aussi proposer la purge de l’hypothèque (action consistant à désintéresser le créancier hypothécaire en payant l’hypothèque).
E- le sort de l’hypothèque
Au terme de l’Acte uniforme, l’extinction de l’hypothèque (conventionnelle) résulte :
- De l’extinction de l’obligation principale.
- De la renonciation du créancier à l’hypothèque.
- De la péremption de l’inscription attestée par le conservateur de la propriété foncière.
Le sort de l’hypothèque conventionnelle est déterminé par les liens qui l’unissent d’une part à son objet ; et d’autre part à la créance qu’elle garantit. En premier lieu, l’hypothèque étant liée à l’immeuble sur lequel elle porte est éteinte lorsque son assiette disparaît. En second lieu, l’hypothèque est liée à la créance qu’elle garantit.
Le sort de l’hypothèque est déterminé par ses caractères. Il s’agit d’un droit accessoire à la créance, d’un droit indivisible et d’un droit distinct.
Voilà ! C'est ici que prend fin ce cours sur les sûretés (droit civil). Vous êtes libre de consulter aussi :
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