Cours d'introduction à l'étude du droit du professeur Lathe Yédo, enseignant de Droit à l'université Félix Houphouet Boigny de Cocody/Abidjan. Ce cours n'est qu'une introduction générale de cette matière (introduction à l'étude du droit). La suite de ce cours (première partie) et (deuxième partie), vous sera proposer sous forme de résumé détaillé.
Considération générale
Le droit est un phénomène social et normatif
Robinson Crusoë, vivant isolé et seul sur l’île qu’il appela « l’île du désespoir », avait peut-être une morale mais il n’avait pas pour autant de relations juridiques avec d’autres hommes ; or le droit a pour objet précisément de régir ces relations (relations interpersonnelles) (Philippe MALAURIE et Laurent AYNES, Cours de Droit civil, Tome I, Introduction à l'étude du droit, 2° édition, Editions Cujas, Paris, 1994).
De même, dans une collection inorganisée (un agrégat d’individus), « il n’y a pas non plus de droit. Ce groupement serait, au sens technique, une société anarchique.
Chacun de ses membres aurait une liberté totale ; "il ne serait lié aux autres membres du groupe par aucune relation : il n’y a pas entre eux de rapports juridiques. Or, c'est par des relations juridiques qu’une Juxtaposition d’individus constitue une société.
La société anarchique est Imaginaire ; la réalité n’en offre aucun exemple."
L'enseignement de l’introduction générale au droit est donc une invitation à la connaissance synoptique de l'ordre juridique, à la maîtrise des notions élémentaires de la science du droit, à l’utilisation du code et du langage du droit.
Pour ce faire les étudiants sont invités à consulter le Lexique des termes juridiques (Dalloz, Paris) ou l'ouvrage de Gérard Cornu consacré au vocabulaire juridique (PUF, Paris), ainsi que le Dictionnaire de la culture juridique publié sous la direction de Denis Alland et Stéphane Rials (PUF, Paris). Ils sont, en conséquence, invités à manipuler le langage, la sémantique et les expressions juridiques ; car le droit a son propre vocabulaire. Un mot, bien que courant et connu, peut avoir un sens différent dans la sphère du droit. L'étudiant en droit doit parvenir alors à se défaire des usages communs pour recourir plutôt aux sens techniques des notions juridiques.
En définitive, c’est une invitation à la réflexion aux problèmes que pose la science du droit, une invitation à apprendre, à analyser et à maîtriser les questions juridiques.
I- La définition du droit
La définition du droit n’est point aisée. Ce mot (droit) présente plusieurs sens et son étymologie demeure être de peu de secours. De même, ce mot, qui traduit en français « droit, en anglais « right », en allemand « Recht », en talien dritto »... se rattachant à une métaphore où une figure géométrique, a pris un sens moral, puis juridique : « le droit, c’est la ligne droite, qui s'oppose a la courbe ou a oblique, ce qui s’apparente aux notions de rectitude, de franchise, de loyauté dans les rapports humains ». Оn peut ainsi comprendre qu'une telle acception ne permet pas de définir immédiatement la notion de droit ; elle ne nous fournit qu’une idée approximative du concept.
Cependant, il est revenu à la doctrine de tenter de cerner le droit sous le prisme d’une double définition (A), qui bien s’orientant dans des sens différents, demeure complémentaire (B).
A- Une double définition : La dichotomie droit objectif - droit subjectif
Lorsqu’on observe la doctrine, on se rend très vite compte que le mot « droit » est pris couramment dans deux sens bien différents, que l’on a coutume de distinguer par des qualificatifs : objectif et subjectif.
1- Le droit objectif
La définition objective du droit met l’accent sur l’objet du droit, qui consiste, d'une façon générale, à assurer l’organisation d’une société donnée. Ainsi, le droit objectif est l’ensemble des règles qui organisent la vie en société et dont la violation est sanctionnée par les pouvoirs publics. Pour Boris Starck, il s'agit « d’une première définition du Droit, du moins d’une première approche ».
Il relève, à cet effet, que « le Droit, c'est l’ensemble des règles de conduite s'imposant aux hommes vivant en société, règles de conduite encore appelées normes dont l'inobservation entraîne l’application d’une sanction ». On peut relever que cette définition se rattache à l’aspect général du terme droit sous le qualificatif « objectif ».
Elle ne prend pas en compte les situations particulières des individus ou sujets de droit ; elle ignore les subjectivités et met plutôt l'accent sur l’objectivation des rapports sociaux. Il s'agit d'une définition abstraite du droit envisagé « au point de vue de la réglementation impersonnelle des rapports sociaux ».
En effet, dans l'approche du droit objectif, « la règle de droit délimite les préceptes de conduite à observer dans une certaine situation pour aboutir à un certain objet, abstraitement défini. Par exemple, la partie du droit qui s’occupe de la propriété des choses, détermine de façon générale quelles sont les choses qui peuvent être objet de propriété, comment on peut acquérir cette propriété, quelles sont les règles que tout propriétaire doit respecter dans l’utilisation de la chose qui lui appartient ».
En effet, dans l'approche du droit objectif, « la règle de droit délimite les préceptes de conduite à observer dans une certaine situation pour aboutir à un certain objet, abstraitement défini. Par exemple, la partie du droit qui s’occupe de la propriété des choses, détermine de façon générale quelles sont les choses qui peuvent être objet de propriété, comment on peut acquérir cette propriété, quelles sont les règles que tout propriétaire doit respecter dans l’utilisation de la chose qui lui appartient ».
2- Le droit subjectif
La définition subjective du droit met l’accent sur le sujet du droit, c'est-à-dire la personne destinataire du droit (de l’obligation juridique) et susceptible d’être par ailleurs titulaire des droits (des avantages). De ce point de vue, on définit le droit subjectif comme le droit du sujet, c’est-à-dire les prérogatives reconnues à une personne. En d’autres termes, « c’est tantôt le droit pour une personne de faire quelque chose, tantôt celui d’obtenir qu’une autre personne fasse quelque chose à son profit ».
Si le droit subjectif est une prérogative, une faculté et peut être même envisagé comme une liberté, il ne saurait désigner toute forme de prérogative accordée à l’individu, sous peine de perdre toute dimension opératoire pour la pensée.
- Le droit subjectif se distingue des libertés publiques.
Alors que les libertés publiques expriment de façon très générale des possibilités d’agir conférées au sujet (liberté de religion, de communication, de déplacement, etc.), le droit subjectif désignerait des prérogatives plus nettement précisées. La propriété permet de donner une illustration topique du droit subjectif, en tant que « droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvue qu'on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ».
Il y aurait donc une distinction assez nette entre droit subjectif et liberté. La liberté désigne la possibilité même d’agir avec ou sans les tiers, avec ou sans extériorisation de l'action. Le droit subjectif, quant à lui, présuppose un tiers auquel il est opposable : c’est le droit de faire valoir une prérogative donnée à l’encontre d’autrui.
Mais, cette distinction n’empêche pas la complémentarité entre les deux notions en certaines matières : « la liberté de l’écrivain se prolonge dans le droit, matériel et moral, de l’auteur sur son œuvre » ; de même le droit de Propriété (droit subjectif) s’accommode bien avec le droit à la propriété (liberté publique).
- Le droit subjectif se distingue du pouvoir
Si un sujet de droit dispose de possibilités d'action opposables aux tiers, toutes les possibilités d’action ne sont pour autant constitutives de droits subjectifs.
Il est donc utile de distinguer le droit subjectif stricto sensu et d'autres prérogatives reconnues par le droit à l'individu. C’est ainsi qu’on Peut établir une distinction entre le droit subjectif et le pouvoir. Une telle distinction est nécessaire aussi bien en droit
public qu’en droit privé. En droit public, le pouvoir est une prérogative reconnue à une autorité administrative (maire, sous-préfet, préfet, gouverneur de district), politique (ministre, président, député) ou juridictionnelle (Cour suprême, Conseil constitutionnel).
Cependant, une telle prérogative n’est pas un droit subjectif reconnu à un individu, mais plutôt une prérogative résultant d’une fonction ou d’une charge publique dont l’individu n’en est que l’agent d’exercice. Le pouvoir, qu’il soit politique, administratif ou même juridictionnel, n’appartient pas à son agent d’exercice ; il appartient en réalité au peuple (qui en est le titulaire originaire) ; car, dans une démocratie, même la justice est rendue au nom du peuple.
C’est en cela que les constitutionnalistes parlent de l’institutionnalisation du pouvoir, en ce que le pouvoir (en droit public) n’existe, ne se justifie, ne s’exerce qu’au nom et pour le compte de l’institution (politique, administrative, juridictionnelle). Il y a donc une distinction entre l’individu qui incarne l’institution et l’institution elle-même : le pouvoir politique n’est pas patrimonial mais institutionnel.
En droit privé, « tandis que le pouvoir désigne une prérogative conférée à un individu dans un intérêt au moins partiellement distinct du sien, le droit subjectif est une possibilité d’agir conférée dans l'intérêt exclusif de son titulaire ».
C’est donc à juste titre qu’on parle des pouvoirs, et non des droits, des mandataires ou des époux, des parents, des dirigeants sociaux. Sur la base de cette même distinction, on fait une démarcation entre le détournement de pouvoir et l’abus de droit.
Le détournement de pouvoir suppose que le titulaire du pouvoir use de ses prérogatives à des fins différentes de celles qui justifiaient son habilitation
L'abus de droit désigne plutôt le cas dans lequel le titulaire d’un droit subjectif exerce ce droit de façon fautive, rentrant de ce fait dans le champ de l’article 1382 du code civil.
- Le droit subjectif tient à la Personne et son patrimoine
Prérogatives particulières dont peut se prévaloir une personne déterminée, es droits subjectifs concernent sa Personne et son patrimoine.
En ce qui concerne la personne, les droits subjectifs tiennent en des droits extrapatrimoniaux : nom, famille, honneur, liberté. Relativement à son patrimoine, ce sont des droit patrimoniaux : propriété, contrats, obligations...
B - La complémentarité des deux définitions : Les deux facettes d'une même réalité
Le mot « droit » désigne deux notions distinctes : un droit objectif (la règle sociale) et les droits subjectifs, d’où la distinction entre le Droit et les droits.
Cette distinction oppose la règle générale et les prérogatives conférées aux sujets de droit. Par exemple, l’article 1382 du Code civil dispose que toute personne qui cause à autrui un dommage par sa faute doit le réparer : c’est là une règle abstraite et générale, qu’on détermine par le terme de droit objectif.
Mais, la prérogative de telle ou telle victime du dommage causé par la faute d’autrui est concrète et individuelle ; elle est donc un droit subjectif.
On peut alors en conclure avec Henri Lévy-Bruhl : « Tandis que le droit subjectif est une faculté, une liberté, le droit objectif est essentiellement une obligation ».
On comprend donc que le droit subjectif ne peut exister et être mis en œuvre que préalablement aux prescriptions du droit objectif. De même, sans la reconnaissance des droits subjectifs, le droit objectif ne serait qu’une abstraction dépourvue d’effectivité judiciaire ou même pratique ; ce qui se traduit à travers la célèbre formule de droit processuel « pas d’intérêt pas d’action ».
Ainsi, en remontant à la structure même de la règle de droit, selon Motulsky, dans ses Principes d'une réalisation méthodique du droit privé (La théorie des éléments générateurs des droits subjectifs), fidèle sur ce point à Stammler, la règle de droit consiste en l’enchaînement d’une « présupposition » et d’un « effet juridique ». À titre d’exemple, lorsqu’une faute qui est commise crée un dommage (présupposition), son auteur doit réparation (effet juridique). On peut présenter cette situation en disant qu’il existe un droit pour la victime d'obtenir réparation.
En ce sens, Motulsky estime que « le concept du droit subjectif ne fait que traduire la faculté, pour l'individu de déclencher l'impératif contenu à la règle de droit ».
En conséquence, il existe une complémentarité entre ces deux dimensions de la même réalité que constitue le Droit.
Le droit subjectif, « bien qu'il se présente comme une conquête de l'individu, et, par là, semble aussi loin que possible de l'idée de règles pourvues de sanctions ayant pour objet d’assurer ce fonctionnement des libertés qu’il proclame. Bien que ne s’appliquant pas de la même manière, il est certain que l’idée d’obligation reste à la base du droit subjectif comme du droit objectif ».
En définitive, on peut observer que « Les droits subjectifs sont les droits déterminés par le droit (objectif) ».
II- Les rapports consubstantiels entre le droit et la société
Ubi societas, ibi jus, tel est l’adage bien connu de tous - y compris les Profanes et qui proclame le lien logique, indissociable et indispensable entre la société humaine, et le droit. Il signifie littéralement « là où est la société est aussi le droit » ; en d'autres termes, il n y a pas de droit sans société et inversement, il n'existe pas de société sans droit. Le phénomène juridique traverse toutes les sociétés humaines, mais il est spécifique aux sociétés humaines.
A- Le droit, un phénomène social : Pas de droit sans société
Le phénomène juridique suppose un groupement d'individus : ubi societas ibi jus : il n'y a pas de droit sans société et il n'existe pas de société sans droit. Dire du droit que c'est un phénomène social, signifie que c'est une chose qui apparaît dans la société, qui est inhérente à la société humaine. (En Grec ta phainomena ; signifie les choses qui apparaissent).
L'évolution des groupements humains suppose toujours un minimum de rationalisation des rapports humains ; tout au moins apparaissent, toujours, les signes d'une organisation sociale, et même d'une évolution imposée par les nécessités et/ou déterminées par la volonté humaine.
Nécessités sociales et volonté humaine tels sont les deux facteurs qui déterminent la formation des règles de droit. Les opinions varient, et même divergent quant à l'importance qu'on leur accorde (nous reviendrons sur cette question dans la recherche du fondement du caractère obligatoire du droit ainsi que dans le chapitre sur les sources du droit). La qualité du droit est fonction du degré dévolution de la société.
La grandeur d'une société donne plus d'amplitude au rayonnement du droit ou même à l'impérialisme juridique. C'est ainsi que le droit romain s'est répandu en occident et dans une grande partie de la planète en raison de ce que la société romaine s'est élevée à la stature d'une civilisation. Dans une première approche, « nous pouvons dire que la civilisation représente l'unité morale ou spirituelle la plus large à laquelle puisse se rattacher une société, mais plus généralement un groupe de sociétés.
Elle comprend l'ensemble des caractères ou traits spécifiques, à caractère politique, linguistique, religieux, moral, scientifique, technique, civique, qui définissent ou marque une société ou plus sûrement un groupe de société ».
Les civilisations comme le relève Samuel Huntington sont plus gros que « nous ». Une civilisation peut couvrir plusieurs langues, une multitude d'États, divers systèmes juridiques. C'est ainsi qu'elle peut apparaître comme la justification de l'hégémonie d'un peuple sur d'autres ; c'est semble-t-il pour civiliser les peuplades africaines que les occidentaux ont entreprit la politique coloniale.
C'est par largement de la civilisation et au nom de la « civilisation supérieure » que l'Empire romains s'est étendu tant à l'intérieur de l'Europe qu'en dehors ; « Civilisation supérieure : c'est ce que toute civilisation dit d'elle-même, et l'inculque, par la famille, l'école, la rue, à l'ensemble de ses sujets ».
B- La société, une résultante du droit : Pas de société sans droit
La société humaine est un ensemble organisé d'individus (comprenant des hommes, des femmes et des enfants). Elle naît d'un ordre social façonné par le droit ; elle n'est en dernier ressort qu'un faisceau de rapports juridiques, notamment la paternité, la parenté, la nationalité, la citoyenneté. Sous l'effet de l'ordre juridique établi, toute société est appelée à évoluer vers des formes variées : la famille, le lignage, le clan, le village, le canton, la cité, l'État.
C'est ainsi que, dans les sociétés africaines traditionnelles, la famille, le lignage, le clan, le canton furent historiquement attachés au droit agraire ; et que la cité et l'État émergèrent de la constitution ou du droit constitutionnel en général.
C'est ainsi que, dans les sociétés africaines traditionnelles, la famille, le lignage, le clan, le canton furent historiquement attachés au droit agraire ; et que la cité et l'État émergèrent de la constitution ou du droit constitutionnel en général.
Il n'est pas exact d'affirmer que la société résulte seulement que du droit, mais elle est surtout façonnée et n'évolue qualitativement que par le raffinement du droit. Cela dit, aujourd'hui, il est généralement admis que l'organisation sociale à la fois la plus répandue, la plus importante (par sa dimension), la plus achevée (en dépit de ses imperfections nombreuses), c'est l'État ; n'en déplaise à la théorie marxiste initiale qui prophétisait que « le gouvernement des hommes cèdera la place à l'administration des choses » (Friedrich ENGELS) et aux thèses anarchistes.
Ce n'est pas pour autant prétendre que le droit ne naît et ne se développe que dans et par l'Etat. En effet, le phénomène juridique existe également dans des types de rapports sociaux, pré-étatiques, infra-étatiques ou tout simplement an-étatiques.
Les sociétés dites primitives connaissent, elles aussi le droit parce que la qualification de l'organisation sociale ne s'épuise pas dans la manifestation d'une différenciation sociale (voir par exemple Pierre CLASTRES : La société contre l'État : recherches d'anthropologie politique. Les Éditions de minuit, Paris, 1974). On peut même dire que l'idée de droit a germé dès que dans l'histoire de l'humanité, la rencontre s'est faite entre les humains.
En reconnaissant le droit comme un phénomène social, on se fonde non seulement sur la consubstantialité entre la société et le droit, mais on tient davantage compte de la fonction du droit.
Sur cette base, et en considération des convictions idéologiques et des données politiques et économiques, on peut être amené à demander plus ou alors moins de l'État. Attention donc à ne pas se laisser abuser par le titre de l'ouvrage de Laurent COHEN - TANUGI « Le droit sans l'État : sur la démocratie en France et en Amérique » (PUF, Collection Quadrige, Paris) dans lequel l'auteur défend l'idée d'un amoindrissement de la régulation sociale par l'État, et d'un développement corrélatif de l'autorégulation ». C'est l'État entendu au sens moderne, qui crée immédiatement le droit ou à défaut qui lui accorde en dernière instance son onction, sa validité.
Voir les exemples de : Adam et Eve dans le récit Biblique : ils créent leur loi en marge de la loi de Dieu.
Robinson CRUSOE qui ne (re)fera connaissance avec le droit après vingt-huit ans de vie solitaire sur « l'île du désespoir » qu'à la suite de sa rencontre avec Vendredi.
III- La fonction du droit
Si une société humaine se constitue par l'objectivation des rapports entre ses membres, elle ne se construit que par la préservation en son sein de l'ordre public.
C'est ainsi que Jean Dabino relève dans la règle de droit une double fonction, lune constituante, par laquelle le groupe prend corps et vie, l'autre rectrice et ordonnatrice, par laquelle il oriente l'action de ses membres dans le sens des fins sociales. Ce qui met en évidence à la fois une fonction sociale (A) et une fonction politique du droit (B).
A- Une fonction sociale d'objectivation des rapports humains
Le droit se définit avant tout en rapport avec sa fonction sociale. Ainsi, comme l'écrit Michel MIAILLE « le droit, c'est d'abord un ensemble de techniques pour réduire les antagonismes sociaux, pour permettre une vie aussi pacifique que possible entre des hommes enclins aux passions » (Une introduction critique au Droit, François Maspero, Paris).
On peut sans doute dire que c'est à l'intensité du conflit que se mesure l'efficacité du Droit. Mme Monique CHEMILLIER - GENDREAU indique à son tour que le droit a d'abord une fonction d'objectivation des situations ; elle explique que la qualité première du droit est de rendre possible le fonctionnement d'une société, un fonctionnement social organisé ; ce qui est le contraire de L'anarchie ( en grec anarkhia dérivé de : an (privatif) et de arkhein (commander) ) « ... une société est organisée s'il existe des mécanismes répartissant entre les individus qui la composent les droits, les fonctions et les tâches ; et des mécanismes répartissant les biens.
Le droit a alors pour fonction de réaliser un partage des biens et des services » (Introduction générale au Droit, Eyrolles Université, Paris). Il ne peut en être autrement puisque chaque individu ou chaque groupe social, c'est-à-dire chaque sujet de droit affirme sa prétention dans le partage social. Il le fait en fonction de sa subjectivité, c'est-à-dire de la conception qu'il a de ses droits. Ainsi, les subjectivités s'affirment-elles. Elles s'affrontent et leur déchainement crée le conflit.
La fonction du droit est d'anticiper le conflit, si cela est possible, par la formulation de principes de partage et de répartition qui devraient éviter l'affrontement ou de proposer, si néanmoins l'affrontement a lieu, des mécanismes de règlement. Les prétentions unilatérales, subjectives des parties disparaissent alors au profit de l'objectivité créée par le droit. Il s'agit certes d'une présomption d'objectivité, mais suffisante pour s'imposer à la psychologie du groupe.
B- Une fonction politique de coercition ou de préservation de l'ordre public
Au total, le droit s'inscrit dans une logique de pacification et de civilisation des relations ; et c'est un discours de pouvoir (Danièle LOSCHAK : Le droit, discours de pouvoir, in : Mélanges Léo HAMON).Le droit est, en effet, d'abord un discours de Pouvoir. Il naît de la coexistence inévitable entre les humains ; il manifeste et reproduit une relation de domination, d'autorité ; il crée l'ordre dans la famille, l'entreprise, l'État (Voir Louis ASSIER-ANDRIEU : Le droit dans les sociétés humaines, Éditions Nathan, Paris. Alain SERIAUX : Le Droit : une introduction, Ellipses, Paris).
La formule Ubi societas ibi jus indique en même temps la variété spatio-temporelle des ordres juridiques, la segmentation des rapports sociaux (des plus simples aux plus complexes), les diversités culturelles, les spécificités et les évolutions des rapports contradictoires ; autant de facteurs qui conditionnent l'énonciation et le contenu du droit en vigueur.
On vient de voir que le droit s'incarne dans la société et qu'il a vocation à faire naître un certain ordre. De ce point de vue, l'enseignement d'une discipline, ayant pour objet d'introduire les étudiants dans la sphère des études juridiques, conduit utilement, dune part, à un exposé de la théorie générale du droit (Première partie) et, d'autre part, à présenter le prolégomènes au droit ivoirien ou système juridique ivoirien (Deuxième partie).
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