Comment se déroule la carrière du magistrat en Côte d'Ivoire ? Quels sont les éléments clés dans le déroulement de la carrière du magistrat ivoirien ?
Il ne suffit pas d'être nomme dans les fonctions de magistrat, encore faut-il y faire carrière. Cela n'est possible qu'en application de certaines règles. Il s'agit des règles déterminant les grades et les emplois auxquels le magistrat peut accéder durant sa carrière d‘une part, et les règles fixant les conditions d'avancement dans la carrière d‘autre part.
A- Les grades et emplois de la profession de magistrat
La profession de magistrat est fortement hiérarchisée. Elle comprend différends grades et emplois auxquels le magistrat peut accéder tout au long de sa carrière s‘il donne satisfaction.
1- Les grades de la magistrature
Le corps de la magistrature est divisé en trois grades :
- Le grade de magistrat hors hiérarchie ;
- Le grade de magistrat du premier grade ;
- Le grade de magistrat du deuxième grade.
a- Le grade de magistrat hors hiérarchie
C'est le grade le plus élevé de la profession, car il est le dernier auquel on accède avant la retraite. Ce grade est subdivisé en deux groupes, le groupe A et le groupe B. Le magistrat accède directement au groupe A après trois année passée dans le groupe B. Mais pour acceder au grade de magistrat hors hiérarchie groupe B, il faut avoir au moins vingt ans de carrière.
b- Le magistrat du premier grade
Le premier grade de la magistrature qui vient immédiatement après celui de hors hiérarchie comprend également deux groupes, le 1er groupe et le 2ème groupe. On distingue ainsi dans ce grade les magistrats du 1er grade 1er groupe, qui est le plus élevé, et les magistrats du 1er grade 2ème groupe.
c- Les magistrats du deuxième grade
La réparation se fait ici de la même manière que dans le premier grade. On distingue alors les magistrats du 2ème grade 1er groupe suivis des magistrats du 2ème grade 2ème groupe.
2- Les emplois de la magistrature
Dans la profession de magistrat, il n’accède pas à emploi qu'il souhaite. Il faut avoir le grade correspondant à l’emploi, car chaque emploi correspond en effet à un grade. Par exemple si l’on est magistrat hors hiérarchie du groupe A, l’on peut être membre de la cour suprême.
Si l'on est magistrat hors hiérarchie du groupe B, l’on peut occuper les fonctions de premier président de la cour d‘appel ou de procureur général près de ladite cour.
Le premier grade premier groupe, donne droit aux emplois ou aux fonctions d’avocat général et président de chambre à la cour d’appel, de président du tribunal de première instance et de procureur de la république près dudit tribunal.
Le premier grade deuxième groupe ouvre aux emplois de substitut général et de conseiller à la cour d’appel, de vice-président du tribunal de première instance, et de procureur de la république près du même adjoint de tribunal.
Les fonctions de deuxième grade premier groupe sont celles de substitut du procureur de la république de première classe, juge d’instruction de première classe et juge de section. Quant aux fonctions de deuxième grade deuxième groupe, il s’agit de juge d'instruction de deuxième classe, juge de section adjoint et de substitut du procureur de deuxième classe.
B- Les avancements
Les avancements sont les passages d’un grade à un autre. Ils obéissent à certaines règles relativent tant à la durée qu’au critère de choix.
1- La durée des avancements
Pour avancer d’un grade à un autre, il faut avoir passé un certain nombre d’années dans le grade initial. Ainsi, par exemple, pour passer du grade de magistrat deuxième grade du deuxième groupe à celui de magistrat du 2ème grade 1er groupe, il faut au moins 8 ans en exercice de service.
Pour accéder au grade de magistrat premier grade deuxième groupe lorsque l’on quitte le grade de magistrat du deuxième grade premier groupe, il faut au moins 6 ans de service. Il convient de préciser que pour accéder au grade de magistrat hors hiérarchie, il n‘y a pas de durée précise à observer dans le grade précédent, c'est-à-dire du grade de magistrat premier grade premier groupe, car la nomination au grade de magistrat hors hiérarchie relève du pouvoir discrétionnaire du président de la République.
2- Les critères d’avancement
L’avancement d’un grade à un autre n’est pas automatique. Il intervient sur la base de notations. En effet, les magistrats sont notés par leurs chefs hiérarchiques dans l’exercice de leur fonction.
Ces notes portent sur plusieurs éléments d’appréciation qui sont : la tenue vestimentaire et la présentation, le bon sens, le jugement, l’esprit de synthèse, la culture générale, la curiosité intellectuelle, l’autorité, le sens des responsabilités, la force de caractère, la pondération, le sens de la mesure, la puissance de travail, la méthode et le sens de l’organisation, les connaissances juridiques et le sens de l’application du droit, la qualité de rédaction, l’aptitude à la présidence des audiences, la qualité d’administrateur et enfin l’aptitude à la parole.
Les degrés d’appréciation de ces différents critères vont de mauvais à exceptionnels en passant par insuffisant, bon, très bon. Ils correspondent à une note sur 20. Chaque année judiciaire, une liste d’aptitude et d’avancement des magistrats est dressée par la direction des services judiciaires et des ressources humaines du ministère de la Justice qui la transmet au conseil supérieur de la magistrature.
Cet organe délibère sur les avancements et proclame ses résultats. Il convient toutefois, de dire que l’avancement n’est pas seulement fondé sur les notes. Le comportement et la discipline du corps sont également pris en compte.
C- La discipline des magistrats
Dans l’exercice de leurs fonctions, les magistrats doivent faire preuve d’une certaine discipline, c'est-à-dire qu’ils doivent observer les règles déontologiques que leur impose la profession et ne jamais manquer à leurs obligations faute de quoi ils peuvent faire l’objet de sanctions disciplinaires. Quels sont ces manquements et les sanctions qui y sont attachées ?
1- Les fautes disciplinaires
L'article 35 alinéa 1er du statut de la magistrature définit la faute disciplinaire comme étant « tout manquement par un magistrat aux convenances de son état à l’honneur, à la délicatesse ou à la dignité ». Par convenance, il faut comprendre tout ce qui est approprié, tout ce qui est bienséant pour la profession.
Et par manquement aux convenances, tout ce qui peut nuire à l’image de la profession. Par exemple, il est inconvenant qu‘un magistrat soit en État d‘ivresse dans l‘exercice de ses fonctions.
Il est également inconvenant qu’un magistrat s'adonne à certaines pratiques telles que le racket, l'escroquerie, l'extorsion de fond, etc. Enfin, le magistrat en exercice ne doit pas participer à des débats politiques ou prendre publiquement des positions politiques.
La délicatesse est relative au tact et à la finesse auxquels le magistrat doit faire preuve. Il ne doit pas dans l’exercice de ses fonctions tenir les discours ou des propos choquants, belliqueux, discriminatoires ou racistes. Le magistrat doit toujours faire preuve de diplomatie.
Outre, ces comportements, la faute disciplinaire consiste également dans la désobéissance à son chef particulièrement pour les magistrats du ministère public. Cette désobéissance peut consister dans le fait de ne pas exécuter les instructions du supérieur hiérarchique ou d'agir contrairement à ses instructions (article 35 alinéa 2 du statut).
2- La procédure disciplinaire à l’égard des magistrats
Elle concerne la saisine des organes de discipline, la mise en œuvre de la procédure et les sanctions.
a- La saisine des organes de discipline
Deux organes disciplinaires interviennent dans la sanction des fautes commises par les magistrats dans l'exercice de leurs fonctions. Il s‘agit des chefs de cours et du conseil supérieur de la magistrature.
- Les chefs de cours
L ’article 36 du statut dispose que « en dehors de toute action disciplinaire, les procureurs généraux et les premiers présidents des cours d’appel, ont le pouvoir de donner un avertissement aux magistrats placés sous leur autorité ».
L'avertissement infligé aux magistrats par les chefs de cours, c'est-à-dire les premiers présidents et les procureurs généraux n’est pas en soit une sanction disciplinaire. Il n’a aucun effet sur sa carrière. Il reste néanmoins une mesure préventive qui sanctionne son comportement.
- Le conseil supérieur de la magistrature
C’est le véritable organe de discipline des magistrats. Il a été créé par la loi N° 61-202 du 02 juin 1961. Cette loi a connu plusieurs modifications relatives à la composition, la présidence et le fonctionnement du conseil supérieur de la magistrature.
b- La mise en œuvre de la procédure disciplinaire
C’est le garde des Sceaux, ministre de la Justice qui dénonce au conseil supérieur de la magistrature les plaintes ou les faits dont il a connaissance. Le président de la cour suprême qui est le vice président du conseil supérieur de la magistrature fait alors ouvrir une enquête disciplinaire.
Un membre du conseil est désigné en qualité de rapporteur. C‘est lui qui procédera à l‘audition du magistrat en cause, ainsi qu’à celle du plaignant et éventuellement des témoins.
Après l’enquête, le magistrat en cause est invité à comparaitre en personne devant le conseil. Il peut se faire assister d’un avocat au besoin se faire représenter par un collègue en cas de maladie ou d’empêchement (article 45, 46 du statut). Le magistrat traduit devant le conseil ainsi que son avocat ont le droit de prendre connaissance du dossier avant leur comparution (article 47).
Au jour de l’audience, le magistrat rapporteur livre les résultats de son enquête. Le mise en cause est invité à fournir des explications, puis le conseil met l’affaire en délibérée pour que la décision puisse être rendue à une date qu‘il indiquera.
c- Le prononcé de la sanction disciplinaire
Le conseil de discipline statut à huit clos. Sa décision est notifiée au magistrat concerné dans les formes administratives. Elle prend effet du jour de cette notification. En cas de faute disciplinaire, le conseil supérieur de la magistrature peut prendre les sanctions suivantes :
- La réprimande avec inscription au dossier ;
- Le déplacement d’office ;
- La radiation du tableau d’avancement ;
- Le retrait de certaines fonctions ;
- L’abaissement d’échelons ;
- La rétrogradation ;
- La mise à la retraite d’office ;
- La révocation.
La réprimande est un blâme, c'est-à-dire une désapprobation du comportement du magistrat. Cette désapprobation est inscrite dans son dossier personnel. Le déplacement d’office consiste à affecter le magistrat fautif à un autre poste en cours d’année judiciaire sans qu'il ne l‘ait souhaité.
La radiation du tableau d’avancement consiste à retirer le nom du magistrat en cause de la liste des personnes proposées à l’avancement aux grades. Le retrait de certaines fonctions conduit le magistrat sanctionne à se voir retirer les fonctions qu'ils exerçaient au moment des faits. Par la rétrogradation, le magistrat est ramené à un grade inférieur à celui dont il est titulaire.
La mise à la retraite d’office entraine la cessation de toute fonction avant l‘âge requis pour la retraite.
Quant à la révocation, c’est une destitution des fonctions et de la profession. Celui qui est frappé de cette sanction ne fait plus partir du corps des magistrats et ne peut en aucun cas exercer la profession.
Il convient de préciser que le conseil supérieur de la magistrature ne peut prononcer une seule des sanctions énumérées même si le magistrat en cause a commis plusieurs fautes. Par ailleurs, sa décision n’est pas susceptible de recours.
II- la fin de la carrière du magistrat
La carrière du magistrat prend fin à un moment donné de l’exercice de la profession. Cette fin peut intervenir normalement ou de façon prématurée.
A- La fin normale de la carrière
La carrière de tout travailleur prend fin normalement à sa mise à la retraite après un certain temps de travail. Pour ce qui est des magistrats, le temps du travail et notamment l’âge de la retraite varie suivant le grade. Ainsi, pour les magistrats hors hiérarchie, l’âge de la retraite est fixé à 65 ans. Pour tous les autres grades, il est de 60 ans.
Pour revoir cette disposition, l’article 63 du statut qui prévoit cette disposition précise, sous réserve des prérogatives pouvant résulter des textes applicables à l’ensemble des agents de l’État. La retraite donne droit à une pension qui représente la somme des cotisations des retraités, payés durant l’activité.
B- La fin prématurée
La carrière du magistrat peut également prendre fin de manière prématurée, c'est-à-dire à long terme. Cela peut être de son fait ou indépendant de sa volonté. Elle est de son fait lorsque le magistrat présente sa démission et que celle-ci est acceptée par son employeur.
La démission ne donne droit à aucune indemnité. La fin prématurée peut intervenir indépendamment de sa volonté pour cause de décès et de révocation. La révocation qui est une sanction disciplinaire consécutive à une faute du magistrat n’est pas en réalité indépendante de sa volonté. Toutefois, elle met brutalement fin à sa carrière et de la plus mauvaise manière.
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