La fin de la formation fut-elle réalisée avec succès, ne donne pas directement lieu à l’exercice de la profession. Il faut l'accomplissement de certaines formalités administratives.
Comment la profession de magistrat s'exerce-t-elle en Côte d'Ivoire ?
I- Les formalités administratives nécessaires à l'exercice de la profession
Il y a deux séries de formalités : la nomination et l’affectation à un poste d’une part, la prestation de serment et l’installation dans les nouvelles fonctions d’autre part.
A- La nomination et l’affectation
1- La nomination dans une fonction de la magistrature
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2- L’affectation dans une juridiction
Les différentes fonctions et les postes ci-dessus décrits s‘exercent dans les juridictions de l’ordre judiciaire repartis sur l'ensemble du territoire national. Les affectations dans ces juridictions se font suivant certains critères.
a- Les juridictions d’affectation
La justice en Côte d‘Ivoire est organisée selon le système du double degré de juridiction. On distingue ainsi les juridictions du premier degré qui sont les juridictions inférieures dans l'organisation judiciaires.
Il s’agit des tribunaux de première instance installés dans les grands départements et des sections détachées institués dans les départements de moyennes dimensions. Les juridictions de second degré qui sont les juridictions supérieures, c'est-à-dire les cours d‘appel. Le système judiciaire de la Côte d'Ivoire comprend trois cours d’appel : la cour d’appel d’Abidjan, la cour d’appel de Bouaké et la cour d’appel de Daloa.
Il existe huit (8) tribunaux de première instance et plusieurs sections de tribunaux :
- Le tribunal de première instance d'Abidjan-Plateau auquel sont rattachées les sections de tribunal de Bassam, Aboisso, Agboville et Adzopé.
- Le tribunal de première instance d’Abidjan Yopougon dont les sections détachées sont Dabou et Tiassalé.
- Tribunal de première d’instance d'Abengourou avec comme sections détachées Bondoukou et Bouna.
- Le tribunal de première instance de Bouaké avec pour section détaché Toumodi, Dimbokro et M’Bahiakro.
- Le tribunal de première instance de Korhogo avec les sections détachées d’Odiéné et de Boundiali.
- Le tribunal de première instance de Bouaflé avec comme section détachées Sinfra et Oumé.
- Le tribunal de première instance de Gagnoa dont les sections détachées sont Lakota et Divo.
- Le tribunal de première instance de Daloa auquel sont rattachées les sections de Soubré et Séguéla.
- Le tribunal de première instance de Man avec deux sections détachées : Danané et Touba.
b- Les critères d’affectation
L’affectation tient compte de trois critères. Le premier est que l'auditeur de justice fraichement sorti de la formation ne peut être affecté dans une juridiction de second degré.
Le deuxième critère est que l'affectation dans les juridictions de premier degré se fait au mérite notamment en fonction de la place occupée dans le classement de sortie. Enfin pour des raisons de nécessité de service, les affectations peuvent ne pas obéir aux critères précités.
B- La prestation de serment de magistrat
Il convient de distinguer la prestation de serment du magistrat de son installation dans les fonctions auxquelles il est nommé.
1- L’obligation au serment
Le magistrat prête serment deux fois tout au long de sa carrière. Une première fois en tant qu’auditeur de justice et une deuxième fois en tant que magistrat. En effet, l’article 8 alinéa 1er du statut dispose que « tout magistrat lors de sa nomination à son premier poste et avant l'entrée en fonction prête serment. »
La formule de serment de magistrat est quelque peu différente de celle de l’auditeur de justice. Elle s’exprime en ces termes : « Je jure de bien et fidèlement remplir mes fonctions et de me conduire en tout comme un digne et loyal magistrat. »
Le serment de magistrat est, en principe, prêté solennellement devant la cour d’appel au cours d’une audience spéciale. Mais en cas de nécessité, le magistrat peut prêter serment par écrit sous réserve de le renouveler plus tard au cours d’une audience solennelle (article 9 alinéa 2 du statut).
Le magistrat ne peut jamais être relevé de son serment aussi longtemps qu’il demeure dans cette profession et le serment de magistrat se prête une seule fois quelques soit les différentes fonctions qu’on occupera au cours de sa carrière. Cependant, il peut y avoir plusieurs cérémonies d’installation dans les fonctions occupées au cours de la carrière.
2- L’installation dans les fonctions de magistrat
L’installation apparaît comme une sorte d’investiture du magistrat dans ses nouvelles fonctions. Elle a lieu dans la juridiction où il est nommé et se fait au cours d’une audience solennelle. L’installation dans les fonctions intervient aussi bien pour les nouveaux que pour les anciens magistrats.
À titre d’exemple, un auditeur de justice est nommé juge d’instruction au tribunal de première instance de Yopougon. Avant d’entrer en fonction, il va prêter serment devant la cour d’appel d’Abidjan.
Puis, il sera installé dans ses fonctions de juge d’instruction à un autre moment au cours d’une cérémonie d’installation qui aura lieu au tribunal de Yopougon. Le deuxième exemple concerne un magistrat déjà en fonction au tribunal de Yopougon en qualité de substitut du procureur et qui est muté au tribunal de première instance de Bouaké.
Avant de prendre fonction dans cette juridiction, il ne prêtera pas serment devant la cour d’appel de Bouaké puisqu’il l’a déjà fait à Abidjan. Mais, il fera l’objet d’une cérémonie d’installation dans ses fonctions au tribunal de Bouaké.
II- L’exercice proprement dit de la profession de magistrat
La profession de magistrat est une profession particulièrement contraignante, car elle comporte beaucoup d‘interdictions, d’incompatibilité et d‘obligations. Mais, le magistrat a aussi des avantages et des droits liés à sa profession.
A- Les contraintes de la profession
Il s’agit des interdictions, incompatibilités et obligations auxquelles est soumis le magistrat dans l‘exercice de ses fonctions.
1- Les interdictions
Elles sont énumérées aux articles 13 à 16 du statut et concernent le traitement d’une affaire concernant un proche, l‘acquisition ou la cession de biens faisant l‘objet d'une procédure judiciaire, le règlement des intérêts personnels par un acte de sa fonction et la cessation de travail.
a- L’interdiction de traiter une affaire concernant un proche
L’article 13 du statut interdit aux magistrats de connaitre d'une affaire dans laquelle l’une des parties est représentée par un avocat ou un mandataire qui est sont parent ou son allié jusqu‘au quatrième degré.
Par exemple, si l'épouse d’un magistrat est avocate, ce magistrat ne doit pas traiter les affaires dans lesquelles sa conjointe représente l'une des parties au procès. Ceci pour éviter un éventuel parti-pris et éviter au juge son impartialité. En cas de violation de cette interdiction, la procédure peut être frappée de nullité.
b- L'interdiction des transactions sur les droits litigieux
Le magistrat ne doit pas se rendre acquéreur ou cessionnaire par lui-même ou par personne interposée des droits litigieux qui sont de la compétence des juridictions dans le ressort desquelles il exerce ses fonctions.
Il ne doit pas acquérir des biens, droits et créances dont il doit poursuivre ou autoriser la vente. Il ne doit pas les prendre en louage ni les recevoir en nantissement. De telles transactions de sa part seraient frappées de nullité (article 14 du statut).
c- L’interdiction du règlement des intérêts personnels par un acte de sa fonction
L'article 15 du statut interdit au magistrat d’accomplir un acte de sa fonction lorsqu‘il s’agit de ses propres intérêts, de ceux de sa femme, de ses enfants ou alliés en ligne directe ou en ligne collatérale jusqu’au quatrième degré ou encore lorsqu’il s’agit des intérêts d'une personne dont il est le représentant légal ou le mandataire. Un tel acte sera frappé de nullité.
d- La cessation du travail
Aux termes de l’article 16 alinéa 3 du statut : « Est également interdit au magistrat toute action concertée de nature à arrêter ou entraver le fonctionnement des juridictions. »
Il résulte de cet article que les magistrats n’ont pas le droit de grève. Ils ne peuvent, par une action concertée, décider d‘arrêter le travail.
Cette interdiction du droit de grève contient implicitement celle de constituer en syndicat puisque le droit de grève est l’un des moyens d’action de revendication des syndicats.
2- Les incompatibilités
Il s‘agit de certaines activités qui ne peuvent s’exercer concomitamment avec la profession de magistrat. Toutefois, en la matière il y a un principe et une exception.
a- Le principe de l’incompatibilité de la fonction de magistrat avec d’autres activités
Au terme de l’article 10 alinéa 1 du statut « l’exercice des fonctions de magistrat est incompatible avec l’exercice de toutes fonctions publiques et de tout autres fonction rémunérées ».
Cela signifie que l’on ne peut être magistrat en fonction dans une juridiction (juge d’instruction, substitut du procureur) et exercé une autre fonction publique (directeur, sous-directeur d’administration) ou tout autre activité rémunérée (activité commerciale, associé ou consultant dans une entreprise privée, etc.).
L'article 11 du même statut précise encore que l’exercice des fonctions de magistrat est incompatible avec l’exercice de toute fonction élective ce qui veut dire qu’on ne peut être juge et député ou juge et maire de commune. Cependant, ces incompatibilités connaissent quelques exceptions.
b- Les exceptions au principe
Certaines activités peuvent être exercées en même temps que la profession de magistrat à condition d’avoir des dérogations ou autorisations.
- Les activités nécessitant des dérogations
L'alinéa 2 de l’article 10 du statut dispose que les dérogations individuelles peuvent être accordées aux magistrats pour :
- Donner des enseignements ressortissants à leur compétence par exemple un magistrat du ministère public peut être autorisé à donner des cours de droit pénal et de procédure pénale ;
- Exercer des fonctions ou activités qui ne seraient pas de nature à porter atteinte à la dignité du magistrat et à son indépendance (conseiller de ministre).
- Les activités nécessitant une autorisation
Il s’agit d‘activités qui ne sont pas vraiment incompatibles avec la fonction de magistrat en ce qu’elles ne portent pas atteinte à la dignité et à l’indépendance de ce dernier, mais dont l’exercice nécessite néanmoins une autorisation préalable de l’autorité hiérarchique.
Tel est le cas de la participation des magistrats aux travaux d’organismes ou de commissions extrajudiciaires par exemple la participation à des commissions d'enquête, des commissions des droits de l’Homme, des séminaires, colloques et autres tables rondes. Cette autorisation est accordée par le garde des Sceaux ministre de la Justice.
- Les activités ne nécessitant aucune autorisation
Il existe des activités pour lesquelles le magistrat n’a pas besoin d’autorisations. En effet, l’article 10 alinéa 3 du statut déclare que « les magistrats peuvent, sans autorisation préalable, se livrer à des travaux scientifiques, littéraires ou artistiques ».
3- Les obligations
Quatre principales obligations pèsent sur le magistrat dans l'exercice de ses fonctions :
- L’obligation au secret professionnel ;
- L’obligation de réserve ;
- L’obligation de résidence ;
- L’obligation de porter le costume d’audience.
a- L’obligation au secret professionnel
Cette obligation signifie que le magistrat ne doit pas divulguer les informations et renseignements confidentiels auxquels il aurait eu accès dans l'exercice de ses fonctions. Il n'en doit pas non plus diffuser avant qu’elle ne soit prononcée publiquement les décisions prises au cours des délibérations auxquelles il a participé. On dit qu’il doit garder le secret des délibérations.
b- L’obligation de réserve
Le magistrat est tenu à une obligation de réserve. Cette obligation résulte en réalité des interdictions qui lui sont faites par l’article 7 du statut en ces termes : « Toute délibération politique est interdite au corps judiciaire. Toutes manifestations d’hostilités aux principes et à la forme du gouvernement de la République est interdit aux magistrats de même que toute démonstration de nature politique incompatible avec la réserve que leur impose leur fonction ».
Il résulte de ce qui précède que le magistrat ne doit pas faire de la politique. Il ne doit pas manifester son opinion politique ni participer à des rencontres de même nature.
c- L’obligation de résidence
L’article 18 alinéa 1 dispose que « les magistrats sont astreints à résider au siège de la juridiction à laquelle ils appartiennent. Ils ne peuvent s’absenter sans congé ou permission si ce n’est pour cause de service ». L'obligation de résidence signifie que le magistrat doit habiter dans le lieu de sa juridiction.
Par exemple s'il est en fonction au TPI de Bouaké, il doit résider la ville de Bouaké ; il ne peut résider ailleurs. Cette obligation de résidence s'accompagne d'une autre obligation qui est l‘obligation de présence. En effet, le magistrat ne peut s’absenter de son poste de travail sans raison. S’il doit s’absenter, cela ne peut se faire qu'avec une permission ou une décision de congés ou encore pour des raisons de service.
d- L’obligation de porter le costume d’audience
Les magistrats sont également astreints à l’audience au port d‘un costume, c’est-à-dire une tenue qu’ils arborent pour prendre part aux audiences des juridictions. On distingue à cet effet, deux types de costumes :
- Le costume des audiences ordinaires ;
- Le costume des audiences solennelles.
- Le costume des audiences ordinaires
Les audiences ordinaires sont généralement celles au cours desquelles les affaires sont jugées. Le costume de circonstance dans ce cas est la toge noire à grande manche avec simarre noire et ceinture noire, toque noire bordée de velours noir ornée d'un galon d'argent, cravate tombante de baptiste blanche plissée et une épitoge de fourrure blanche (article 18 alinéa 1 du décret de 1998).
- Le costume des audiences solennelles
Il s’agit des audiences de cérémonie par exemple les audiences de prestation de serment, d’installation de magistrat, et audiences de rentrée judiciaire. Le costume porté dans ces occasions est la toge de couleur rouge avec simarre de soie noire, ceinture de soie aux couleurs ivoiriennes avec frange de soie et une toque de velours noire (article 18 alinéa 2).
B- Les droits et avantages de la profession de magistrat
1- Les droits
Tout magistrat a droit à une rémunération et à une carte professionnelle.
a- Le droit à une rémunération
L'article 33 du statut de la magistrature indique que les magistrats perçoivent une rémunération qui comprend le traitement soumis à retenue pour pension et des accessoires de salaires tels que défini par le statut général de la fonction publique. Ce traitement est fixé par décret.
b- Le droit à une carte professionnelle
L'article 19 du décret d’application de la loi portant statut de la magistrature déclare que les magistrats en fonction dans les emplois judiciaires sont munis d’une carte professionnelle dont le modèle et les conditions de délivrance, d’usage et de retrait sont définis par arrêté du garde des Sceaux, ministre de la justice.
Cette carte comporte entre autres indications la mention suivante : « Le garde des Sceaux, ministre de la Justice prescrit aux agents de l'autorité d’assurer la libre circulation de M ou Mme pour les besoins de service et dans l’exercice de ses fonctions ».
Lorsque le magistrat cesse d’assurer la fonction pour laquelle la carte lui a été délivrée, il doit la restituer sans délai au ministère qui lui en délivrera une nouvelle s’il y a lieu.
2- Les avantages liés à la profession
Il s’agit des prérogatives accordées aux magistrats, mais qui peuvent leur être retiré à tout moment. On distingue les avantages pécuniaires, des avantages sociaux ainsi que des avantages d’autres natures,
a- Les avantages pécuniaires
Les magistrats ont droit à deux sortes d’avantages pécuniaires :
- Les avantages consentis à tous les fonctionnaires ;
- Les avantages propres à la fonction de magistrat.
En effet, l’article 34 du statut de la magistrature dispose que « les magistrats ont en outre droit à tous les avantages consentis aux fonctionnaires régis par le statut général de la fonction publique ». Il s’agit notamment de l’indemnité de transport et des allocations familiales.
Mais les magistrats disposent également d’avantages pécuniaires spécifiques à savoir une indemnité de logement, une indemnité de judicature, une indemnité d’investigation, une indemnité de représentation, et une indemnité de responsabilité.
b- Les avantages sociaux
L ’article 58 du statut de la magistrature précise que « les dispositions du statut général de la fonction publique relatives notamment aux diverses positions des fonctionnaires, aux régimes des congés et des pensions s’appliquent aux magistrats dans la mesure où elles ne sont pas contraires aux règles statutaires du code judiciaire ».
Ainsi, les magistrats bénéficient aussi des prestations de la MUGEFCI et de la CGRAE. Les magistrats bénéficient également d’une protection particulière. En effet indépendamment des règles du code pénal qui punissent toutes infractions commises à l’égard de tout citoyen quel qu’il soit, les magistrats sont protégés contre les menaces et attaques de quelque nature qu’elles soient dont ils peuvent faire l’objet dans l’exercice de leur fonction.
Ils sont également protégés contre les poursuites judiciaires qui ne peuvent être engagées à leur endroit que suivant une procédure particulière dites procédure de prise à partie (article 17 alinéa 2 du statut).
Nous sommes bien au terme de ce article sur l'exercice de la profession de magistrat en Côte d'Ivoire. Vous êtes libres de consulter aussi ces articles :
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