Dans ce guide, vous apprendrez les notions relatives au déroulement du procès civil ainsi qu'à défendre vos droits devant les juridictions civiles.
Par « juridictions civiles », nous entendrons les juridictions statuant en matière civile et commerciale. En matière civile et commerciale, la pratique judiciaire sera analysée sous l'angle de l‘instance judiciaire. Pour étudier les usages pratiqués devant ces juridictions, il faudra passer en revue la procédure ordinaire ou procédure de droit commun, par opposition aux procédures particulières (référé, requête, procédures gracieuses, etc).
Il s’agit de la procédure qui a vocation à s’appliquer en l'absence de règles spéciales organisant l’instance civile. Cette procédure est constituée de plusieurs étapes importantes, de l'introduction de l‘instance à son dénouement en passant par le déroulement de l'instance. Pour mieux appréhender les questions importantes qui se posent dans la pratique juridictionnelle, nous étudierons d'abord l’introduction de l’instance (chapitre I) ensuite son déroulement (chapitre II) et enfin le dénouement de l’instance (chapitre III).
Chapitre I : L’INTRODUCTION DE L’INSTANCE CIVILE
En pratique, l’instance commence par une demande initiale qui est celle par laquelle un plaideur prend l’initiative d‘un procès en soumettant au juge ses prétentions. Il s’agit d’une demande introductive d’instance.
Mais, il nous faut voir d’abord, les modes de saisine des juridictions civiles (section I) avant d’analyser les formalités supplémentaires à respecter (section II).
Section 1 : Les modes de saisine des juridictions civiles
Le code de procédure civile a organisé une diversité de modes de saisine des juridictions civiles. Il s'agit notamment de la requête conjointe, de la comparution volontaire, de la déclaration au greffe.
Mais, l‘assignation (paragraphe I) et la requête (paragraphe II) constituent les modes de saisine les plus utilisés.
Paragraphe 1- L’assignation
L'assignation est l'acte d’huissier (exploit d'assignation) par lequel le demandeur invite son adversaire (le défendeur) à comparaître devant un tribunal. Il s’agit donc d’une convocation à comparaitre devant le tribunal. Il résulte de l’article 32 du Code de Procédure Civile que " les instances en matière civile, commerciale et administrative sont introduites par voie d’assignation volontaire des parties ". L’assignation obéit à des règles de forme.
En effet, pour être valable, elle doit nécessairement contenir un certain nombre de mentions (A) et respecte des délais dits d’ajournement (B).
A- Les mentions obligations de l’assignation
L'assignation doit d'abord comporter à peine de nullité des mentions propres aux actes d‘huissier (acte de signification, commandement de payer, sommation interpellative) en général prévues par l’article 246 du Code de procédure civile qui stipule que « les exploits dressés par les huissiers de justice contiennent notamment le nom du requérant, ses prénoms, profession, nationalité et domicile réel ou élu, et le cas échéant, les noms prénoms, profession et domicile de son représentant légal ou statutaire ».
L’assignation doit également comporter la date les jours, mois et an, des noms, prénom et demeure de l’huissier, des noms, prénoms et demeure du requis et de l’objet de l’acte. En outre, le Code de Procédure Civile prévoit que l’assignation doit être signifiée au requis, à personne, à domicile, à voisin ou même à mairie si la personne refuse de prendre l’acte.
Certaines mentions sont propres à l’assignation en tant qu’acte introductif d’instance. Il s’agit de l’exposé sommaire des moyens, de l’indication du tribunal qui doit connaitre de la demande, de la date et de l’heure de l'audience. Ces mentions sont prescrites à peine de nullité de l‘exploit d’assignation. Mais les juges en cas d'omission de certaines mentions, ne prononcent pas automatiquement ladite nullité de l'exploit. Les magistrats appliquent à cet égard le principe selon lequel « pas de nullité sans texte et pas de nullité sans grief ».
La Cour Suprême du Sénégal a déjà décidé, dans un arrêt du 25 novembre 1987 que la mention inexacte de l'adresse du défendeur lorsque son identité est exacte ne constitue pas une formalité substantielle de nature à entraîner l‘annulation de l’exploit en l’absence de la caractérisation d‘un grief.
Mais, la mention du nom de l’Huissier, la désignation du tribunal devant lequel le défendeur doit comparaitre, la date de l’exploit d‘assignation constituent des formalités substantielles susceptibles d’entraîner la nullité de l’assignation même en l’absence de la caractérisation d’un grief.
B- Les délais d’ajournement
Les délais d’ajournement sont les délais qui doivent impérativement séparer le moment où l'assignation est délivrée (servie) au défendeur et celui où l'audience doit se tenir. L’observation de ces délais est dictée par des considérations liées au respect des droits de la défense. En effet, il s’agit à travers ces délais de permettre au défendeur de préparer sa défense en attendant de comparaître devant le juge.
Ces délais varient suivant que le défendeur est domicilié sur le territoire ivoirien ou à l’étranger et est prévu par l’article 34 du code de procédure civile qui dispose que : « Sauf consentement des parties ou abréviation du délai par le juge, en cas d'urgence, il doit y avoir entre le jour de l'assignation et celui indiqué pour la comparution, un délai de huit (8) jours au moins, si le destinataire est domicilié dans le ressort de la juridiction. Ce délai est augmenté d'un délai de distance de quinze (15) jours si le destinataire est domicilié dans un autre ressort et de deux (2) mois s'il demeure hors du territoire de la République ».
Il ressort de cette disposition que pour les défendeurs domiciliés en Côte d‘Ivoire, le délai à respecter entre la date de la signification de l’assignation à l’adversaire et la date de la première audience d’évocation de l’affaire doit être d'au moins huit jours (8) si le défendeur est domicilié dans le lieu où siège le tribunal compétent ( l’on dit également le ressort de ce tribunal).
Ce délai d’ajournement est augmenté de quinze (15) jours lorsque la personne poursuivie est domiciliée dans le ressort d’un autre tribunal, et dans les autres parties de la République. Si le défendeur demeure hors du territoire de la République le délai de huit jours est augmenté d’un délai de distance de deux mois pour celui qui demeure en Europe, en Afrique, en Amérique, en Asie ou en d’autres termes si le défendeur demeure dans le reste du monde.
En principe, la sanction du non-respect du délai d’ajournement doit être la nullité de l’exploit d’assignation toutes les fois où le demandeur à l‘instance n’a pas obtenu une ordonnance abréviative de délai, l'adversaire n'ayant pu comparaitre dans le délai imparti et n’ayant ainsi pu faire valoir ses moyens de défense.
Paragraphe 2 : La requête
La requête est un mode normal de saisine des tribunaux. C’est ce qui résulte de l'article 32 du Code de procédure civile qui dispose entre autres que : « Les instances en matière civile, commerciale ou administrative, sont introduites par voie d'assignation, sauf comparution volontaire des parties. Toutefois, dans les actions personnelles ou mobilières dont l'intérêt pécuniaire, n'excède pas la somme de 500.000 francs, l'instance peut être introduite par voie de requête ».
Selon ce texte, les instances devant les tribunaux sont introduites en cas de procédure gracieuse ou pour les litiges dont l’intérêt en jeu est faible, sont par requête écrite signée du demandeur ou de son mandataire, soit par la comparution du demandeur accompagnée d’une déclaration dont le procès-verbal est dressé par le greffier.
Cette déclaration est signée du demandeur, ou mention est faite qu’il ne sait signer. La requête doit généralement indiquer les prénoms, noms, domiciles ou résidences du demandeur et du défendeur ainsi que l’énonciation de l’objet et des moyens de la demande.
Le procès-verbal de dépôt de la requête au greffe doit contenir entre autres :
- la date du dépôt de la requête ;
- les noms, prénoms, profession, nationalité, domicile résidence du requérant, et le cas échéant, mention de son avoca ou mandataire ;
- l'élection de domicile, soit au siège de la juridiction, soit chez son avocat ou mandataire ;
- les noms, prénoms, domicile ou résidence du défendeur, ou s'il s'agit d'une personne morale, de son représentant légal ou statutaire, et à défaut de son siège ;
- l'exposé des faits, l'objet de la demande et ses justifications éventuelles ;
- l'indication de la juridiction qui doit connaître de la demande, ainsi que les dates et heures de l'audience.
La requête dans le cadre d’une procédure contentieuse, doit être signifiée à la partie adverse par le biais d’un exploit d’huissier de justice à son domicile élu dans le respect des règles relative au délai d’ajournement.
En matière de divorce contentieux, le tribunal de première instance est saisi par une requête en divorce. En matière de jugement d’hérédité, le tribunal est saisi par une requête aux fins de délivrance d’un jugement d’hérédité. Dans le cadre de la procédure sur requête, le Président du Tribunal est également saisi par une requête.
Par exemple, en matière d’injonction de payer, la procédure est introduite par une requête aux fins d’injonction de payer (article 2 de l’Acte uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution).
Cette requête doit comporter à peine d’irrecevabilité les noms et prénoms, professions des parties, le siège social, la forme sociale des personnes morales. Toutes difficultés relatives à la recevabilité de la requête et à l'établissement du procès-verbal seront jugées en dernier ressort par le président de la juridiction sur simple requête du greffier, de la partie en cause, de son représentant ou de son mandataire selon l’article 37 du CPC.
Section 2 : Le respect des formalités supplémentaires
Il ne suffit pas de délaisser au défendeur un acte introductif d’instance pour saisir la juridiction, encore faudrait-il accomplir des formalités supplémentaires. Il s’agit de l‘enrôlement (paragraphe I) et de la consignation (paragraphe II). Ce n’est qu’à partir de ce moment que le président répartit les dossiers entre les chambres du Tribunal (paragraphe III).
Paragraphe 1 : L’enrôlement
La demande en justice ne se confond pas à la saisine effective du Tribunal. La saisine du tribunal suppose l’accomplissement d’une formalité postérieure appelé enrôlement.
En vertu des dispositions du Code de procédure civile, le tribunal est saisi, à la diligence du demandeur, par la remise au secrétariat du greffe au plus tard l’avant-veille de l’audience (deux jours, avant la date de la première comparution) de l’original de l’assignation ou d'une copie de la requête.
À cet effet, l’article 41 du CPC dispose que « Si l'instance est introduite par voie d'assignation, le demandeur doit, au plus tard quarante-huit (48) heures avant l'audience, en déposer l'original au greffe. Le numéro d'ordre du rôle général sera reproduit en tête des conclusions ».
Ces diligences sont en réalité destinées à l'accomplissement de la formalité de l’enrôlement. L’enrôlement consiste à faire inscrire l’affaire au registre tenu au greffe du tribunal saisi, appelé rôle général.
Il s’agit d’un registre tenu au greffe sur lequel sont inscrites, dans leur ordre de présentation, toutes les affaires portées devant ledit Tribunal.
C’est au demandeur de prendre l’initiative de l’enrôlement au plus tard l‘avant-veille de l’audience, en remettant l’original de l’assignation au greffier.
Dès l'enrôlement, il sera établi au greffe de chaque juridiction, par affaire inscrite, un dossier qui portera les noms et domiciles des parties, et s‘il y a lieu les noms des avocats, le numéro et la date de mise au rôle, l'objet de la demande et les dates successives de renvoi de l'affaire, seront déposés dans ce dossier et côté par le greffier :
- le récépissé constatant la consignation de la provision au greffe ;
- l'original de l'exploit d'assignation ou copie du procès-verbal de dépôt visé à l'article 36, auquel sera jointe, le cas échéant, la requête écrite ;
- les conclusions ou notes des parties ou de leurs conseils avec mention de la date de leur dépôt ;
- les pièces et documents versés par les parties ou les récépissés constatant leur retrait ;
- la copie des décisions prises par le juge de la mise en état ;
- la copie des jugements qui seront rendus successivement par la juridiction, et celle des procès-verbaux et rapports dressés en exécution des jugements ou des décisions rendues par le juge de la mise en état.
Le dossier sera conservé au greffe de la juridiction qui aura statué. Toutefois, les pièces et documents seront restitués aux parties sur leur demande contre récépissé (article 42 CPC).
Paragraphe 2 : La consignation
L’article 43 du CPC énonce que sauf dans les cas d’assistance judiciaire, le demandeur est tenu lors de l’enrôlement de son acte introductif d’instance de consigner au greffe de la juridiction qu‘il entend saisir une somme suffisante pour garantir le paiement des droits de timbre et d’enregistrement au droit fixe. Cet article précise en outre que : « Il devra compléter cette provision, si, en cours d‘instance, elle se révèle insuffisante. Si cette insuffisance a pour origine, le dépôt de demandes reconventionnelles par le défendeur, le complément de provision sera fourni par ce dernier. Le versement de la provision est constaté par récépissé délivré par le greffier ».
A défaut de paiement de la provision, la demande est irrecevable et la décision d’irrecevabilité est considérée comme une mesure d’administration judiciaire qui ne peut faire l’objet d’aucune voie de recours.
Mais, il faut préciser que dans certains cas et notamment lorsque le litige porte sur une matière sociale (litige entre employeur et employés), la procédure est gratuite. Cette gratuité ne concerne que les droits d’enregistrement et de timbre, à l’exclusion des droits de délivrance des actes qui sont dus.
Paragraphe 3 : La répartition des affaires enrôlées
Une fois que le tribunal est effectivement saisi, le président du tribunal procède à la répartition des dossiers entre les chambres du tribunal. À titre d’exemple, au niveau du tribunal de première instance d’Abidjan, il a été créé notamment une chambre civile, une chambre des affaires familiales, une chambre de référé expulsion, une chambre immobilière, et plusieurs chambres correctionnelles.
Dans la pratique des tribunaux, la répartition des affaires entre les différentes juridictions est à la charge du greffier enrôleur du tribunal saisi. En cas d’erreur dans l’affectation de l’affaire ou en cas de mauvaise attribution, la juridiction saisie peut procéder par renvoi devant la juridiction compétente. Ladite répartition des dossiers entre les chambres du tribunal est fonction de la nature et de l’importance de l'affaire, mais aussi de l’état des rôles des chambres.
Chapitre II : LE DÉROULEMENT DE L’INSTANCE
Une fois que le tribunal est saisi, l’instance doit se dérouler normalement. Mais, devant de nombreuses juridictions, il arrive des cas où la procédure contentieuse proprement dite (Section II) soit précédée d’une étape préalable de conciliation (section I).
Section I : Le préalable à la procédure contentieuse : la conciliation
En principe, les instances devant le tribunal de première instance sont dispensées du préliminaire de conciliation sauf pour les litiges portant sur la contestation des ordonnances d’injonction de payer et les actions en divorce dans lesquelles la conciliation est obligatoire. Devant le tribunal du commerce et le tribunal du travail, la tentative de conciliation des parties est une condition de recevabilité de l’action en justice.
Mais, l’obligation de conciliation peut d’une part résulter de la volonté des parties ou du juge. En effet, d’abord, les parties peuvent comparaître volontairement aux fins de conciliation devant le juge compétent.
Ensuite, le demandeur a la faculté de citer le défendeur en conciliation en respectant les délais d’ajournement. Enfin, le juge saisi peut en tout état de la procédure tenter la conciliation des parties, ces dernières pourront être assistées de leurs conseils.
Mais, devant le Tribunal du commerce, le tribunal du travail et parfois même du tribunal de première instance, le préliminaire de la conciliation résulte souvent des exigences même de la loi. Il en est ainsi en matière d’injonction de payer, où en cas d’opposition formée par le débiteur, le tribunal est tenu de procéder à une tentative de conciliation.
En effet, en vertu de l‘article 12 de l’acte uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution de l‘OHADA « la juridiction saisie sur opposition procède à une tentative de conciliation ».
Ce n’est qu’en cas d’échec de la tentative de conciliation que le tribunal statue sur la demande en recouvrement de la créance.
Il en est de même devant le Tribunal de première instance, en cas de divorce contentieux. Selon les dispositions de la loi de 1964 sur le divorce, lors de la première comparution devant la juridiction aux affaires familiales, le juge a l‘obligation de procéder à une tentative de conciliation, en tenant aux époux des observations qu’il croit nécessaires pour opérer la réconciliation, hors la présence des conseils des parties. Ce n’est que lorsque la conciliation échoue que la phase contentieuse est ouverte.
Dans la pratique, le tribunal de première instance a institué une audience des conciliations présidée par un juge. Au cours de cette audience spéciale qui se tient en chambre de conseil, le juge procède à la conciliation des parties. Si la conciliation aboutit, le juge assisté du greffier dresse un procès-verbal de conciliation.
Ce procès-verbal est signe par les deux parties et déposé au greffe. Cette conciliation met fin à l‘instance et le procès-verbal de conciliation signé par le juge et les parties constitue un titre exécutoire (V. article 33 de l'acte uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution de l’OHADA). Si la tentative de conciliation échoue, ou n‘a pas lieu, on entrera dans la procédure contentieuse.
Section 2 : Le déroulement de la procédure contentieuse proprement dite
Le déroulement de la procédure contentieuse devant le tribunal se subdivise en deux étapes importantes, à savoir l’instruction des affaires (paragraphe I) et les débats (paragraphe II).
Paragraphe 1 : L’appel des causes et l'instruction des affaires
A- L’appel des causes
Selon l'article 46 du code de procédure civile, au jour fixé pour l'audience l’affaire est obligatoirement appelée. Si le demandeur ne comparaît pas, ni personne pour lui, l’affaire est rayée d’office, à moins que le défendeur ne sollicite jugement au fond. Si l‘affaire n'est pas inscrite au rôle, faute par le demandeur d’avoir consigné, elle sera renvoyée à cette fin, sur la demande du défendeur et après consignation par ce dernier. Dans les deux cas, il sera statué par jugement contradictoire.
Si le demandeur se trouve dans l'impossibilité de se déplacer, il peut demander que le Tribunal statue sur pièces. Si le défendeur ne comparaît pas, ni personne pour lui, il s’expose à ce qu’une décision soit rendue contre lui.
Cette décision rendue en l’absence du défendeur sera soit une décision de défaut si l’assignation n’a pas été faite à partie, c’est-à-dire n’a pas été signifiée personnellement à l’adversaire, mais a été donnée à un membre de sa famille ou son conjoint par exemple. La décision sera dite « réputée contradictoire » si l’assignation a été faite à partie. L’article 47 de son côté stipule que si, au jour fixé pour l'audience les parties comparaissent ou sont régulièrement représentées, le Tribunal peut :
1°) soit retenir l’affaire, s'il estime qu'elle est en état d‘être jugée le jour même ;
2°) soit fixer la date à laquelle l'affaire sera plaidée et impartir les délais utiles à la communication de pièces ou au dépôt de conclusions, ces délais devant être observés à peine d'irrecevabilité desdites pièces et conclusions. Cette irrecevabilité sera prononcée d'office par le tribunal à moins que l'inobservation des délais résulte d'un cas fortuit ou de force majeure.
Toutefois, les parties peuvent, par requête adressée au Président de la juridiction, obtenir l'évocation de l'affaire avant le terme des délais fixés. La partie qui bénéficie de cette abréviation de délais doit en aviser l'autre dans les quarante-huit (48) heures par exploit d’huissier, faute de quoi, la date initiale est maintenue ;
3°) soit renvoyer l'affaire devant le Président d'audience ou devant le juge qu'il désigne parmi les juges de la formation de jugement, pour être mise en état par ses soins.
Les décisions du Tribunal visées à l’article 46 précité du code de procédure civile sont des décisions de pure administration judiciaire contre lesquelles aucun recours n'est possible.
B- Le déroulement de la mise en état
Il est rare qu’une affaire puisse être plaidée et jugée dès la première audience. Dans la plupart du temps, il est nécessaire de procéder à une instruction. L’instruction des affaires renvoie à leur mise en état. La mise en état d’une affaire consiste à mettre l’affaire en état d’être jugée.
C'est-à-dire qu’il s’agit de permettre aux parties d‘échanger leurs conclusions, de veiller à la communication des pièces, de procéder à des enquêtes ou expertises pour que le dossier puisse être jugé dans des délais raisonnables.
Dans la pratique des Tribunaux de première instance et des cours d'appel, pour ce qui concerne la plupart des affaires et notamment des affaires jugées urgentes (résiliation de bail professionnel, opposition à ordonnance d’injonction de payer, opposition à contrainte, opposition à jugement de défaut...), la mise en état est réalisée directement par la Chambre collégiale du Tribunal ou de la cour d’appel et non par le juge de la mise en état.
Cette pratique est conforme à l’esprit de célérité qui anime le traitement de ces procédures, puisque la mise en état effectuée par la chambre permet un gain de temps certain. Au cours du déroulement de l’instruction des affaires, le juge de la mise en état se voit reconnaître des compétences (1) et des pouvoirs considérables (2).
1- La compétence du juge de la mise en état
Lorsqu’elle est constituée, la juridiction de la mise en état a jusqu’à son dessaisissement une compétence exclusive pour statuer sur certaines questions. En effet, le juge de la mise en état est compétent pour statuer sur les exceptions de procédure (exception de nullité d'un acte de procédure, d’incompétence, de connexité...), à l’exclusion des fins de non-recevoir (défaut de qualité à agir, d’intérêt, autorité de la chose jugée) et des défenses au fond.
Ainsi, l’article 48 du code de procédure civile dispose que : Le juge chargé de la mise en état comme il est dit à l'article précédent doit prendre toutes mesures qui lui paraissent nécessaires pour parvenir à une instruction complète de l’affaire. À cet effet, il peut notamment :
1°) inviter les parties, leurs conseils, leurs représentants, ou mandataires, à présenter sur leurs prétentions respectives, les conclusions soit écrites, soit orales, dans ce dernier cas, elles font l'objet d'un procès-verbal ;
2°) convoquer les parties, leurs conseils, leurs représentants ou mandataires aussi souvent qu'il le juge nécessaire, leur faire toutes communications utiles, leur adresser des injonctions, procéder à leur conciliation dans les formes prévues à l'article 134, leur donner acte de leur désistement ;
3°) autoriser ou réclamer le dépôt de conclusions additionnelles, ainsi que de toutes pièces utiles, en original ou en copie, sauf au Tribunal à tirer toutes conséquences d'une abstention ou d'un refus ;
4°) procéder à une enquête d'office ou à la demande des parties, ou commettre un juge d’un autre ressort à cet effet ;
5°) ordonner une expertise, une vérification d’écriture, une descente sur les lieux, la comparution personnelle des parties, déférer d'office le serment ou commettre un huissier de justice pour procéder à des constatations ;
6°) recevoir ou ordonner toute intervention, prescrire la jonction de deux ou plusieurs instances instruites par ses soins sauf au Tribunal à prescrire, le cas échéant, la disjonction ;
7°) statuer sur les exceptions de caution ou de cautionnement, de communication de pièces et de nullité d'acte, ainsi que les demandes de provision ad litem ;
8°) se prononcer sur les demandes de provision sur dommages-intérêts lorsque la responsabilité ne sera pas contestée ou aura été établie par une décision passée en force de chose jugée irrévocable ;
9°) ordonner même d’office, une mise sous séquestre ou toutes mesures conservatoires.
Le juge chargé de la mise en état est assisté dans ses fonctions d'un greffier.
Le juge de la mise en état peut accorder une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable.
La provision est une avance sur une somme due. Il est compétent pour ordonner des mesures provisoires, même conservatoires, à l'exception des saisies conservatoires des nantissements ou des hypothèques conservatoires. Enfin le juge de la mise en état ordonne, même d'office toute mesure d‘instruction appropriée (enquête, expertise...)
2- Les pouvoirs du juge de la mise en état
Le juge de la mise en état dispose de larges prérogatives dans le cadre de la conduite de l’instance et ses pouvoirs tendent à s’accroître. Ainsi, le juge de la mise en état veille au déroulement loyal de la procédure, à la ponctualité de l’échange des conclusions et à la communication des pièces.
À cet égard, il peut entendre les avocats ou les parties et leurs adresser des injonctions. Il fixe des délais pour accomplir des actes et peut accorder des prolongations de délais. Il peut ordonner la jonction des instances présentant un lien de connexité ou à des disjonctions.
Enfin, il a le pouvoir de constater l’extinction de l’instance notamment en cas de décès du demandeur ou de désistement d’instance.
Si les deux parties s’abstiennent d’accomplir les actes de procédure dans les délais, le juge de la mise en état peut ordonner d’office la radiation de l’affaire par une décision non susceptible de recours. Mais, le juge de la mise en état voit de plus en plus ses pouvoirs étendus même en dehors de l’instance. Ainsi, il peut constater la conciliation entre les parties et statuer sur les dépens.
Ainsi, lorsque les parties se concilient en cours de procédure, le juge de la mise en état constate la conciliation intervenue entre les parties et ordonne la radiation de l'affaire du rôle.
C- La clôture de la mise en état
La clôture de l’instruction est la fin de la mise en état. En principe après la clôture de l’instruction, aucune pièce ou conclusion ne peut être déposée par les parties. C’est pourquoi dans la pratique judiciaire avant de procéder à la clôture le juge de la mise en état renvoie l‘affaire pour vérification.
Pendant ce temps, le juge vérifie l’état du dossier (dépôt de toutes les conclusions et des pièces) statue éventuellement sur les exceptions de procédure (exception d’incompétence, de connexité, de non communication des pièces, de nullité d’un acte de procédure...).
La clôture de l’instruction peut être d’abord ordonnée qu‘à la fin de l’instruction, l’affaire est en état d’être jugée. À cet effet, le juge va rendre une ordonnance de clôture qui renvoie l’affaire devant le tribunal pour être jugée. Par ailleurs, la clôture de l’instruction peut être ordonnée par le juge de la mise en état lorsque l’une des parties n’a pas accompli les actes de procédure dans les délais.
L’ordonnance de clôture ne peut faire l’objet d’aucun recours. Lorsque l’affaire est clôturée, la cause et les parties sont renvoyées devant la chambre collégiale pour la mise de l’affaire en délibéré. Mais, l’ordonnance de clôture peut être révoquée en cas de cause grave dûment justifiée depuis qu’elle a été rendue.
Il en est ainsi par exemple, lorsqu’une partie après la clôture de l’instruction, entend déposer des pièces déterminantes pour l’issue du litige. La révocation de l’ordonnance de clôture peut être décidée par une ordonnance motivée d’office par le juge de la mise en état ou à la demande des parties, ou même par une décision du tribunal. La révocation de l’ordonnance de clôture permet la réouverture des débats et de l’échange des conclusions et pièces.
Paragraphe 2 : Les débats
Les débats sont marqués par le principe de la publicité et l’oralité des débats (A) et le président du tribunal au cours des débats dispose d’importants pouvoirs de police (B).
A- La publicité et l’oralité des débats
Selon les dispositions du CPC « les audiences sont publiques, à moins que cette publicité ne soit dangereuse pour l’ordre ou les moeurs, auquel cas la juridiction saisie le déclare par arrêt ou jugement préalable, le ministère public entendu ».
Ainsi, lorsque la publicité des débats risque d’entraîner des troubles (des manifestations) ou lorsque l'affaire est relative aux mœurs, le tribunal peut par jugement, après audition du Ministère public, décider que les débats se feront à huit clos. Mais que les débats soient publics ou non, le CPC précise que « sauf dispositions légales contraires, les jugements, en toute matière, sont prononcés publiquement et doivent être motivés, à peine de nullité ».
Dans la pratique, la procédure est souvent écrite, les parties ou leurs avocats versent aux débats, à cet effet, des mémoires ou des conclusions. Mais, le CPC dispose également que « à l’audience, les parties ou leurs mandataires sont autorisés à présenter des observations orales ou à développer leurs conclusions déposées et jointes au dossier ».
Dans la pratique des tribunaux, les parties plaident selon un ordre. Le demandeur d’abord, ensuite le défendeur et si le demandeur le requiert la parole peut lui revenir.
Mais, le défendeur doit répliquer, il a la parole en dernier. Il appartient alors au Juge de faire cesser les plaidoiries, s’il le juge nécessaire. Dans certains cas, le Ministère public peut intervenir dans les débats, notamment, lorsqu’il est partie jointe.
Dans ce cas, il intervient pour donner son avis sur une question portée à sa connaissance. Certaines affaires sont obligatoirement communiquées au Ministère public ; il s’agit des affaires qui concernent l’état des personnes, les personnes présumées absentes, l’ordre public, la causes des incapables, les récusations, et renvois pour causes de parenté. Le procureur de la République peut néanmoins prendre communication de toutes les autres causes dans lesquelles il croit son ministère nécessaire.
Le tribunal peut même l’ordonner d’office. La communication du dossier se fait au Parquet. Une fois les plaidoiries achevées, les parties vont remettre au juge leurs dossiers et les débats seront alors clos, sauf si le juge autorise leur réouverture.
B- La police des débats
Le président du Tribunal a la police des débats. Tout ce qu’il ordonne pour le maintien de l’ordre à l’audience est exécuté ponctuellement à l’instant.
La même disposition est observée dans les lieux où les magistrats et les greffiers exercent les fonctions de leur état. Le code de procédure civile prévoit que « les parties sont tenues de s’exprimer avec modération et de garder en tout le respect dû à la justice ; si elles y manquent, le juge les y rappellera d'abord par un avertissement ; en cas de récidive, elles pourront être condamnées à une amende ».
Si un ou plusieurs individus, quels qu’ils soient, interrompent le silence, donnent des signes d’approbation ou d’improbation, soit à la défense des parties, soit aux discours et ordres des magistrats, causent ou excitent du tumulte de quelque manière que ce soit, et si, après l’avertissement du président, ils ne rentrent pas dans l’ordre sur le champ, il leur sera enjoint de se retirer et les résistants seront saisis et déposés à l’instant dans la maison d’arrêt pour 24 heures.
Si le trouble est causé par un individu remplissant une fonction près du tribunal, il peut en outre être suspendu à temps de ses fonctions. Si le trouble se trouve causé par un avocat, le président pourra, après un avertissement resté sans effet, lui enjoindre de se retirer de l’audience, ce qui sera exécuté sur-le-champ.
Chapitre III : LE DENOUEMENT DE L’INSTANCE
Le jugement est le principal mode d‘extinction de l'instance. Il est défini comme l’acte juridictionnel par lequel le juge tranche le litige qui lui est soumis. Mais, techniquement, on admet qu’un jugement est une décision rendue par un tribunal alors qu’une ordonnance est une décision rendue par un président de tribunal ou par un juge.
Mais, tous les jugements ne mettent pas fin à l'instance. En effet, les jugements avant dire droit ayant pour objet de prescrire une mesure en vue de préparer le jugement définitif de l’affaire (expertise, enquête) ne dénouent pas l’instance. Après l’accomplissement de la mesure ordonnée par le jugement (dépôt du rapport d’enquête ou d’expertise) l’instance est simplement reprise. Il nous faut voir les préalables au jugement (Paragraphe I) avant d’analyser l’élaboration des jugements (paragraphe II).
Section 1 : Les préalables au jugement
Les préalables au jugement visent les étapes préliminaires au jugement définitif des affaires. Il s’agit de la mise en délibéré (A) et du délibéré (B).
Paragraphe 1 : La mise en délibéré
Dans les affaires simples où il n’y a guère de difficultés, il arrive que le jugement soit rendu sur-le-champ. On dit que le jugement est rendu sur le siège. Par ailleurs, dans les cas moins simples, les juges se retirent dans la chambre du conseil pour revenir ensuite prononcer le jugement.
Dans les deux cas, le jugement est rendu le même jour. Mais, dans la plupart des cas le prononcé du jugement est renvoyé à une date ultérieure et le président du tribunal indique la date à laquelle l’affaire sera jugée. On dit que l’affaire est mise en délibéré. La mise en délibéré est une prérogative exclusive du tribunal et non du juge de la mise en état qui lorsque l'affaire est en état d‘être jugée clôture l’instruction et renvoie la cause et les parties devant le tribunal pour mise en délibéré.
La mise en délibéré par le tribunal permet aux juges de mieux mûrir la décision avant son prononcé.
Paragraphe 2 : Le délibéré
C’est la phase de réflexion que s’accorde le tribunal après avoir entendu les parties avant de prononcer sa décision. On dit en pratique que le tribunal vide son délibéré lorsqu’il a prononcé publiquement sa décision. C’est aussi le moment où, lorsque le tribunal ne statue pas à juge unique, les magistrats discutent entre eux en vue de s’accorder sur la décision qui sera rendue.
Le délibéré est régi principalement par deux principes fondamentaux : le principe de la majorité et le principe du secret. Le principe de la majorité en ce qu'au cours des délibérations le jugement est pris à la majorité des magistrats composant la Chambre. Ni le président de chambre, ni les titulaires dans la chambre n’ont une voie prépondérante. C’est la loi de la majorité qui s’impose. Il arrive souvent que les présidents de chambre soient minorisés au cours de délibération.
Le délibéré est en outre régi par le principe du secret. Les magistrats sont tenus de garder le secret des délibérés, ils doivent se garder de révéler à des tiers les positions prises par les membres de la chambre au cours des délibérations. D‘ailleurs, l’obligation de garder le secret des délibérés est inscrite dans la formule du serment prêté par les magistrats avant leur entrée en fonction.
Section 2 : L’élaboration des jugements
Il nous faut étudier la rédaction des jugements (1) et ensuite la classification des jugements (2).
Paragraphe 1 : La rédaction des jugements
Une fois que les jugements sont prononcés à l’audience publique, ils doivent être dactylographiés. Selon les dispositions du CPC, les jugements doivent comporter un certain nombre de mentions, les noms des magistrats qui ont rendu le jugement, les noms des représentants du Ministère public, les noms, profession et domicile des parties, le dispositif des déclarations des parties, le dispositif des jugements avant dire droit. Les motifs des jugements doivent aussi être inscrits dans le jugement. En outre, le jugement doit être revêtu de la signature du greffier et du juge.
Dans la pratique, c’est le greffier audiencier qui a l’obligation, sous la surveillance du greffier en chef, d’assurer dans les deux semaines du prononcé du jugement, la dactylographie et la présentation de la décision à la signature du magistrat qui l’a rendue.
Le président du Tribunal et le greffier signent chaque jugement dans un délai maximum de 25 jours à compter de son prononcé. Mais, ces délais ne sont pas toujours respectés dans la pratique en raison du volume important du contentieux.
Paragraphe 2 : La classification des jugements
En droit judiciaire privé, plusieurs classifications peuvent être retenues
A- Jugements contradictoires et jugements par défaut
Le jugement contradictoire est un jugement rendu dans une instance où les parties ont comparu personnellement ou se sont fait représentées par leurs conseils ou représentants. Le jugement par défaut est une décision rendue à l’issue d’une instance à laquelle le défendeur n’a ni comparu ni été représenté. Seul le jugement rendu par défaut peut donner ouverture à l’opposition.
B- Jugements contentieux et jugements gracieux
Le jugement contentieux tranche le fond du litige au principal ou sur un incident (exception, ou fin de non-recevoir). Ex : un jugement qui condamne une personne à payer une somme d’argent. Le jugement gracieux est une décision par laquelle le juge ne tranche pas une contestation, mais se contente d’opérer un contrôle exigé par la loi, en vue de donner un effet juridique à un acte privé. Par exemple, le jugement de divorce par consentement mutuel, le jugement homologuant un concordat, le jugement d’homologation du partage amiable en matière de succession.
C- Jugement définitifs et jugements avant dire droit
Le jugement définitif tranche une contestation sur le fond du litige. Exemple : un jugement qui se prononce sur une demande de restitution en y faisant droit. Le jugement avant dire droit est une décision qui en préparation à la solution à donner à un litige, se borne à ordonner une mesure d’instruction (enquête, expertise) ou une mesure provisoire (provision, garde provisoire d’un enfant) sans trancher le principal du litige. Les jugements avant dire droit se subdivisent en deux catégories. Il s’agit des jugements préparatoires et des jugements interlocutoires.
Selon le CPC, les jugements préparatoires sont les jugements rendus pour l’instruction de la cause et qui tendent à mettre l’affaire en état de recevoir un jugement définitif. Exemple : un jugement désignant une expertise pour évaluer la valeur vénale d’un immeuble. Par contre, les jugements interlocutoires sont des décisions rendues lorsque le tribunal ordonne avant dire droit une mesure qui préjuge du fond du litige. Les jugements interlocutoires peuvent faire l’objet d’un appel avant même l’intervention du jugement sur le fond ; alors que les jugements préparatoires ne peuvent faire l’objet d’un appel après le jugement sur le fond.
Vous être libre de consulter aussi L'initiation à la procédure civile (Droit Judiciaire privé ).
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